Heritage culinaire tunisois

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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La cuisine tunisoise - Une longue histoire de palais

Véritable carrefour, la Tunisie a accueilli, au fil des époques, des communautés venues d'ailleurs, qui se sont installées sur la rive sud de la Méditerranée et qui ont marqué de leur empreinte le patrimoine culinaire, exaltant par les épices et les ingrédients qu'elles ont introduits la saveur des plats locaux.

C’est la cuisine tunisoise (baldi) qui a véritablement tiré profit des différentes influences qui se sont succédées et qui ont su contribuer à l’invention de plats raffinés et succulents. Dans l’Antiquité et à l’époque berbère, la région de Tunis subit tout d’abord la même influence que les autres villes. On y consomme des plats à base de semoule de blé à l’instar de la mhamsa, de la kesra, du borghol ou du bazine, une semoule de blé, qui en langue berbère signifie cercle et qui est cuite dans de l’eau et ensuite présentée avec de l’huile, du miel et de la viande. Le couscous va également faire son introduction dans les familles tunisoises pour devenir incontournable lors de la célébration des événements familiaux et religieux ainsi que des fêtes qui ponctuent l’année. On l’apprête de diverses façons, soit salé, agrémenté de viande et de légumes ou sucré (mesfouf), mélangé avec des morceaux de dattes dénoyautées, des grains de raisins secs et imbibé de zhar ou d’eau de rose.

La semoule de blé issue de l’héritage berbère est également présente dans le thrid, une soupe très appréciée des citadins. Sur la table tunisoise, les plats de verdure, héritage de l’antiquité gréco-latine, vont faire, par ailleurs, leur apparition. Un des plats les plus connus est la markat ou la tbîkhet khodhra. Ce ragoût est préparé à base d’épinards, de blettes, de persil, de feuilles de bourrache, de pois chiches, de fèves et de navets. Le tout est macéré dans l’huile. De l’eau est, ensuite, rajoutée pour lier la sauce. La chakchoukat sfennariya est également très consommée dans toutes les classes de la société. Ce plat est préparé de la manière suivante: de l’huile ordinaire ou de l’huile de qaddid est chauffée dans une poêle ou marmite. Des carottes sont ensuite coupées en rondelles puis chauffées dans l’huile avec des oignons coupés finement. De l’eau à laquelle on rajoutera, à partir du XVIIe siècle, de la sauce tomate, est ensuite versée sur ce mélange. Dès que les carottes sont cuites et que la sauce est devenue onctueuse, des œufs sont rajoutés au ragoût et cela selon le goût des consommateurs.

La cuisine tunisoise va s’enrichir, par la suite, de plusieurs plats. On héritera de la m’halbiya, un plat sucré à base de riz cuit dans de l’eau et arrosé de zhar ou d’eau de fleur de géranium qui tire son nom d’une famille arabe dont le chef Beni Mouhalab a été le gouverneur de l’Ifriqiya au cours du VIIIe siècle, explique M. Abdessatar Amamou, historien. Tunis va dans les siècles qui vont suivre devenir le centre du pouvoir politique et religieux. L’aisance économique qui caractérise les familles va permettre l’émergence d’une cuisine raffinée qui va puiser dans de multiples origines andalouse, orientale, occidentale... On héritera des réfugiés andalous qui se sont installés sur nos terres de la mrouzia, un plat à base de marrons marinés dans du vinaigre et de l’huile, de la harissa hloua et des fameux banadhej. Sous l’empire ottoman, de délicieuses pâtisseries traditionnelles vont être préparées à base de pâte de fruits secs et de sucre, à l’instar des baklava, des kaâks, des kaâbar, des samsa... pour venir agrémenter les longues soirées d’hiver et qui vont être servies avec du café turc et du thé chaud.

Le patrimoine culinaire tunisois va davantage s’enrichir avec l’apport du savoir-faire culinaire des minorités européennes migrantes (communauté juive, communauté italienne,...) qui vont élire domicile sur nos rives au début du XXe siècle. Cet héritage va comprendre toutes les préparations farcies, à l’instar du foundouk ghala, des felfel mahchi, des twajen, des mbatten... Ces plats existaient déjà mais vont être apprêtés de diverses façons et hériter même pour certains de nouveaux noms. Avec l’une de ces communautés, on découvrira la bkayla communément appelée madfouna, un ragoût à base de blettes, ainsi que les fameux plats salés-sucrés mechmech. La communauté italienne nous fera découvrir la sauce tomate et les fameuses pâtes à la sauce italienne (canneloni, ravioli...) ainsi que la ricotta qui sera par la suite utilisée dans plusieurs plats.

Nous avons, certes, hérité d’un patrimoine culinaire riche qui retrace à lui seul l’histoire de la Tunisie, marquée par les diverses influences d’ailleurs. Mais qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Certains plats ont déjà disparu, à l’instar du torchmane, une soupe purement tunisoise à base de pâtes farcies et de légumes. Un retour à la cuisine de nos grand-mères est vraiment souhaité afin de préserver ce magnifique patrimoine.

Imen HAOUARI