Quartiers Bizerte - Ville

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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Le port

L'amiral Aube, pendant son passage au Ministère de la Marine, projeta de transformer le port de Bizerte, mais il ne put que faire opérer quelques dragages à l'entrée du port. Ce fut en 1890 seulement qu'une ère nouvelle s'ouvrit pour la ville de Bizerte. A la fin de cette année commencèrent les grands travaux concédés à la maison Hersent et Couvreux pour mettre en communication facile le lac avec la mer, et transformer la rade foraine en un abri sûr.

Dans ce but, on décida de construire deux grandes jetées, d'une longueur d'environ 1.000 mètres chacune, protégeant une étendue de littoral de 1.800 mètres et formant un avant-port d'une superficie de plus de 100 hectares. Entre les musoirs des deux jetées une ouverture de 400 mètres permettra l'entrée simultanée et facile de plusieurs bàtiments. La jetée Nord, partant de l'extrémité du vieux port, au pied de la Kasbah, est déjà aux deux tiers achevée, et se terminera par des fonds de 12 à 14 mètres. Pour accomplir cet important travail, la Société du port de Bizerte a eu la bonne fortune de trouver, à 4 kilomètres N. de la ville, la carrière d'Aïn-Meriem, qui fournit en abondance les blocs de granit qu'un chemin de fer à voie étroite amène jusque sur la digue. On fabrique aussi des blocs artificiels qui formeront à l'extérieur de la jetée une barrière protectrice.

La jetée Sud n'est pas encore commencée et demandera, sans doute, un plus long temps en raison de la profondeur plus accentuée de la mer de ce côté. Une autre carrière, que l'on commence à exploiter sur la rive du lac de Bizerte, fournira plus facilement encore que celle d'Aïn-Meriem, les matériaux nécessaires. non seulement à la digue, mais encore aux quais du nouveau port. Ces deux jetées, une fois terminées, protègeront l'entrée du chenal contre l'agitation des flots et l'envahissement des sables.

La communication entre le lac et la mer était établie jusqu'à ces derniers temps par deux canaux, prenant leur origine dans le vieux port et se rejoignant avant d'atteindre le lac. Leurs contours donnent un aspect original à Bizerte surnommée, non sans beaucoup de prétentions, la Venise africaine, avec un pont dit des Soupirs, qui a son cachet, mais nulle ressemblance avec celui de la cité des doges. Ces deux canaux, depuis longtemps envasés, et n'ayant qu'une profondeur de 1 à 2 mètres ne pouvaient, en raison de leurs détours, être facilement utilisés pour la grande navigation.

Aussi résolut-on de couper directement l'isthme de sable qui séparait le lac de la mer et de créer de ce côté, c'est-à-dire à l'Est et en dehors de la ville, le chenal en ligne droite et le port. Le chenal est aujourd'hui en pleine voie d'exécution: sa largeur est de 100 mètres, sa profondeur de 5 à 6 mètres et doit arriver progressivement à 9 mètres. Sa longueur aura 8 à 900 mètres ; à cette distance, les deux extrémités du chenal, dans la mer et dans le lac, atteindront des fonds de 10 mètres.

Dans le courant de 1893, les travaux de creusement seront terminés et il restera alors à construire les quais, à faire le port proprement dit. Ce sera le seul port de Tunisie et le 4e port de l'Afrique française (après Oran, Philippeville et Bône) où un bâtiment d'assez fort tonnage pourra se trouver bord à quai. Les gros travaux ne doivent pas être terminés avant 1895 et entraîneront une dépense d'au moins 42 millions de francs. Bizerte était une ville morte ; grâce à ces travaux, c'est la vie qui lui revient avec la prospérité.

Les ouvriers sont actuellement au nombre de 6 à 700. La majorité est étrangère, c'est-à-dire italienne. On a beaucoup récriminé contre cette composition, qui a l'avantage, pour la Compagnie, de présenter un personnel plus robuste et moins dispendieux qu'un personnel d'ouvriers français, mais qui a l'inconvénient, pour le pays, de ne point profiter à la consommation locale, l'Italien vivant de rien, économisant à force et envoyant toutes ses épargnes dans son pays. La Compagnie a cependant tenu à faire entrer sur ses chantiers un bloc d'ouvriers français récemment embauchés. Tous les chefs de service ou de travaux sont Français. C'est à M. Charles Odent qu'est confiée la haute direction des travaux du port.

Les grands travaux exécutés doivent amener d'assez importantes modifications dans le vieux Bizerte : c'est ainsi que les vieux canaux seront mis hors d'usage. L'un d'eux est déjà même presque entièrement bouché entre le lac et la ville ; aussi, tout courant ayant pour ainsi dire disparu, et le niveau d'eau ayant baissé, une odeur nauséabonde s'exhale des vases du port, qui a servi, de temps immémorial, de dépotoir à la ville. Il en était ainsi au printemps dernier, par un temps frais ; aussi quels miasmes ne s'en dégagera-t-il pas pendant les chaleurs de l'été.

On doit, il est vrai, combler toute la partie qui est en dehors du vieux port ; mais le travail n'est pas près d'être exécuté et aucune canalisation d'égouts n'est encore faite, pas même en projet. Peut-être eût-il mieux valu laisser entre le lac et le vieux port le courant existant, d'autant plus que le canal aurait toujours pu être utilisé par la batellerie, le courant du nouveau chenal devant être assez violent et par suite difficilement remontable, tout au moins à l'époque des hautes eaux du lac.

Mais ce sont là des questions secondaires dans la grande transformation qui s'opère. D'ici peu Bizerte pourra donner abri dans son lac à toutes les flottes de la Méditerranée. Des chantiers, des docks, un arsenal, une grande gare maritime, s'élèveront à la sortie du lac ; un chemin de fer, qui doit être construit dans le délai de 2 ans, reliera Bizerte à Tunis par Djedeïda. La population qui compte déjà 500 Français, verra promptement augmenter ce nombre et Bizerte, abri sûr pour notre flotte de guerre, sera alors à la hauteur de sa situation topographique et du rôle important qu'elle peut être appelée à jouer.

GEORGES DEMANCHE. Revue Française Juin 1892



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Bizerte en 1898
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