SUISSE Setif

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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DE LA COLONISATION EN ALGÉRIE. DÉCRET DU 26 AVRIL 1853

Le gouvernement vient de prendre une grande mesure qui atteste sa sollicitude pour les progrès de la colonisation algérienne, et qui exercera une heureuse influence sur le développement agricole et commercial de nos possessions d'Afrique. Par un décret du 26 avril dernier, une compagnie, formée de capitalistes genevois, a obtenu la concession de 20.000 hectares de terre, situés dans les environs de Sétif, province de Constantine. Nous reproduisons le rapport adressé à l'Empereur par M. le maréchal ministre de la guerre, et publié par le Moniteur en tête du décret.


RAPPORT A L'EMPEREUR.

Sire,

Une société, composée de propriétaires et capitalistes genevois, offrant au gouvernement les meilleures garanties de moralité et de solvabilité, sollicite la concession de 20,000 hectares de terre aux environs de Sétif pour y fonder des villages qui seraient peuplés de familles originaires de la Suisse.

C'est la première fois que les capitaux privés se présentent pour concourir d'une manière sérieuse , et sur une large échelle, à l'oeuvre de la colonisation.

Votre Majesté n'ignore pas, en effet, que les villages agricoles créés jusqu'à ce jour sont l'œuvre exclusive de l'administration, qui les a fondés avec les crédits alloués chaque année au budget de l'Etat. C'est par ses soins que ces centres se développent chaque jour; c'est elle-seule qui, indépendamment des travaux publics qu'exigent les créations de ce genre, a dû aider les colons dans leur période d'installation, subvenir, en grande partie, à leurs besoins par des secours de toute espèce, souvent même construire elle-même les maisons destinées à abriter les premiers habitants de ces centres.

Mais cette charge, si lourde au point de vue des dépenses publiques, et dont l'administration a pu apprécier toutes les difficultés lors de la constitution des colonies agricoles de 1848, ne saurait se perpétuer. II est indispensable que désormais l'industrie privée vienne largement en aide à l'Etat pour continuer l'oeuvre qu'il a entreprise: l'avenir de la colonisation dépend de ce concours.

Le gouvernement de Votre Majesté ne pouvait donc qu'accueillir avec faveur les propositions de la Compagnie genevoise, et il s'est montré disposé à lui accorder tous les encouragements, toutes les exonérations de charges qui étaient compatibles avec l'intérêt public et que commandait le caractère d'une entreprise qui exigera , de la part des concessionnaires, l'avance de très forts capitaux, puisqu'il ne s'agit de rien moins que d'installer et de fixer au sol cinq cents familles bien choisies, tâche à la fois délicate et lourde.

Me rappelant, d'ailleurs, le témoignage de sollicitude que vous avez, dans une circonstance mémorable, donné à l'Algérie, et la haute importance que vous attachez au développement de la colonisation de ce pays, il m'a paru que le projet de la Compagnie Genevoise était de nature à mériter l'approbation de Votre Majesté.

Trop longtemps l'Etat a été le seul instrument de colonisation en Algérie. En raison des circonstances, de la connaissance imparfaite du pays et des éléments de richesse qu'il renferme, du défaut de sécurité qui éloignait les capitaux privés, l’Etat a dû forcément effacer, dominer, absorber même l'initiative individuelle. Mais cet état de choses peut et doit se modifier aujourd'hui. Aussi votre gouvernement considère-t-il comme un devoir d'encourager l'esprit d'association, auquel la France est redevable de tant d'entreprises utiles, à se porter en Algérie, pour y appliquer ses forces au peuplement du pays et au développement des cultures. Quand on voit les magnifiques résultats obtenus dans d'autres contrées, sous ce rapport, par les efforts de l'industrie privée, on ne peut douter de son succès en Algérie, si elle est bien dirigée.

Le projet de décret ci-joint fait successivement connaitre les avantages conférés à la Compagnie genevoise, et les charges qui lui sont imposées en retour, ainsi que la nature des travaux que le gouvernement s'oblige à faire pour la constitution des nouveaux villages. Je crois inutile dès lors d'entrer dans l'examen de ces clauses. Je me bornerai à dire que le conseil de gouvernement de l'Algérie, le comité consultatif et le conseil d'Etat appelés à délibérer successivement sur ce plan de colonisation, en ont adopté toutes les dispositions.

En conséquence, j'ai l'honneur de prier Votre Majesté de vouloir bien revêtir de sa signature le projet de décret dont il s'agit.


Le maréchal de France, ministre secrétaire d'Etat au département de la guerre ,

A. DE SAINT-ARNAUD.


Compagnie genevoise

La Compagnie Genevoise des Colonies suisses est une société de colonisation en Algérie dans la région de Sétif qui a été créée par des hommes d'affaires suisses en 1853.

En contrepartie de la concession des 20 000 hectares, les financiers s'engageaient à créer des villages et à faire venir des exploitants.
Les débuts furent difficiles et la Compagnie ne remplit jamais totalement ses obligations, se contentant d'exploiter ses terres grâce à des métayers.

Parmi ses directeurs, il y en eut un qui fit un travail important sur le plan agronomique pour la Compagnie et même pour la région de Sétif.
Il s'agit de Gotlieb Ryf dont l'apport à l'agriculture de la région fut unaniment reconnu. Un de ses fils, Arnold Ryf, lui succéda à la tête de la Compagnie. On doit ajouter qu'Henry Dunant le fondateur de la Croix Rouge essaya de faire des affaires en Algérie et notamment dans la région de Sétif et il travailla même quelque temps au sein de la Compagnie Genevoise.

Cette compagnie disparaitra quelques années avant l'indépendance de l'Algérie.

Domination économique

Dans un premier temps, la Compagnie poursuivait l'objectif d'une domination économique complète sur la région de Sétif. Il s'agissait pour les fondateurs de développer non seulement la culture des céréales, mais également le maraîchage et l'élevage, de se livrer à des activités commerciales (établissement d'une route commerciale de Sétif vers la mer) et de développer localement le crédit.
Malgré la puissance sociale et financière des associés et la bienveillance de l'Etat français, ce projet initial ne se réalisa jamais.
En 1861, l'Assemblée générale des actionnaires décide de restreindre les activités de la Compagnie à l'exploitation du domaine foncier.
Autrement dit, la Compagnie allait se limiter dès cette date à agir en propriétaire, mettant ses terres en métayage auprès d'agriculteurs locaux et encaissant les bénéfices de la vente des céréales produites par ses métayers. « Ce repli sur la rente foncière » s'explique par divers facteurs au nombre desquels l'échec du peuplement des terres de la Compagnie par des « petits colons » suisses. La Compagnie tablait sur l'existence d'une fraction de la population suisse désireuse d'émigrer et disposant de moyens financiers pour payer son voyage. Or, il s'avéra d'une part que les Suisses désireux d'émigrer préféraient les Etats-Unis d'Amérique et d'autre part que les colons européens ne pouvaient pas rivaliser avec les Algériens en matière d'agriculture.

Dans ces conditions, note Lützelschwab, « une fraction importante des colons quittaient l'agriculture et les villages qui les avaient accueillis ».

Le changement des plans initiaux et l'échec du peuplement par des colons européens n'ont cependant pas entravé la rentabilité de la société. Au contraire, une fois l'idée des « petits colons » abandonnée et le système du métayage mis en place, les comptes de la société furent, à deux années près, toujours bénéficiaires.

Techniques agricoles

La Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif ne s'en est toutefois pas tenue à un rôle de propriétaire distant. Elle a déployé une activité considérable pour modifier les pratiques agricoles locales et les adapter aux besoins spécifiques d'une agriculture capitaliste.

Aucun domaine de la céréalicuture n'échappa à l'attention des employés européens de la Compagnie, chargés d'encadrer le travail des métayers. Les outils, les machines, les engrais, la planification des cultures : tout pouvait être modifié pour augmenter le rendement des terres.

  • Claude Lützelschwab, La Compagnie genevoise des colonies suisses de Sétif (1853-1956)