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De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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La Goulette est comme le faubourg maritime de [[Tunis - Ville|Tunis]], dont elle est séparée par le lac dit en arabe el Bahirah. Ce lac peu profond communique avec un beau golfe au moyen d'un canal creusé probablement de main d'homme dès l'occupation phénicienne et réparé à différentes époques. Les Arabes donnent à l'embouchure de ce canal dans la mer le nom de Foum el Oued "bouche du canal", mot à mot "bouche de la rivière", (rivière, à cause du courant qui y règne), ou, plus ordinairement encore, de Halk el Oued, "go­sier du canal", dénomination que les Italiens ont traduite par la Goletta et les Français par la Goulette.
 
A droite et à gauche de ce canal s'allonge une double langue de terre se rattachant d'un côté, au nord, aux collines de [[Carthage - Ville|Carthage]], et, de l'autre, au sud, à celle du village de Radès. Ce canal divise également en deux parties distinctes un bourg auquel il a donné son nom, ou, pour parler plus exactement, celui de son embouchure.
 
Les bâtiments marchands mouillent dans la rade, en dehors du canal et à une distance plus ou moins grande, selon l'importance de ces bâtiments ; la rade, en effet, a peu de fond, ce qui contraint les gros navires de guerre à jeter l'ancre à plusieurs kilomètres de la Goulette, un peu au-dessous du cap [[Sidi Bou Saïd - Ville|Sidi-bou-Saïd]], l'ancien cap Carthage. Cette rade est, du reste, vaste et assez sûre, si ce n'est toutefois quand les vents du sud-est ou ceux du nord-ouest y soufflent avec violence. Dans tous les cas, cet éloignement forcé de la ligne de mouillage rend longs et pénibles, quelquefois même dangereux, dans la mauvaise saison, l'embarquement et le débarquement, qui doivent se faire au moyen de simples balancelles. Il est question actuellement de créer un port en cet endroit, et différents projets dont il serait hors de propos d'entretenir le lecteur sont à l'étude en ce moment.
 
La Goulette est l'oppidum Lingulae [[Antiquité - Afrique du Nord et empire romain|des Romains]]. Nous ignorons le nom qu'elle portait à [[Antiquité - Carthage|l'époque carthaginoise]]. La forteresse qui la défend du côté, de la mer a subi plusieurs sièges ; un des plus célèbres est celui qu'elle soutint en 1535, contre Charles-Quint, qui s'en empara, malgré les efforts d'une nombreuse garnison et l'habileté du fameux Kheir-ed-Din, plus connu sous le nom de Barberousse. Elle resta au pouvoir des Espagnols jusqu'en 1574. L'année précédente, don Juan d'Autriche en avait augmenté les défenses et en avait confié le commandement à l'intrépide Porto-Carrero. Celui-ci repoussa pendant quarante jours les assauts répétés de l'armée de Sinan-Pacha ; enfin, après une résistance acharnée, il dut succomber au nombre, et toute la garnison fut passée au fil de l'épée. Le vainqueur, une fois maitre de ce château fort, en ordonna la démolition ; mais il fut ensuite reconstruit dans l'état à peu près où on le voit maintenant. Une batterie l'avoisine.
 
Depuis quelques années l'importance toujours croissante de Tunis a naturellement amené à la Goulette un nouveau surcroit de population, et cette petite ville s'agrandit de jour en jour davantage, du moins dans son quartier nord ; car, dans son quartier sud, séparé du premier par le canal que j'ai déjà mentionné, on ne remarque guère que l'arsenal et deux palais appartenant au bey. Le quartier septentrional constitue donc la bourgade proprement dite, dont la physionomie devient de plus en plus européenne, et qui contient près de la paroisse catholique une école de sœurs et une de frères.
 
La paroisse, fondée il y a trente-cinq ans environ, a été rebâtie presque complètement par le curé actuel, le R. P. capucin Vincent de Gottacciaro, qui, depuis une dizaine d'années, a consacré à cette œuvre considérable tout ce qu'il avait d'activité et tout ce qu'il a pu se procurer de ressources. L'église est grande et ornée de fresques et de peintures dans le goût italien.
 
Elle est accompagnée d'un haut campanile, au sommet duquel on parvient au moyen d'un escalier fort élégamment construit. Quand on en a atteint le faite et qu'on a jeté un coup d'œil sur les trois cloches qui y sont suspendues, on est ravi du vaste et imposant panorama qui de là se présente aux regards. A l'est, se déroule au loin l'immense golfe de Tunis avec les rivages célèbres qui en dessinent les contours et avec, les deux caps qui le terminent ; au nord, les champs et les collines où s'élevait Carthage, et les cinq villages qui lui ont succédé apparaissent très nettement; au sud se dressent les hauteurs escarpées de Hammam el Lif, du Djebel Bou-Kourneïn et du Djebel Ressas à l'ouest enfin, par delà la petite ville de la Goulette, et à l'extrémité occidentale du grand lac qui s'interpose entre elle et Tunis, blanchit et brille sous les rayons du soleil la masse un peu confuse de cette imposante cité.
 
La maison des sœurs de Saint-Joseph à la Goulette date du 1<sup>er</sup> février de l'année 1855. C'est M<sup>gr</sup> Sutter qui les fit venir alors, et qui leur donna une petite maison. Elles étaient au nombre de trois. En 1875, la population de la Goulette augmentant d'une manière notable, elles quittèrent leur premier local qui était devenu insuffisant, et M<sup>gr</sup> Sutter acheta pour elles la maison beaucoup plus grande qu'elles occupent encore maintenant, sauf quelques magasins qui sont loués à des marchands par la mission. Aujourd’hui elles sont cinq sœurs, et le chiffre des élèves qui fréquentent leur établissement est de cent quarante-huit enfants, ainsi réparties&nbsp;: dix-huit Françaises, soixante-et-onze Italiennes, quarante-deux Maltaises, seize israélites, une musulmane. La moitié, tout au plus, donne une très modique rétribution, les autres ne payent absolument rien. Là, comme partout, les bonnes sœurs de Saint-Joseph font le bien en silence et sans ostentation. En même temps qu'elles instruisent et forment l'enfance, elles soignent les malades qui viennent les consulter ou qu'elles vont voir à domicile.
 
L'école des garçons tenue par les frères des Écoles chrétiennes ne remonte pas au delà de l'année 1871. Les frères, au nombre de trois, qui furent envoyés les premiers pour la fonder, eurent d'abord beaucoup à souffrir; car, leur local n'étant pas prêt, ils durent faire la classe dans les couloirs du couvent des PP. capucins. Ils habitaient la Goulette depuis un an environ, quand le gouvernement italien créa une école italienne tout à côté de la leur, sous le nom de collège. Ce collège s'annonçait comme devant être tout à fait gratuit&nbsp;; aussi les frères virent-ils pendant les deux premières semaines la moitié environ de leurs élèves les abandonner pour aller au collège italien&nbsp;; mais bientôt presque tous demandèrent à rentrer. Actuellement l'école des frères compte cent quinze élèves, partagés en trois classes, et qui se décomposent comme il suit&nbsp;: un Grec, trois Espagnols, quatorze israélites, dix-sept Français, vingt-six Maltais et cinquante-quatre Italiens.
 
Quant à la population totale de la Goulette, elle est cette année (1886 ?) de {{FORMATNUM:4909}} habitants, (28 407 en 2004) dont {{FORMATNUM:1640}} musulmans, 550 israélites et {{FORMATNUM:2719}} chrétiens, à savoir&nbsp;: 7 Allemands, 9 Grecs, 70 Espagnols, 13 Anglais, 400 Français, 480 Maltais et {{FORMATNUM:1800}} Italiens. Ces chiffres montrent que ce sont les Italiens qui dominent de beaucoup par le nombre&nbsp;; par conséquent, pour que, dans cette localité, les frères français puissent lutter avec avantage contre le collège italien qui les avoisine, et qui, grâce aux ressources plus abondantes dont il dispose, peut accorder à tous les élèves qui le fréquentent la gratuité complète, il faut que leur enseignement soit regardé comme préférable à celui de leurs rivaux, et cela par les Italiens eux-mêmes, dont cinquante quatre familles leur envoient leurs enfants, au lieu de les confier au collège de leur propre nation, où les places néanmoins ne manquent pas, et où, en outre, la gratuité la plus absolue est un appât fait pour les attirer.
 
<br>'''Victor Guérin - 1886 -'''
 
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TUNISIE

La Goulette Nom actuel : ?

Historique

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Liste des Villes

 

La Goulette est comme le faubourg maritime de Tunis, dont elle est séparée par le lac dit en arabe el Bahirah. Ce lac peu profond communique avec un beau golfe au moyen d'un canal creusé probablement de main d'homme dès l'occupation phénicienne et réparé à différentes époques. Les Arabes donnent à l'embouchure de ce canal dans la mer le nom de Foum el Oued "bouche du canal", mot à mot "bouche de la rivière", (rivière, à cause du courant qui y règne), ou, plus ordinairement encore, de Halk el Oued, "go­sier du canal", dénomination que les Italiens ont traduite par la Goletta et les Français par la Goulette.

A droite et à gauche de ce canal s'allonge une double langue de terre se rattachant d'un côté, au nord, aux collines de Carthage, et, de l'autre, au sud, à celle du village de Radès. Ce canal divise également en deux parties distinctes un bourg auquel il a donné son nom, ou, pour parler plus exactement, celui de son embouchure.

Les bâtiments marchands mouillent dans la rade, en dehors du canal et à une distance plus ou moins grande, selon l'importance de ces bâtiments ; la rade, en effet, a peu de fond, ce qui contraint les gros navires de guerre à jeter l'ancre à plusieurs kilomètres de la Goulette, un peu au-dessous du cap Sidi-bou-Saïd, l'ancien cap Carthage. Cette rade est, du reste, vaste et assez sûre, si ce n'est toutefois quand les vents du sud-est ou ceux du nord-ouest y soufflent avec violence. Dans tous les cas, cet éloignement forcé de la ligne de mouillage rend longs et pénibles, quelquefois même dangereux, dans la mauvaise saison, l'embarquement et le débarquement, qui doivent se faire au moyen de simples balancelles. Il est question actuellement de créer un port en cet endroit, et différents projets dont il serait hors de propos d'entretenir le lecteur sont à l'étude en ce moment.

La Goulette est l'oppidum Lingulae des Romains. Nous ignorons le nom qu'elle portait à l'époque carthaginoise. La forteresse qui la défend du côté, de la mer a subi plusieurs sièges ; un des plus célèbres est celui qu'elle soutint en 1535, contre Charles-Quint, qui s'en empara, malgré les efforts d'une nombreuse garnison et l'habileté du fameux Kheir-ed-Din, plus connu sous le nom de Barberousse. Elle resta au pouvoir des Espagnols jusqu'en 1574. L'année précédente, don Juan d'Autriche en avait augmenté les défenses et en avait confié le commandement à l'intrépide Porto-Carrero. Celui-ci repoussa pendant quarante jours les assauts répétés de l'armée de Sinan-Pacha ; enfin, après une résistance acharnée, il dut succomber au nombre, et toute la garnison fut passée au fil de l'épée. Le vainqueur, une fois maitre de ce château fort, en ordonna la démolition ; mais il fut ensuite reconstruit dans l'état à peu près où on le voit maintenant. Une batterie l'avoisine.

Depuis quelques années l'importance toujours croissante de Tunis a naturellement amené à la Goulette un nouveau surcroit de population, et cette petite ville s'agrandit de jour en jour davantage, du moins dans son quartier nord ; car, dans son quartier sud, séparé du premier par le canal que j'ai déjà mentionné, on ne remarque guère que l'arsenal et deux palais appartenant au bey. Le quartier septentrional constitue donc la bourgade proprement dite, dont la physionomie devient de plus en plus européenne, et qui contient près de la paroisse catholique une école de sœurs et une de frères.

La paroisse, fondée il y a trente-cinq ans environ, a été rebâtie presque complètement par le curé actuel, le R. P. capucin Vincent de Gottacciaro, qui, depuis une dizaine d'années, a consacré à cette œuvre considérable tout ce qu'il avait d'activité et tout ce qu'il a pu se procurer de ressources. L'église est grande et ornée de fresques et de peintures dans le goût italien.

Elle est accompagnée d'un haut campanile, au sommet duquel on parvient au moyen d'un escalier fort élégamment construit. Quand on en a atteint le faite et qu'on a jeté un coup d'œil sur les trois cloches qui y sont suspendues, on est ravi du vaste et imposant panorama qui de là se présente aux regards. A l'est, se déroule au loin l'immense golfe de Tunis avec les rivages célèbres qui en dessinent les contours et avec, les deux caps qui le terminent ; au nord, les champs et les collines où s'élevait Carthage, et les cinq villages qui lui ont succédé apparaissent très nettement; au sud se dressent les hauteurs escarpées de Hammam el Lif, du Djebel Bou-Kourneïn et du Djebel Ressas à l'ouest enfin, par delà la petite ville de la Goulette, et à l'extrémité occidentale du grand lac qui s'interpose entre elle et Tunis, blanchit et brille sous les rayons du soleil la masse un peu confuse de cette imposante cité.

La maison des sœurs de Saint-Joseph à la Goulette date du 1er février de l'année 1855. C'est Mgr Sutter qui les fit venir alors, et qui leur donna une petite maison. Elles étaient au nombre de trois. En 1875, la population de la Goulette augmentant d'une manière notable, elles quittèrent leur premier local qui était devenu insuffisant, et Mgr Sutter acheta pour elles la maison beaucoup plus grande qu'elles occupent encore maintenant, sauf quelques magasins qui sont loués à des marchands par la mission. Aujourd’hui elles sont cinq sœurs, et le chiffre des élèves qui fréquentent leur établissement est de cent quarante-huit enfants, ainsi réparties : dix-huit Françaises, soixante-et-onze Italiennes, quarante-deux Maltaises, seize israélites, une musulmane. La moitié, tout au plus, donne une très modique rétribution, les autres ne payent absolument rien. Là, comme partout, les bonnes sœurs de Saint-Joseph font le bien en silence et sans ostentation. En même temps qu'elles instruisent et forment l'enfance, elles soignent les malades qui viennent les consulter ou qu'elles vont voir à domicile.

L'école des garçons tenue par les frères des Écoles chrétiennes ne remonte pas au delà de l'année 1871. Les frères, au nombre de trois, qui furent envoyés les premiers pour la fonder, eurent d'abord beaucoup à souffrir; car, leur local n'étant pas prêt, ils durent faire la classe dans les couloirs du couvent des PP. capucins. Ils habitaient la Goulette depuis un an environ, quand le gouvernement italien créa une école italienne tout à côté de la leur, sous le nom de collège. Ce collège s'annonçait comme devant être tout à fait gratuit ; aussi les frères virent-ils pendant les deux premières semaines la moitié environ de leurs élèves les abandonner pour aller au collège italien ; mais bientôt presque tous demandèrent à rentrer. Actuellement l'école des frères compte cent quinze élèves, partagés en trois classes, et qui se décomposent comme il suit : un Grec, trois Espagnols, quatorze israélites, dix-sept Français, vingt-six Maltais et cinquante-quatre Italiens.

Quant à la population totale de la Goulette, elle est cette année (1886 ?) de 4 909 habitants, (28 407 en 2004) dont 1 640 musulmans, 550 israélites et 2 719 chrétiens, à savoir : 7 Allemands, 9 Grecs, 70 Espagnols, 13 Anglais, 400 Français, 480 Maltais et 1 800 Italiens. Ces chiffres montrent que ce sont les Italiens qui dominent de beaucoup par le nombre ; par conséquent, pour que, dans cette localité, les frères français puissent lutter avec avantage contre le collège italien qui les avoisine, et qui, grâce aux ressources plus abondantes dont il dispose, peut accorder à tous les élèves qui le fréquentent la gratuité complète, il faut que leur enseignement soit regardé comme préférable à celui de leurs rivaux, et cela par les Italiens eux-mêmes, dont cinquante quatre familles leur envoient leurs enfants, au lieu de les confier au collège de leur propre nation, où les places néanmoins ne manquent pas, et où, en outre, la gratuité la plus absolue est un appât fait pour les attirer.


Victor Guérin - 1886 -