« LE CRIN VEGETAL » : différence entre les versions
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<u>'''LES CEREALES <br>'''</u>Le Maghreb a toujours cultivé des céréales. Les blés durs ont donné aux indigènes la semoule, base de leur alimentation et l'orge pour faire du pain et pour l'alimentation des chevaux, ce qui remplace l'avoine de chez nous ; pour mémoire, dans certains coins de la Kabylie, le sorgho (bechna). <br>La colonisation européenne a introduit des céréales nouvelles, le blé tendre, l'avoine, le maïs, mais ces céréales nouvelles restent subordonnées. Elles n'ont pas détrôné le blé dur et l'orge qui sont adaptés au pays et auxquels une sélection millénaire a donné des qualités très appréciées. <br>L'influence de la colonisation est énorme et a porté sur beaucoup d’autre chose : les instruments et les méthodes de labour par exemple. L'indigène ne connaissait que l'araire, la petite charrue à soc en bois, qui égratigne le sol. Le colon a introduit la grande charrue des labours profonds. <br>Les machines agricoles modernes ont une très grande diffusion et sont l'objet d'un gros commerce d'importation, ajouté à l'usage du fumier et des engrais chimiques.<br>Quel a été le résultat ? <br>En analysant la courbe de la production des céréales de 1900 à 1924, elle n'a pas du tout l'allure triomphante des ascensions rapides ; elle oscille brusquement selon que les années ont été sèches ou humides pour en finalité accuser une stagnation. <br>Si on la compare aux années antérieures à 1900, la courbe conserve le même caractère. En 1865, d'après Trabut, le chiffre des emblavures oscille entre 2 millions et 2 millions 500 000 hectares. C'est à peu de choses près le chiffre de 1923. <br>Que s'est-il passé ? Un phénomène complexe ! <br>De 1840 à 1870, dans les belles plaines côtières, dans la Mitidja par exemple, on a fait du blé en grand. Et en définitive on a échoué, définitivement. <br>La raison est simple. Malgré les efforts prolongés des colons, le blé dans la Mitidja n'a jamais pu rendre plus de 10 à 12 pour 1. C'était un progrès énorme ; l'indigène n'obtient guère que du 5 au 6 alors que sur les plateaux limoneux de la Picardie par exemple, le rendement est de 40 à 50. <br>Il faut laisser aux agronomes le soin d’expliquer cette disproportion, s’ils le peuvent, et se contenter de constater le fait, surabondamment établi.<br>Il est vrai que les rendements sont inférieurs à 10 dans d’autres coins de la planète, grands exportateurs de céréales comme au Manitoba par exemple. Mais le Manitoba est un pays de culture extensive où la terre n’a pas de valeur et ne peut rien produire en dehors des céréales. La Mitidja est une plaine magnifique au terreau profond, noir, meuble, imbibé d’eau, à proximité d’un port d’embarquement et un sol pareil a une vocation de culture intensive à grand rendement. <br>On ne se résignait pas à cette culture improductive des céréales qui paraissaient un gâchage de richesses latentes. On pressentait la possibilité de cultures concurrentes, infiniment plus rémunératrices. <br>Ces nouvelles cultures, la Mitidja les a cherchées avec acharnement de 1848 à 1870 mais le problème de leur mise en valeur a reçu sa solution dans les premières années de la troisième République. La crise du phylloxéra en France a créé la viticulture algérienne. La vigne a conquis la Mitidja et en a éliminé les céréales. Dès 1885, il y a déjà à Boufarik 1 318 hectares de vignes, contre 1089 hectares de blé. Aujourd’hui, le blé a pratiquement disparu. C’est la vigne essentiellement qui est la base de l’opulence actuelle ; d’un rapport énorme et sûr ; jusqu’à 150 hectolitres à l’hectare, d’un gros vin de coupage très riche en alcool (jusqu’à 15°), d’écoulement facile. <br>Une évolution analogue s’est produite dans toutes les parties riches du Tell.<br>Mais alors la courbe des surfaces emblavées n’aurait pas dû rester stationnaire, elle aurait dû s’effondrer. Si elle s’est maintenue, c’est qu’il s’est produit ailleurs dans le sud de l’Algérie une évolution inverse et compensatrice. <br>D’après Trabut, au début de la colonisation, on admettait que la culture des céréales exigeait 600 millimètres de pluies. Aujourd’hui, on obtient de belles récoltes dans des régions où les pluies ne dépassent pas 350 millimètres. Cette révolution d’immense portée a été amenée par l’introduction des méthodes de culture sèche qu’on a baptisées en Amérique « dry farming ».<br>Le nom vient des Etats-Unis mais la méthode elle-même n’a rien d’américain ; il est vrai seulement qu’elle a été là-bas analysée scientifiquement et probablement perfectionnée. A cela près le dry farming est vieux de 2000 ans et il est méditerranéen.<br>En somme, dans le pays silencieux où chacun garde pour soi sa pensée, tout le monde savait ; excepté nous, septentrionaux immigrés.<br>A partir de 1900 environ, nous aussi nous avons pénétré le secret de polichinelle. On ne sait pas bien comment. A coup sûr nous n’avons pas été à l’école des Etats-Unis.<br>Le dry farming apparaît dans les toutes dernières années du XIXème siècle en Oranie, plus précisément à Sidi-Bel-Abbès. Il a été importé par les Andalous. <br>Les résultats de cette révolution furent considérables. Par exemple, à l’Est de Tiaret s’étendent les plaines du Sersou ; jusqu’à la fin du XIXème siècle, le Sersou fut comme le reste des Hauts-Plateaux, une steppe à peu près vide, pays de nomades et de moutons. Or, brusquement, en un nombre d’années étonnamment petit, elle s’est couverte de superbes moissons et de villages européens. Cela a été le succès le plus retentissant du dry farming, celui qu’on cite toujours en exemple. Ainsi est-il arrivé que les céréales, expulsées des belles plaines, ont envahi les terres arides, jadis improductives. L’équilibre s’est maintenu, mais au total le progrès est nul. <br>Si nous nous demandons pourquoi, ce n’est pas que le colon n’ait fait en matière de céréales les mêmes merveilles qu’en d’autres domaines mais c’est que cette culture ne l’intéresse pas, toutes les fois que le sol est riche.<br>Il a reconnu au contact des réalités que la vocation agricole du pays était ailleurs. Et en effet, dans le domaine méditerranéen ce sont surtout les cultures arbustives qui sont chez elles.<br> | |||
=== PRODUITS DE CUEILLETTE === | === PRODUITS DE CUEILLETTE === |
Version du 21 janvier 2009 à 09:41
Modèle:LA TRANSFORMATION ECONOMIQUE
AGRICULTURE
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LES CEREALES
Le Maghreb a toujours cultivé des céréales. Les blés durs ont donné aux indigènes la semoule, base de leur alimentation et l'orge pour faire du pain et pour l'alimentation des chevaux, ce qui remplace l'avoine de chez nous ; pour mémoire, dans certains coins de la Kabylie, le sorgho (bechna).
La colonisation européenne a introduit des céréales nouvelles, le blé tendre, l'avoine, le maïs, mais ces céréales nouvelles restent subordonnées. Elles n'ont pas détrôné le blé dur et l'orge qui sont adaptés au pays et auxquels une sélection millénaire a donné des qualités très appréciées.
L'influence de la colonisation est énorme et a porté sur beaucoup d’autre chose : les instruments et les méthodes de labour par exemple. L'indigène ne connaissait que l'araire, la petite charrue à soc en bois, qui égratigne le sol. Le colon a introduit la grande charrue des labours profonds.
Les machines agricoles modernes ont une très grande diffusion et sont l'objet d'un gros commerce d'importation, ajouté à l'usage du fumier et des engrais chimiques.
Quel a été le résultat ?
En analysant la courbe de la production des céréales de 1900 à 1924, elle n'a pas du tout l'allure triomphante des ascensions rapides ; elle oscille brusquement selon que les années ont été sèches ou humides pour en finalité accuser une stagnation.
Si on la compare aux années antérieures à 1900, la courbe conserve le même caractère. En 1865, d'après Trabut, le chiffre des emblavures oscille entre 2 millions et 2 millions 500 000 hectares. C'est à peu de choses près le chiffre de 1923.
Que s'est-il passé ? Un phénomène complexe !
De 1840 à 1870, dans les belles plaines côtières, dans la Mitidja par exemple, on a fait du blé en grand. Et en définitive on a échoué, définitivement.
La raison est simple. Malgré les efforts prolongés des colons, le blé dans la Mitidja n'a jamais pu rendre plus de 10 à 12 pour 1. C'était un progrès énorme ; l'indigène n'obtient guère que du 5 au 6 alors que sur les plateaux limoneux de la Picardie par exemple, le rendement est de 40 à 50.
Il faut laisser aux agronomes le soin d’expliquer cette disproportion, s’ils le peuvent, et se contenter de constater le fait, surabondamment établi.
Il est vrai que les rendements sont inférieurs à 10 dans d’autres coins de la planète, grands exportateurs de céréales comme au Manitoba par exemple. Mais le Manitoba est un pays de culture extensive où la terre n’a pas de valeur et ne peut rien produire en dehors des céréales. La Mitidja est une plaine magnifique au terreau profond, noir, meuble, imbibé d’eau, à proximité d’un port d’embarquement et un sol pareil a une vocation de culture intensive à grand rendement.
On ne se résignait pas à cette culture improductive des céréales qui paraissaient un gâchage de richesses latentes. On pressentait la possibilité de cultures concurrentes, infiniment plus rémunératrices.
Ces nouvelles cultures, la Mitidja les a cherchées avec acharnement de 1848 à 1870 mais le problème de leur mise en valeur a reçu sa solution dans les premières années de la troisième République. La crise du phylloxéra en France a créé la viticulture algérienne. La vigne a conquis la Mitidja et en a éliminé les céréales. Dès 1885, il y a déjà à Boufarik 1 318 hectares de vignes, contre 1089 hectares de blé. Aujourd’hui, le blé a pratiquement disparu. C’est la vigne essentiellement qui est la base de l’opulence actuelle ; d’un rapport énorme et sûr ; jusqu’à 150 hectolitres à l’hectare, d’un gros vin de coupage très riche en alcool (jusqu’à 15°), d’écoulement facile.
Une évolution analogue s’est produite dans toutes les parties riches du Tell.
Mais alors la courbe des surfaces emblavées n’aurait pas dû rester stationnaire, elle aurait dû s’effondrer. Si elle s’est maintenue, c’est qu’il s’est produit ailleurs dans le sud de l’Algérie une évolution inverse et compensatrice.
D’après Trabut, au début de la colonisation, on admettait que la culture des céréales exigeait 600 millimètres de pluies. Aujourd’hui, on obtient de belles récoltes dans des régions où les pluies ne dépassent pas 350 millimètres. Cette révolution d’immense portée a été amenée par l’introduction des méthodes de culture sèche qu’on a baptisées en Amérique « dry farming ».
Le nom vient des Etats-Unis mais la méthode elle-même n’a rien d’américain ; il est vrai seulement qu’elle a été là-bas analysée scientifiquement et probablement perfectionnée. A cela près le dry farming est vieux de 2000 ans et il est méditerranéen.
En somme, dans le pays silencieux où chacun garde pour soi sa pensée, tout le monde savait ; excepté nous, septentrionaux immigrés.
A partir de 1900 environ, nous aussi nous avons pénétré le secret de polichinelle. On ne sait pas bien comment. A coup sûr nous n’avons pas été à l’école des Etats-Unis.
Le dry farming apparaît dans les toutes dernières années du XIXème siècle en Oranie, plus précisément à Sidi-Bel-Abbès. Il a été importé par les Andalous.
Les résultats de cette révolution furent considérables. Par exemple, à l’Est de Tiaret s’étendent les plaines du Sersou ; jusqu’à la fin du XIXème siècle, le Sersou fut comme le reste des Hauts-Plateaux, une steppe à peu près vide, pays de nomades et de moutons. Or, brusquement, en un nombre d’années étonnamment petit, elle s’est couverte de superbes moissons et de villages européens. Cela a été le succès le plus retentissant du dry farming, celui qu’on cite toujours en exemple. Ainsi est-il arrivé que les céréales, expulsées des belles plaines, ont envahi les terres arides, jadis improductives. L’équilibre s’est maintenu, mais au total le progrès est nul.
Si nous nous demandons pourquoi, ce n’est pas que le colon n’ait fait en matière de céréales les mêmes merveilles qu’en d’autres domaines mais c’est que cette culture ne l’intéresse pas, toutes les fois que le sol est riche.
Il a reconnu au contact des réalités que la vocation agricole du pays était ailleurs. Et en effet, dans le domaine méditerranéen ce sont surtout les cultures arbustives qui sont chez elles.
PRODUITS DE CUEILLETTE
LE CRIN VEGETAL
Le crin végétal ne vient pas de la steppe, au contraire il vient du Tell. Dans les meilleures terres du Maghreb, la plus grande difficulté du défrichement vient du palmier nain qui pullule et qui est dur à arrache.
Le crin végétal (fibres du palmier nain) fut découvert en 1847; de 1860 à 1880, dit Trabut, les familles de colons vécurent de la fabrication du crin végétal. Aujourd'hui le défrichement des plaines a refoulé le palmier nain dans la montagne où il reste une ressource importante pour les indigènes.Toute la production est exportée (coussins, harnais, matelas). En 1922/23, la production oscille autour de 400.000 quintaux, chiffre atteint dès 1905. Valeur : environ 17 millions en francs-papier. Il faut souligner que, avant 1830, il n'était pas sorti d'Algérie une tonne de liège, d'alfa ou de crin végétal.
"Cahiers du Centenaire de l’Algérie N° IV » 1830/1930
Les grands soldats de l’Algérie » par M. le général Paul AZAN."