Mer Roudaire
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Les chotts Melrir et Rharsa étant au-dessous du niveau de la mer, il suffirait, d'après le commandant Roudaire, de les mettre en communication avec le golfe de Gabès au moyen d'un canal assez large et assez profond ; les eaux de la Méditerranée se précipiteraient aussitôt dans ces cavités gigantesques et les rempliraient.
La superficie submersible du chott Melrir étant de 6,000 kilomètres carrés, celle du chott Rharsa de 1,300 kilomètres carrés, la mer projetée présenterait une surface totale de 8,200 kilomètres carrés, égale par conséquent à quatorze ou quinze fois celle du lac de Genève, qui n'est que de 577 kilomètres carrés.
Sans compter que cette surface pourrait bien un jour s'accroître de toute la surface du chott El-Djerid. Ce chott, il est vrai, se trouve au-dessus du niveau de la mer, mais il est occupé, du moins dans sa partie centrale, par des masses considérables d'eau stagnante et de vases fluides. N'est-il pas permis de supposer qu'en le mettant en communication par une ou plusieurs tranchées soit avec la Méditerranée, soit avec le chott Rharsa, on obtiendrait, à la longue par le drainage un affaissement qui donnerait naissance à une nouvelle dépression inondable?
Dans tous les cas, ce drainage aurait pour résultat de rendre à la culture une surface considérable de terrains composés d'un limon excessivement fertile.
Voilà dans ses lignes principales la conception vraiment grandiose du commandant Roudaire.
Est-elle réalisable?
Là-dessus les avis sont partagés, mais M. Ferdinand de Lesseps, dont nul ne saurait contester la compétence en matière de travaux, croît à la possibilité et au succès de l'entreprise.
Quels avantages n'en résulterait-il pas pour l'Algérie et la Tunisie, dont les conditions physiques, agricoles, politiques et commerciales se trouveraient transformées de la façon la plus merveilleuse!
Les chotts seraient assainis et il n'y aurait plus à redouter leurs bas-fonds boueux, marécageux, imprégnés de sel, qui sont, à certains, moments de l'année, de véritables foyers d'insalubrité palustre.
Le climat deviendrait immédiatement plus tempéré, les régions avoisinants d'un meilleur rapport.
L'énorme évaporation produite par le soleil saharien, poussée par les vents du sud vers les crêtes élevées de l'Aurès, irait s'y résoudre en pluies, y créer des sources, y ramener la fertilité qui faisait jadis des plateaux de Sétif le "grenier de Rome".
Le sirocco, qui dessèche les moissons en fleur, arriverait inoffensif, bienfaisant même.
Les vastes plaines incultes situées entre les chotts et l'Aurès, désormais régulièrement irriguées par les ruisseaux descendus de la montagne, seraient rendues à la culture.
La fraîcheur, l'humidité, les pluies permettraient de tirer parti de la fécondité naturelle d'un sol qui est recouvert d'une couche profonde de terre végétale et qui reste vierge depuis des siècles.
Au point de vue économique et commercial les avantages résultant de la réalisation du projet seraient incalculables. Nos navires pénétrant par le golfe de Gabes jusqu'auprès de Biskra viendraient recueillir tout le commerce du Soudan dévié des ports marocains et tripolitains par la perspective de débouchés plus rapprochés, partant plus faciles.
LA TUNISIE SON PASSE ET SON AVENIR P.-H. ANTICHAN 1895
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