Alger - Exmouth

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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BOMBARDEMENT D'ALGER PAR LORD EXMOUTH EN 1816


Pour entrer dans les détails succincts de l'historique d'Alger, il faudrait parcourir toutes les phases et suivre les Turcs dans leurs meurtres, leurs assassinats et leurs sourdes conspirations, et citer tour à tour tous les deys qu'ils massacrent ou déposent successivement, ce qui serait trop long; Moustapha, que nous avons vu se dire si orgueilleusement l'ami de Bonaparte, succombe sous leurs coups; Ahmed, qui lui succède, occupe assez tranquillement le pouvoir pendant trois ans; mais, le 23 juillet 1808, une révolte éclate et il est déposé. Heureusement pour lui, le nouveau dey fut décapité le jour même de son élection, en sorte que le lendemain on recourut à Ahmed pour qu'il prît de nouveau les rênes de l'État. Honneur bien éphémère! le 7 novembre suivant il était, lui aussi, contraint d'offrir son cou au fatal lacet. Ali-Kodja, qui vient après, meurt à la suite d'une guerre contre les Tunisiens. Hadji-Ali, promu en 1809, ne se maintint quatre ans qu'en déployant la plus horrible cruauté; il parvint à intimider les janissaires, mais non à s'en faire aimer. Aussi, ne pouvant l'atteindre par la force, eurent-ils recours à la perfidie; ils séduisirent le cuisinier du palais, et Hadji-Ali mourut empoisonné (22 mars 1815).

Les voeux de la milice se portèrent alors sur Omar, agha des janissaires: mais celui-ci connaissait trop bien les allures de ses soldats, et pensa qu'un seul assassinat ne suffirait pas pour assouvir leur soif de sang: il se récusa. Un vieux chiaoux, Mohamed, fut élu dey : quatorze jours après il mourut assassiné. Omar, renégat grec, lui succéda et lit preuve d'habileté et de courage pendant les trois années qu'il conserva le pouvoir.

A cette époque, le congrès de Vienne était réuni; les plénipotentiaires qui le composaient portèrent leur attention sur l'Algérie, et témoignèrent le désir de s'unir pour opposer une digue aux déprédations des corsaires. L'Angleterre seule, qui craignait que cette répression ne rendit à la France l'influence qu'elle avait précédemment exercée sur les Barbaresques, s'y opposa.

Dans ce moment même, une escadre américaine, composée de trois frégates, un sloop, un brick, trois schooners, et commandée par le capitaine Decatur, se dirigeait vers Alger; elle venait relever l'Union d'un honteux tribut que lui avait imposé le dey, bien décidée à obtenir une prompte et complète satisfaction. Avant même de se montrer devant la ville, les Américains capturèrent trois navires algériens. Une attitude si énergique déconcerta le divan, qui souscrivit presque sans réclamations à tout ce qu'exigeaient des ennemis si déterminés à faire triompher leur bon droit. Le succès de cette expédition ramena l'attention des puissances européennes sur Alger, et, dès ce moment, elles résolurent d'abolir l'esclavage des chrétiens dans les États barbaresques.

En avril 1816, lord Exmouth fut chargé par le gouvernement anglais de négocier avec les différentes régences pour arriver à ce résultat; il devait en même temps obtenir que les îles Ioniennes fussent traitées à l'égal des autres possessions britanniques.

Vingt-six vaisseaux armés en guerre accompagnaient le plénipotentiaire, dont la mission réussit assez bien à Tunis et à Tripoli; niais Alger se montra intraitable. Omar déclara qu'il ne consentirait jamais à se dessaisir des droits qu'il avait de charger de fer tout ennemi de Kodja, offrant d'ailleurs de s'en rapporter à la décision du Grand Seigneur.

L'amiral consentit, avant d'accomplir aucun acte d'hostilité, qu'un envoyé du divan allât à Constantinople pour se consulter avec la Sublime Porte; mais l'envoyé algérien ne rapporta aucune réponse favorable. D'ailleurs, pendant cet armistice, le consul s'était vu ignominieusement outragé dans les rues d'Alger. A Oran et à Bône, les équipages de plusieurs navires de sa nation avaient été massacrés.

A cette nouvelle, lord Exmouth fit voile de Portsmouth le 24 juillet 1816, ayant sous ses ordres la Reine-Charlotte, vaisseau de 110 canons, et une partie de son escadre. Obligé de relâcher à Plymouth, par suite d'une tempête, il y fut joint par le contre-amiral Milne, qui commandait deux vaisseaux de ligne et quelques corvettes. A Gibraltar, il joignit encore à son escadre cinq chaloupes canonnières et un brûlot, et accepta la proposition du vice-amiral hollandais Van der Capellen, qui lui offrit sa coopération avec six frégates. Le 26 août, à une heure après midi, l'escadre combinée se présenta en vue d'Alger au nombre de trente-deux voiles. L'amiral, en abordant Alger, avait l'intention bien arrêtée d'en finir. En conséquence, le lendemain, lord Exmouth envoya un parlementaire chargé d'une dépêche par laquelle il proposait au dey les conditions suivantes:

1° La délivrance sans rançon de tous les esclaves chrétiens;

2° La restitution des sommes payées par les États sarde et napolitain pour le rachat de leurs esclaves;

3° Une déclaration solennelle qu'à l'avenir il respecterait les droits de l'humanité, et traiterait tous les prisonniers de guerre d'après les usages reçus parmi les nations européennes;

4° La paix avec les Pays-Bas aux mêmes conditions que l'Angleterre.


Sur le refus du divan d'accéder à ces conditions, le dey ne répondit à cette proposition qu'en faisant tirer sur la flotte anglaise.

Le bombardement commença. Une manoeuvre hardie, au moyen de laquelle les Anglais parvinrent à tourner le môle pour prendre à revers toutes leurs batteries, eut lieu. L'amiral Exmouth fit embosser ses vaisseaux à demi portée de canon, sous le feu des batteries du port et de la rade. Lui-même se plaça à l'entrée du port, tellement près des quais, que son beaupré touchait les maisons et que ses batteries, prenant à revers toutes celles de l'intérieur du port, foudroyaient les canonnières d'Alger, qui restaient à découvert. Cette manoeuvre, aussi habile qu'audacieuse, eut le plus effrayant succès.

Les Algériens, pleins de confiance dans leurs batteries, ainsi que dans la valeur des équipages de leurs navires, dont les commandants avaient ordre d'aborder les vaisseaux anglais, se croyaient tellement à l'abri d'une attaque de ce genre qu'une populace innombrable couvrait la partie du port appelée la Marine, dans l'intention d'être spectatrice de la défaite des chrétiens.

L'amiral anglais, éprouvant quelque répugnance à porter la mort au milieu de cette multitude imprudente, lui fit, de dessus le pont, signe de se retirer; mais, soit que son intention humaine n'eût pas été comprise, soit que ces Maures s'obstinassent dans leur aveuglement, ils restèrent à la place qu'ils occupaient, et ce ne fut qu'après avoir vu l'épouvantable ravage produit par les premières bordées qu'ils se dispersèrent avec des cris affreux. Néanmoins les troupes turques, et surtout les canonniers, ne partagèrent point cette épouvante, et, quoique écrasés par l'artillerie des vaisseaux, ils ne cessèrent de diriger contre elle les pièces qu'ils avaient en batterie, et dont plusieurs étaient de soixante livres de balles.

Le feu se soutenait depuis six heures et ne faisait qu'accroître la rage des Africains, quand deux officiers anglais demandèrent la permission d'aller, dans une embarcation, attacher une chemise soufrée à la première frégate algérienne qui barrait l'entrée du port. Cette détermination eut un plein succès. Un vent d'ouest assez frais mit bientôt le feu à toute l'escadre barbaresque: cinq frégates, quatre corvettes et trente chaloupes canonnières furent la proie des flammes. Le vaisseau amiral servit de deux bordées sans interruption pendant cinq heures et demie, de tribord sur la téte du môle, et de bâbord sur la flotte algérienne. Ce vaisseau était jonché de morts, lorsque, vers neuf heures et demie du soir, il faillit être incendié par le contact d'une frégate ennemie; mais on parvint à éviter ce danger. Une demi-heure après, lord Exmouth, ayant achevé la destruction du môle, se retira dans la rade; il écrivit alors au dey qu'il continuerait le bombardement, si l'on ne se hâtait d'adhérer aux conditions déjà proposées.

Omar, qui, pendant le combat, avait déployé le plus grand courage. refusa d'abord de se soumettre; mais les officiers de la milice, voyant que la résistance devenait impossible, le déterminèrent à entrer en arrangement. Les quatre articles signifiés furent acceptés, et devinrent la base d'un traité définitif entre la régence et l'Angleterre. et, le lendemain 28, lord Exmouth entra en vainqueur dans le port d'Alger.

La perte de l'escadre combinée montait à environ neuf cents hommes, tant tués que blessés; celle des Algériens était immense: des rapports ultérieurs l'évaluèrent à près de six mille hommes. Le 30 août, le traité fut conclu aux conditions:

1° L'abolition perpétuelle de l'esclavage des chrétiens;

2° La remise de tous les esclaves dans les États du dey, à quelque nation qu'ils appartinssent, le lendemain à midi;

3° La remise de toutes les sommes d'argent reçues par le dey, depuis le commencement de cette année, pour le rachat des esclaves;

4° Des indemnités au consul britannique, pour toutes les pertes qu'il avait subies à la suite de son arrestation;

5° Des excuses publiques faites par le dey, en présence de ses ministres et officiers, et au consul en particulier, dans les ternies dictés par le capitaine de la Reine-Charlotte.


Nous venons de voir le succès qu'avait obtenu lord Exmouth dans ce dernier bombardement d'Alger; après celte brillante expédition et avoir ainsi châtié cette régence, on devait espérer que les Algériens s'abstiendraient pour longtemps de capturer les bâtiments des puissances européennes; il n'en fut rien, et ils recommencèrent bientôt leur piraterie habituelle dans la Méditerranée. O'Reilly en 1775, lord Exmouth en 1816, avaient menacé, humilié, mais non réduit Alger. L'audace du gouvernement de la régence s'accrut des succès incomplets obtenus contre lui, au point que, en 1830, il ne craignit pas de lutter avec la France.


Arsène Berteuil - 1856


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Alger, 26 août 1816 - Cliquer pour agrandir