L'affaire Peyronnet et Astier
Le destin de Francis Peyronnet, ancien de la 44 C puis maire de Boufarik (Algérie)
Mes conseils demeurés inopérants et les conséquences tragiques qui s'en sont suivies
Embarqué avec nous sur l'"Empress of Scotland" au départ de Casa pour les USA, Francis Peyronnet figure sous le n°5 sur la photo des cadets de la 3ième escadrille de Van de Graf Field, Tuscaloosa (Alabama), puis sous le n°57 , en basic school de Gunter Field, Montgomery (Alabama). Il nous a quitté en janvier 1944, parce que ses moniteurs, estimant qu'il figurait parmi les meilleurs d'entre nous et capable de surveiller en vol le fonctionnement de plusieurs moteurs l'ont affecté sur les horizontaux. Ayant déjà terminé ses études de droit et pris inscription au barreau d'Alger, notre Francis est rentré dans ses foyers mais, professionnellement, je n'ai jamais croisé le fer avec lui, parce qu'il s'occupait de la gestion d'un grand domaine agricole sur le territoire de la commune de Boufarik, où il avait été élu maire après l'assassinat d'Amédée Froger par Ali la Pointe en décembre 1956. Au mois de juin 1962, alors que les accords d'Evian venaient d'être signés, suivi d'une loi référendaire hexagonale acceptant la sécession des départements algériens où le vivre ensemble avait été remplacé par "la valise ou le cercueil" je m'étais rendu ( hélas malencontreusement pour moi) au Palais de Justice où devait avoir lieu l'élection du dauphin au bâtonnat ….et je suis tombé sur notre ami. Je me suis précipité en lui disant "Qu'est-ce que tu fous là?" et j'ai toujours le souvenir de la discussion qui s'en est suivie: F > Je viens voter comme toi M > Tu as fait de la politique, donc tu devrais déjà être en métropole avec les tiens F > Mais l'armée reste en place pour garantir notre sécurité et les passions vont s'apaiser M> Elle était là, rue Michelet, lorsque ton prédécesseur a été assassiné et son assassin n'a été supprimé par tâtonnements des légionnaires qu'après que le capitaine Léger ait été mis enfin à la tête des services de renseignements de l'armée F> Mais j'ai un domaine agricole avec des moissons en perspective et sur mes 12 ouvriers agricoles européens cinq sont déjà partis et, si je m'en vais les sept autres feront de même ! M> Cet argument est exécrable car tu les mets personnellement en danger F> Je ne peux pas partir car je suis maire de Boufarik et je dois être présent derrière les urnes le jour du vote sur le sort de l'Algérie Il m'a alors laissé sans voix et à bout d'arguments. Au printemps de l'année suivante, je renseignais rue Vacon à Marseille les rapatriés en cours de reclassement et de réinstallation lorsque l'un d'entre eux s'est présenté comme le serrurier de Boufarik. Alors vous allez pouvoir me donner des nouvelles de mon petit camarade Françis Peyronnet. Mon vis-à-vis a pris un air stupéfait en répondant : alors vous ne savez pas? Je ne sais pas quoi? Et bien il est officiellement porté disparu fin juin 1962 mais en réalité il a été assassiné dans les circonstances suivantes : il se rendait en voiture à la mairie, où il était attendu, lorsqu'il est tombé sur un barrage de l'ALN. Les fels l'ont arraché de son siège, l'ont saucissonné avec du fil de fer, l'ont collé sur un mur de ferme et s'en sont servi comme plastron pour s'exercer au lancer du couteau. Votre ami a mis 24 heures pour mourir et son corps n'a pas été retrouvé. Voilà ce qui a provoqué une autre suite tragique … et de narrer ce qui suit : Dès qu'il a appris cet enlèvement/disparition, Marcel Astier, maire de Souma, la commune voisine, agriculteur et ancien officier des tabors marocain, est parti à la recherche de notre ami. Arrêté à son tour Astier a été libéré sur l'intervention du consul suisse (mon serrurier dixit) mais a persévéré dans ses recherches et a été à nouveau capturé, emmené dans les profondeurs du djebel surplombant la Mitidja, mis à poil et jeté tout vif avec quelques harkis dans un brasier ….après que ses décorations lui aient été cousues sur la poitrine. Ces faits sont connus des membres de sa famille comme le prouve cette interview de sa fille Geneviève laquelle met au crédit du consul anglais la libération de son père au mois d'août 1962. Maintenant je me fais encore le reproche de ne pas avoir été assez convaincant la dernière fois où j'ai rencontré notre camarade de la 44C.