TENNE Claude Récit du Capitaine Sergent

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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TENNE Claude Récit du Capitaine Sergent
Marc sera toujours volontaire pour nettoyer les grottes.

A ce propos, je céde ma place aux écrits du Capitaine Pierre Sergent, aujourd'hui disparu...

J'y vais.

Les voltigeurs de la section regardaient sans mot dire le légionnaire Tenard enlever ses équipements de toile, les poser sur le sol dans un coin de la cour, échanger son fusil contre un P.M. dont il enleva la crosse métallique et approcher de l'angle de l'étable.

Une dalle parfaitement ajustée avait été découverte sous la paille. Le prisonnier, en montrant du doigt l'entrée de la cache, avait simplement dit." C'est là" .

Le problème consistait maintenant a en faire sortir les fells. A les faire sortir ou à les détruire. Problème souvent posé et toujours angoissant.

Ténard s'avança vers le prisonnier. II lui demanda de soulever la dalle. Elle pouvait être piégée. Devant le peu d'empressement du prisonnier, Tenard lui planta le canon de son arme dans les reins :

"Ouvre ça et dépêche-toi."

L'homme obéit. Un trou noir apparut. Tenard se pencha : "Ça sent le fell là-dedans", dit-il.

Grenade, ordonna le caporal.- Non. caporal, répliqua Tenard , l'odeur de la grenade pique les yeux : ça gène pour le travail et puis, ça risquerait de s 'écrouler.

Tenard - de son vrai nom Claude Tenne - s'était spécialisé dans la fouille des caches et des grottes. Dangereuse spécialité qu'exerçaient dans chaque compagnie quelques voltigeurs d'élite,Tenard en était arrivé là par défi . Il voulait montrer à ses camarades et à ses chefs de quoi il était capable, lui qu'on avait relégué pendant des semaines au rôle de pourvoyeur. Cette équipée solitaire dans une cache habitée émit son premier titre de gloire :

deux fells envoyés à tout jamais au royaume des ombres.

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Des Ténard, il y en avait quelques-uns au 1 er REP,

qui allaient faire merveille au cours de cette guerre des grottes qui venait de commencer et que Challe baptisa l'opération Jumelles...

... Il ne fallut pas longtemps aux hommes du 1 er REP pour découvrir la tactique des rebelles. Quelques interrogatoires menés rondement par les commandants de compagnie suffirent à leur prouver que la Kabylie n'avait pas été miraculeusement évacuée de tous ses hommes valides, ils étaient bien là! sous la terre.

Les fourmis avaient disparu sous l'averse, mais elles étaient dans la fourmilière. Restait à les en faire sortir. Chaque unité avait pour cela une technique particulière. Chacune avait ses spécialistes, mais tous avaient un point commun : l'appréhension qui les prenait au ventre chaque fois qu'ils enlevaient leurs équipement et s'apprêtaient à descendre ! Pourtant, ils aimaient cette chiasse, avec ses risques. Ils retrouvaient dans les boyaux des montagnes kabyles l'exaltation et la noblesse des tournois du Moyen Age. Ils livraient sous terre ded joutes cruelles et des duels a mort. Armés du pistolet et du poignard, ils avançaient en aveugles à la rencontre de l'adversaire, les nerfs à vifs, l'angoisse au cœur. Qui tirerait le premier ? Ils retrouvaient les ruses des combats singuliers : le caillou adroitement lancé pour simuler l'attaque et faire ouvrir le feu par l'autre : le cri d'effroi poussé dans un angle que l'on quitte.

Un jour, ce fut sa veste de combat que Ténard jeta dans un boyau et qu'il rapporta criblée de balles. Les chances étaient égales de part et d'autre. Sport terrible. qui plaisait aux légionnaires-parachutistes.

Je ne regrette rien, aux éditions Fayard