ALGERIE INSTITUTIONS 1830 - 1870

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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les institutions algériennes (1) : 1830-1870

n°16 - 1er août 1948

Documents algériens

Service d'information du Cabinet du Gouverneur Général de l'Algérie

Avant-propos

Si l'on admet que le statut d'un pays français groupant des éléments divers dont le degré de maturité politique est différent ne peut être définitif, mais progressif, il faut convenir que le nouveau statut dont vient d'être dotée l'Algérie marque une étape décisive dans l'histoire de la communauté de ce pays.


Construction originale, faite de vieux moellons résultant de l'expérience acquise depuis plus d'un siècle et d'un liant jeune, reflet de l'évolution des hommes et des choses de ce pays, l'organisation nouvellement établie n'est que le produit des institutions plus ou moins lointaines qui, depuis 1830, régirent l'Algérie, adapté aux conditions créées en Afrique du Nord par le génie civilisateur de la France


1830-1834

LE RÉGIME PUREMENT MILITAIRE

C'est en pleine crise intérieure (Charles X était renversé trois semaines après la prise d'Alger) et sous œil méfiant de l'Angleterre que s'effectuèrent les premières occupations sur le territoire africain. Cette situation, compliquée par l'opposition du Parlement dont la méconnaissance du nouveau pays était complète (1)
(1) Il suffit de rappeler la phrase souvent citée d'un homme politique de l'époque : " L'Algérie est un rocher sans ressources " ; " on n'y trouve que de l'air, encore y est-il mauvais " et les arguments des adversaires de la conquête qui se firent un devoir de signaler les dangers "horribles qu'allaient courir nos troupes en traversant les déserts séparant Sidi-Ferruch d'Alger. "
Il est évident qu'en présence d'une telle ignorance, toutes les opinions pouvaient se donner libre cours. Les partisans voyaient des oasis verdoyantes, des plaines d'une richesse inouïe, des villes prospères. Témoin ce Jean CZYNSKY, prêchant la colonisation de l'Algérie à l'aide du système de Fourrier, suivant les " principes d'association et d'attraction " qui dira un peu plus tard avec un lyrisme que son maître n'aurait pas désavoué : " Les chameaux, les zèbres et vingt autres espèces d'animaux utiles, dispersés au milieu des déserts, faciles à apprivoiser, n'attendent que la direction de l'homme pour l'aider dans ses travaux. On y trouve mille variétés d'oiseaux, depuis le plus petit moineau qu'on pourrait prendre pour un papillon jusqu'à l'autruche que les naturalistes nomment un chameau emplumé ".
" Dans les régions du Maghreb, dans les environs d'Alger, on a trouvé le sel, le fer, le plomb, on a trouvé même, chose longtemps contestée, on a trouvé des diamants... "
" Quand un Européen se repose sous un olivier en Afrique et trouve à ses pieds un diamant, Dieu semble lui dire : " Chassez de ce pays les panthères, les vautours, les boas, établissez-vous à leur place et régnez-y pour le bien de la France et pour le bien du monde entier " - (CZYNSKY, Colonisation d'Alger, ,d'après la Théorie de Charles Fourrier, p. 10 et 11).
et les idées sur l'abandon des conquêtes d'Afrique bien arrêtées, ainsi que par les exigences des opérations militaires, explique facilement que le Gouvernement se soit abstenu de prendre immédiatement des mesures définitives. C'est ainsi que le Commandant en chef de l'Armée d'Afrique, puis le Commandant du Corps d'occupation qui le remplaça en 1832, centralisèrent tous les pouvoirs. Le régime adopté pendant cette période, où successivement : Alger, Oran, Bône, Arzew, Mostaganem et Bougie furent occupés, a été strictement militaire et l'essai de séparation des administrations civiles et militaires, tenté en 1831, aboutit rapidement à un échec. Dans les villes, il était relativement aisé de dégager des méthodes convenables qui, fonction sans doute dès fluctuations politiques de la Métropole, tinrent cependant compte des intérêts des différents groupes ethniques représentés, dès l'origine, auprès des autorités compétentes, dans les Conseils et dans les Assemblées.


Dans les campagnes, où la pacification fut plus lente, les moyens de communication longtemps rares et précaires, mais où courageusement quelques colons commençaient à s'installer, la tâche desPouvoirs publics était plus délicate. On abandonna d'abord l'administration des Arabes à l'Agha Mahieddine, puis successivement au Colonel Marey-Monge, au Capitaine Pélissier et au Commandant Daumas, choix heureux, car chacun d'eux réussit pleinement dans cette mission.


Cependant, la dispersion des territoires occupés, les réticences du Gouvernement sur ses intentions définitives (alors que la politique pratiquée reste fermement celle de la conservation), le manque de directives sur la politique générale à observer vis-à-vis des populations musulmanes, qui se considéraient comme indépendantes, amenèrent rapidement une confusion et un désordre dont Européens et autochtones furent unanimes à reconnaître les inconvénients. La création, par le général Avizard, d'un " Bureau Arabe " qui eut pour premier chef Lamoricière, marqua toutefois, dès 1832, l'intention de donner à l'autorité française les moyens d'information indispensables à l'élaboration d'une politique indigène.


La situation resta cependant si précaire que le Gouvernement décida, en septembre 1833, d'envoyer deux Commissions en Afrique aux fins d'enquête.


Ayant donné un avis favorable à la conservation des possessions africaines, ces commissions insistèrent sur la nécessité de substituer à l'occupation strictement militaire une organisation adaptée aux exigences locales et séparant l'administration civile de l'administration militaire.


Le Gouvernement, alors sûr de l'appui de la majorité de la Chambre (2) qui commençait à se rendre compte de l'ampleur des travaux entrepris en Algérie (3) et ne craignant plus les protestations des puissances étrangères mises devant un état de fait depuis quatre ans, prit une position ferme en déclarant, par l'ordonnance du 22 juillet 1834, la nouvelle conquête terre française. Cette ordonnance, qui réglait l'organisation des " Possessions françaises dans le Nord de l'Afrique ", faisait implicitement entrer dans la nationalité française les indigènes de ce pays.
(2) " Eh quoi ! Messieurs, demanda Lamartine, les nations n'ont-elles donc qu'une balance de chiffres à établir ? et serions-nous descendus à ce degré de matérialisme social que l'arithmétique dût s'asseoir seule dans les conseils de la Chambre et du Gouvernement et peser seule les résolutions de ce noble pays ? Si l'or a son poids, la politique, l'honneur national, la protection désintéressée du faible, l'humanité n'ont-ils pas le leur ? " Et le poète orateur terminait : " La pensée de l'abandon d'Alger resterait éternellement comme un remords sur la date de cette année, sur la Chambre et sur le Gouvernement qui l'auraient consenti. "(Archives parlementaires, t. 89, Députés, 29 avril 1834).
(3) Monsieur de la Rochefoucauld signala à la Chambre la situation fausse dans laquelle la plaçait le Gouvernement- :` " Quel est donc, demanda-t-il, le rôle qu'on fait jouer aux membres de ces commissions ainsi qu'aux membres de cette Chambre qui délibèrent toLt naïvement sur la conservation du pays alors que le Gouvernement y ordonne des travaux de longue durée en même temps que tous les agents du ministère en Alger, les généraux qui y commandent et les, princes eux-mêmes y fondent des établissements pour l'avenir ". (Archives parlementaires, t. 89, Députés, 29 avril 1834).


1834-1840

LES POSSESSIONS FRANÇAISES DANS LE NORD DE L'AFRIQUE

Que sont, en 1834, ces possessions françaises dans le Nord de l'Afrique ? Une série d'îlots occupés par les troupes françaises au milieu d'un immense pays où la France n'exerce en réalité aucuneautorité effective.


De ce fait, l'organisation du pays, réglementée par une série de textes dont le principal est l'ordonnance du 22 juillet 1834, gardera, malgré l'aspect civil de l'autorité supérieure, le caractère militaire qu'on avait prétendu lui enlever.


Le commandement et la haute administration étaient exercés par un "Gouverneur Général" dépendant du Ministère de la Guerre et aidé dans sa tâche par un Intendant civil, un Commandant de la Marine, un Procureur général et un Directeur des Finances placés à la tête des différents services. Ainsi apparaît, dès 1834, le Gouverneur Général, rouage fondamental de l'organisation algérienne qui se maintiendra, sauf une courte interruption (1858-1860), jusqu'à nos jours avec des attributions dont les

variations ne feront que suivre les fluctuations de la politique des différents gouvernements métropolitains.


Cependant, le Ministre de la Guerre dont dépendait directement à cette époque le Gouverneur Général, imposa la nomination d'un général, Drouet d'Erlon (pratique qui se maintiendra jusqu'à la fin du Second Empire), Cette combinaison, qui présentait l'avantage de la centralisation entre les mains du Gouverneur du pouvoir civil et du pouvoir militaire, rendait inutile la création d'un commandement (les troupes prévu par l'ordonnance du 22 juillet. Le Gouverneur Général était ainsi investi de pouvoirs étendus, il disposait de la force armée, dirigeait les opérations militaires, négociait avec les tribus et les chefs des États limitrophes, légiférait par voie d'arrêtés. De 1834 à 1839, un gros travail législatif manifestant le désir d'organiser l'administration du territoire fut effectué.


L'ordonnance du 10 août 1834 organisait la justice en maintenant les tribunaux indigènes dont les juges étaient nommés par le roi et en créant pour les Européens des tribunaux sur le modèle français.


Une série d'arrêtés réglementa l'administration provinciale et municipale placées, ainsi que les Travaux publics et les Services de la Colonisation, sous la direction de l'Intendant civil.


Des ordonnances statuèrent sur le régime douanier, l'organisation de l'instruction publique et des Finances.


Pendant toute cette période, où un travail intense d'organisation fut indiscutablement fourni, règne,, comme on pouvait s'y attendre, une large confusion. Les Gouverneurs Généraux, voulant affirmer leur autorité aussi bien dans le domaine civil (l'ordonnance du 31 octobre 1838 enleva à l'Intendant civil le droit (le correspondance directe et le réduisit au rôle de directeur de L'Intérieur) que dans le domaine militaire, usent largement du droit de légiférer qui leur avait été octroyé et essaient de se dégager du contrôle effectif du Ministre de la Guerre.


Intérieurement, la politique d'occupation restreinte et d'entente avec Abd-El-Kader (1834-1837 à 1839) subit des fluctuations incessantes et cède parfois le pas à une série de conquêtes et d'extensions imposées par un souci de protection des positions acquises. Époque troublée, mais laborieuse, dont la fin marquera le ralliement définitif du Parlement à la cause du maintien de la France en Afrique du Nord (4) et qui verra l'extension progressive des territoires occupés jusqu'à la formation d'un ensemble dont la dénomination d'" Algérie ", officiellement adoptée en 1839, affirme l'individualité.
(4) On pourrait, critérium sûr en matière de débats parlementaires, mesurer l'accroissement du parti algérien à la diminution des débats dans le courant de 1838. Fort peu d'orateurs prennent la parole au sujet des questions algériennes. Le budget de 1839 est adopté sans discussion. A la Chambre des Députés les crédits suplémentaires pour la même durée recueillent 209 voix sur 303, à la Chambre des Pairs 103 sur 111. Et le 5 janvier 1839 était adopté à la Chambre des Députés le texte suivant d'adresse au Roi : " Nous nous applaudissons avec votre Majesté de l'état satisfaisant de nos possessions d'Afrique. Nous avons la ferme confiance que cette situation s'améliorera de jour en jour grâce à la discipline, de l'Armée, à la régularité de l'administration et à l'action bienfaisante d'une religion éclairée ".


1840-1844

LE RETOUR AU RÉGIME MILITAIRE

Cependant, les négociations avec Abd-El-Kader ne donnant que de piètres résultats, l'occupation étendue du territoire fut décidée et Bugeaud nommé Gouverneur Général. L'impulsion définitive qu'il donna à la conquête, la pacification et la mise en valeur du pays en firent assez rapidement une figure qui restera des plus marquantes dans l'histoire de l'Algérie. Sous son influence, le Gouvernement Général prend essentiellement un caractère militaire. Une véritable armature, destinés à consolider la machine administrative mise sur pied (le 1834 à j839, est forgée, dont la pièce maîtresse est l'arrêté ministériel du 1°' février 1844 organisant le service des "Bureaux Arabes"-.


Le Service des Bureaux Arabes (2 : Voir Document Algérien no 10 de la série : Politique : Les Bureaux Arabes ; paru le 10 novembre 1947)


Ce service comprenait un bureau central appelé " Bureau Politique ", à Alger ; trois directions provinciales près les Généraux commandant chacune des divisions d'occupation, des Bureaux de 1èet de 2è classe près les Généraux commandant les subdivisions et les officiers supérieurs commandant les circonscriptions dénommées cercles ; des bureaux d'annexe dans les cercles trop étendus et des postes dont les chefs étaient chargés de missions spéciales ou temporaires.

1852-1870

L'ALGÉRIE SOUS LE SECOND EMPIRE

L'histoire des institutions algériennes sous le Second Empire est la relation d'un conflit aigu entre l'élément civil et l'autorité militaire dont les phases principales et les péripéties ont été souvent retracées : mesures prises par l'Empire autoritaire ; affaire Doineau, en 1856; suppression du Gouvernement Général en 1856 et création du Ministère de l'Algérie et des colonies qui vivra jusqu'en 1860 ; voyage de Napoléon au cours des années 186o et 1863 et politique du Royaume Arabe; grandes enquêtes de 1868 et 1869, la première dirigée par le Comte Le Hon, la deuxième présidée par le Maréchal Randon, et dont les conclusions sont consignées dans le rapport d'Armand Behic.
  • Centralisme napoléonien (1852-1858)
La Constitution du 14 janvier 1852 supprima les libertés accordées en 1848. Les Français d'Algérie n'eurent plus de représentants au corps législatif. L'autorité militaire s'exerça de nouveau sans contrôle. Cette période marque la fin de la conquête avec la réduction de la Kabylie du Nord (1857) et l'occupation successive des oasis du Sud, Laghouat (1852), Ouargla, Touggourt et les oasis de l'Oued Rir (1854), ainsi qu'un essor nouveau du peuplement européen (200.000 en 1860). Ce régime, imposé, semble-t-il, par les nécessités militaires, n'impliquait pas cependant l'abandon de tout projet d'organisation civile. L'Empereur lui-même, dont il est si difficile de suivre la politique hésitante, y paraissait favorable. Par décret du 8 août 1854, l'administration de la population musulmane non comprise dans les périmètres communaux fut confiée à des Bureaux Arabes départementaux civils qui avaient les mêmes attributions que les Bureaux Arabes du Territoire militaire. (Ces Bureaux civils furent supprimés en 1868). L'organisation municipale s'acheminait ainsi vers son unification. La conquête terminée, l'Empereur décida de réorganiser, en la centralisant à Paris, l'administration de l'Algérie.
  • Le Ministère de l'Algérie (1858-186o)
Le régime militaire étant de plus en plus attaqué (5), Napoléon III parut donner satisfaction à l'opinion en instituant, par le décret du 24 juin 1858, un Ministère de l'Algérie et des colonies. Le Gouvernement Général fut supprimé, le commandement des troupes confié à un " Commandant supérieur" résidant à Alger et ne possédant aucune attribution civile. Les Services ayant encore leur siège à Alger étaient transférés à Paris. Ceux qui l'avaient déjà été en 1848 furent rattachés avec eux au nouveau ministère.


En contrepartie, les attributions des préfets étaient étendues et les Conseils généraux rétablis. Le principe était de gouverner du centre et d'administrer sur place.


Mais le régime ainsi instauré ne répondit pas aux espérances qu'on avait mises en lui. Les réformes entreprises, tout en traduisant les intentions les plus libérales, témoignent d'une connaissance insuffisantes de l'Algérie où le Prince Jérôme, cousin de l'Empereur et Ministre de l'Algérie, ne vint même pas. Les causes profondes du malaise étaient de deux sortes : l'extension de la colonisation ne pouvait se faire qu'aux dépens des indigènes, l'extension des pouvoirs civils qu'aux dépens des autorités militaires. De là, l'inquiétude des milieux musulmans devant la formidable immigration qui les menaçait dans leur possession du sol, et les violents conflits entre officiers et fonctionnaires civils. Brusquement, après son premier voyage en Algérie, en septembre 186o, Napoléon III change de méthode et se rallie à la politique du " royaume arabe ", le principe des nationalités appliqué à l'Algérie (6).
(5) En 1856, devant la Cour d'Assises d'Oran comparut le capitaine Doineau, chef du Bureau arabe de Tlemcen, inculpé d'attaque contre une diligence et d'assassinat commis sur la personne de l'agha Ben Abdallah dont il aurait eu à craindre les révélations. Jules Favre, défenseur d'un des accusés, fit par-dessus sa tête le procès de cette administration, sous laquelle faisait défaut, disait-il, les garanties indispensables de liberté et de justice. ----------Ces arguments de plaidoirie qui eurent à l'époque un grand retentissement ne suffisent pas -à expliquer devant l'histoire que les bureaux arabes aient perdu sous l'Empire la faveur de l'opinion publique et que le discrédit dans lequel ils allaient tomber ait rejailli sur le régime.
(6) Il formula ses idées dans sa fameuse lettre a Pélissier publiée en 1&63: " L'Algérie n'est pas une colonie proprement dite mais,.. un royaume arabe.; Les Indigènes ont, comme les colons, un droit égal à ma protection... Je suis aussi -bien l'Empereur des Arabes que l'Empereur des Français ; j'aime mieux utiliser la bravoure des Arabes que pressurer leur pauvreté... Ce qui importe ce n'est pas de peupler l'Algérie d'individus misérables et avides, mais de favoriser les grandes associations de capitaux européens en vue de vastes entreprises assainissement, d'irrigation, d'exploitation scientifique... "
  • La politique du Royaume Arabe.
Le 24 novembre 186o, un décret supprima le Ministère de l'Algérie et rétablit le Gouvernement Général que le Maréchal Pélissier fut appelé à occuper. Tous les services furent transférés de Paris à Alger. Le changement était à la vérité plus apparent que réel. Ne relevant plus du Ministre de la Guerre, mais de l'Empereur avec lequel il correspondait directement, le Gouverneur Général d'alors ressemblait fort à un Ministre de l'Algérie résidant à Alger. Assisté d'un Conseil consultatif et d'un Conseil supérieur, il exerçait son autorité sur les territoires militaires par l'intermédiaire d'un sous-gouverneur chef d'état-major (le l'Armée, sur les territoires civils par celui d'un Directeur des Affaires civiles. L'équilibre fut ainsi maintenu entre l'autorité militaire et l'autorité civile, grâce à l'influence personnelle (le Pélissier qui, malgré son titre de maréchal, s'employa à remplir d'abord sa mission civile.


La population musulmane reçut les apaisements indispensables par les sénatus-consultes du 22 avril 3863 sur la propriété foncière et du 11 juillet 1865 sur le statut des indigènes.

  • Les deux Sénatus-consultes.
Le premier était dicté par une pensée d'équité et (le prudence. " Comment, déclarait l'Empereur, compter sur la pacification d'un pays lorsque la presque totalité de la population est sans cesse inquiète sur ce qu'elle possède ? "


Il reconnaissait aux tribus la propriété des terres dont elles avaient la jouissance à un titre quelconque et paraissait inspiré par le désir d'arrêter les progrès de la colonisation sur laquelle la lettre de Mac-Mahon du 20 juin 1865 porte un jugement sévère. En fait, il prévoyait la propriété individuelle partout où cela serait possible, les colons ayant possibilité de se procurer, par achat aux indigènes, les terres dont ils avaient besoin. La délimitation (les territoires des tribus, des douars et fractions (le douars, effectuée en application de ce texte, (le 1863 à 1870, a porté sur 7 millions d'hectares reconnus et classés dans les quatre catégories : " melk " ou propriété privative : " arch " ou propriété collective ; communaux de douars et domaniaux ; oeuvre préparatoire immense qui a permis l'essor de la colonisation officielle après 1870.


Un autre aspect (le ce texte révèle l'intention réelle d'instaurer dans le bled l'organisme municipal sous forme (le douars communaux créés par la dissociation de tribus en pays arabe ou par la réunion de villages en pays berbère. Étrange fantaisie où se marqua une fois de plus l'irréalisme utopique (le l'époque, le sénatus-consulte de 1863 traitait à l'arabe le pays kabyle et accommodait en somme à la berbère le pays arabe !


En fait, on arriva à cette situation paradoxale que le douar-commune, au lieu d'être composé par des groupes (le même origine, assembla souvent des populations différentes ; qu'une même fraction homogène se trouva répartie entre plusieurs douars-communes ; qu'un puzzle capricieux découpa et rassembla les circonscriptions et qu'on vit même une tribu purement et simplement annexée à un douar limitrophe. Toutefois, quelque objection rétrospective qui puisse être élevée, il n'en reste pas moins qu'on avait aménagé dans le bled les futures bases de la vie municipale. L'instruction du général MacMahon en date du 1er mars 1865, précisa d'ailleurs que le douar-commune n'était autre chose que le " germe de la commune arabe ".


Telle fut la préfiguration lointaine et elliptique de notre actuelle cité rurale.


Une seconde innovation de ce sénatus-consulte, ce fut, en pays arabe, l'institution (le la Djemâa (Voir Documents Algériens (Série Politique) n" 2, " Historique et Réformes des Djemaâs) désignée par l'autorité administrative. On n'eut rien à créer à cet égard dans les secteurs berbères où fonctionnaient, de temps immémorial, des assemblées locales.


Le deuxième sénatus-consulte reconnaissait aux indigènes la qualité de Français, les admettant à servir dans les armées de terre et de mer ou à remplir certains emplois civils sans qu'ils eussent à renoncer à leur statut. L'accès à la citoyenneté leur était ouvert par voie de naturalisation, mais cette mesure s'avéra inefficace par suite de l'abandon dans ce cas du statut personnel (2Voir Annexe. Texte du Sénatus Consulte du 13 juillet 1865 sur l'état des personnes et les naturalisations en Algérie).
  • Retour au régime militaire (1864-1868).
Deux mois après la mort de Pélissier, le décret du 7 juillet 1864 militarisa en quelque sorte l'administration algérienne. La direction (le l'administration civile disparut, les préfets furent subordonnés aux généraux de division, les territoires civils réduits. Le Maréchal de Mac-Mahon, successeur de Pélissier, ne réussit pas à surmonter les difficultés de toutes sortes (insurrection, famine, épidémies) que traversa l'Algérie au cours (les années suivantes. Le " régime du sabre " fut rendu responsable des maux dont souffrait le pays et l'autorité militaire fut plus violemment attaquée que jamais. Le passage en France (le l'Empire libéral à l'Empire parlementaire (1868) amena en Algérie la refonte de l'organisation municipale ainsi que la désignation d'une commission d'enquête chargée de reprendre entièrement les principes directeurs de l'administration (le l'Algérie.
  • Refonte de l'organisation municipale
Les bureaux arabes départementaux civils, créés par décret du 8 Août 1854, furent supprimés en 1868 et le territoire tout entier se trouva réparti à partir, du s janvier 1869, entre les communes de plein exercice. En même temps, l'organisation municipale pénétra dans le territoire militaire. La distribution (les subdivisions, cercles, annexes et postes se superpose et se juxtapose dorénavant à une division en communes mixtes et en communes subdivisionnaires, les premières comprenant les centres de populations habités à la fois par des indigènes et des Européens et qui, possédant des ressources propres, ne renferment pas encore une population suffisante pour être érigés en communes de plein exercice ; les secondes, comprenant d'autre part les douars constitués en exécution du sénatus-consulte du 22 avril 1863 et les tribus qui seront successivement soumises à son application. En somme, dans ce domaine, le régime militaire avait aménagé le cadre complet d'un régime civil dont les organes fonctionnaient ou étaient amenés à pied œuvre.
  • Les Commissions de 1868 et 1869.
L'enquête agricole de 1868, qui se transforma par la force même des choses en une enquête sur la situation générale de l'Algérie, mit en pleine lumière les sentiments des Européens. L'immense majorité de ceux qui déposèrent devant les commissaires se prononça pour l'assimilation complète (le l'Algérie à la France. Ils réclamaient l'application des lois françaises à tous les habitants, indigènes aussi bien qu'Européens, demandaient des représentants élus au Corps législatif et dans les conseils généraux, enfin la restitution à l'autorité civile de toutes les affaires administratives et judiciaires. Le comte Lehon, qui avait dirigé l'enquête, appuyait ces réclamations Une commission fut nommée pour étudier une refonte complète de l'organisation algérienne. Le rapporteur, Armand Behic élabora un projet de constitution, dotant l'Algérie d'un ministère à Alger, d'institutions libérales et (le l'autonomie financière. Ses propositions différaient de façon assez notable des desiderata, formulés à la même époque par les rédacteurs des " Cahiers algériens ", partisans de la centralisation et (le l'assimilation intégrale ; elles concordaient cependant sur un point capital : l'abolition du régime militaire. Le corps législatif, de son côté adoptait, le 29 Mars 1870, un ordre du jour spécifiant que, " dans l'état de chose actuel, le régime civil paraissait de nature à concilier les intérêts des. Européens et des indigènes ". Se conformant à ces indications, le Gouvernement Impérial rendit aux préfets leurs indépendance vis-à-vis des généraux et prescrivit la reconstitution des conseils généraux désormais élus. La guerre franco-prussienne et la chute de l'Empire survinrent avant que la réforme ainsi amorcée eût pu être menée à terme. Le régime militaire n'en était pas moins irrémédiablement condamné.

ANNEXE

SENATUS CONSULTE DU 14 JUILLET 1865

Etat des personnes et naturalisation en Algérie


  • Article premier. - L'indigène musulman est Français : néanmoins, il continuera d'être régi par la loi musulmane. Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut être appelé à des fonctions et emplois civils en Algérie. Il peut, sur sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas, il est régi par les lois civiles et politiques de la France.
  • Article 2. - L'indigène israélite est Français ; néanmoins, il continue à être régi par son statut personnel. Il peut être admis à servir dans les armées de terre et de mer. Il peut, sur sa demande, être admis à jouir des droits de citoyen français ; dans ce cas, il est régi par la loi française.
  • Article 3. - L'étranger qui justifie de trois années de résidence en Algérie peut être admis à jouir de tous les droits de citoyen français.
  • Article 4. - La qualité de citoyen français ne peut être obtenue, conformément aux articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte, qu'à l'âge de 21 ans accomplis ; elle est conférée par décret impérial rendu en Conseil d'État.
  • Article 5. - Un règlement d'administration publique déterminera
  1. Les conditions d'admission de service et d'avancement des indigènes musulmans et des indigènes israélites dans les armées de terre et de mer ;
  2. Les fonctions et emplois civils auxquels les indigènes peuvent être nommés en Algérie ;
  3. Les formes dans lesquelles seront instruites ses demandes prévues par les articles 1, 2 et 3 du présent sénatus-consulte.


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