AUTORAIL 1937

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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Débarquement d'une Micheline au port d'Alger

L'électrification du réseau

Un autorail géant en 1952

Un locotracteur de manoeuvre pour la voie métrique

Divers modèles de locomotives en Algérie

Ouvrages d'Art en Algérie


ALGER-ORAN-FÈS ET RETOUR (2.206 kilomètres) A 130 A L'HEURE

Chaque jour nous apporte une bonne surprise, grâce aux nombreuses et heureuses initiatives des Chemins de Fer Algériens. Dans ces mêmes colonnes, nous avons déjà publié maints articles relatant la marche rapide et ascendante des progrès accomplis dans les domaines de la sécurité, du confort et de la vitesse. Aujourd'hui, voici un nouveau maillon à cette chaîne dont ce n'est pas encore le dernier.

Avec un autorail Renault nous venons d'exécuter un trajet de 2.206 kilomètres à une moyenne horaire bien supérieure à celle des temps passés. Et ce fut, non pas un voyage sons histoire, mais ce qui est bien mieux encore, un voyage sans fatigue et fort agréable.


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Parti d'Alger à 14 h. 27, l'autorail Renautl stoppait en gare d'Oran à 20 h. 03 après avoir exécuté les arrêts et ralentissements normaux des trains. La voie unique sur de longs parcours lui fit perdre, à un certain moment 20 minutes de retard, les croisements de convois eux-mêmes en retard en étant la cause. Malgré cet inconvénient, il rattrapait ces vingt minutes et arrivait à Oran à l'heure exacte. Sur le parcours Oran-Fès, il en fut de même et cela démontre quelles ressources on peut tirer d'un tel véhicule.

Confortable, l'autorail Renault, l'est au plus haut degré. Des fauteuils individuels en 1 ère et 2 ème classe sont susceptibles d'être orientés dans le sens de la marche, ce qui est toujours heureux pour les personnes sensibles de l'estomac. De ces sièges moelleux, le voyageur peut contempler le paysage aussi bien à sa droite qu'à sa gauche, aucune cloison opaque ne gênant la vue. De vastes passages, ménagés entre les fauteuils permettent aux nerveux de circuler sans encombre; pour les sportifs qui ne tiennent pas à rester assis, des plateformes permettent de conserver la station debout autant qu'on le désire.

En troisième classe, de vastes banquettes aussi confortables que celles des wagons de première ordinaires feront la joie des voyageurs moins fortunés qui jouiront des mêmes avantages que les passagers des autres classes.

Quant au personnel, il peut également exécuter les trajets prévus avec le minimum de fatigue. Le conducteur n'a aucun effort physique à faire. Il est confortablement assis devant son tableau de commandes dont la manipulation, très simple, permet une surveillance de la voie plus efficace. Celle-ci est d'ailleurs facilitée par la visibilité totale à l'avant du véhicule qui est entièrement vitré. Cette particularité est une garantie supplémentaire de sécurité.

Le matériel mécanique est encore une parfaite réalisation de la maison Renault. Deux moteurs, de 300 CV chacun, sont placés, l'un à l'avant, l'autre à l'arrière et commandés ensemble par le même conducteur. Lessystèmes de freinage sont excessivement doux et puissants. Un léger incident de route le démontra amplement. Un cheval, s'étant égaré sur la voie, a été littéralement pulvérisé par la voiture qui, lancée à plus de cent à l'heure stoppa sur une centaine de mètres. Des freins magnétiques, s'ajoutant aux freins à air, peuvent arrêter le convoi, en un minimum de parcours, à quelque allure qu'il aille.

En résumé, ce nouveau matériel offre toutes les garanties de confort, de sécurité et de vitesse que l'on peut exiger à notre époque où tout devrait aller aussi bien que vite.

Evidemment, lorsque, pour la première fois, on exécute un tel voyage avec la possibilité de se placer à côté du conducteur, quelques émotions sont obligatoires.

Plus que dans un train ordinaire il est possible de se rendre compte de la vitesse. Cette constatation fait parfois battre le coeur un peu vite surtout lorsque l'aiguille du Flaman dépasse le 130. Le ballast n'est plus qu'un tapis uniforme et rayé, les poteaux télégraphiques disparaissent avant qu'on ne les ait vus et les haies bordant la voie sont des cloisons de verdures. Le plus drôle, c'est l'impression que l'on ressent à l'approche des virages. Cela se passe tellement vite que l'on croit, l'espace de quelques centièmes de seconde que le véhicule va poursuivre son chemin en ligne droite. Mais quand d'aventure, le virage se double d'une entrée de tunnel, c'est une appréhension d'écrasement que l'on ressent. On croirait que le choc est inévitable.

L'allure du convoi fit grosse impression sur les foules, indigènes et européennes, accourues dans toutes les gares, pour voir passer l'autorail. Aux arrêts, ce ne furent que commentaires élogieux suivant une inspection de l'aménagement du véhicule. Les indigènes, à certains endroits l'ont baptisé « le diable » tellement était forte l'impression produite.

En cours de route, la joie effarée de tous se lisait sur les visages et, aux passages en vitesse dans les gares, il était curieux de voir le mouvement instinctif de recul apeuré et souriant à lo fois des curieux. Le bruit s'était rapidement répandu dans tous les bleds du passage de l'autorail Renault ; c'est, au retour, une foule compacte, s'était-elle massée à tous les endroits susceptibles de donner un bon champ visuel.

Ce retour, de Fès à Alger, fut également foudroyant. Quatorze heures suffirent pour relier la capitale marocaine à la capitale algérienne. Sans incidents, le trajet fut effectué à une allure record, malgré un arrêt de plus d'une heure à Oujda. Le temps ainsi perdu pourrait être encore gagné en appliquant un système qui peut aisément être mis à l'essai. Pourquoi ne ferait-on point subir aux voyageurs les formalités de visite en douane et de police dans le véhicule lui-même. Les agents pourraient alors monter en cours de route, à une ou deux stations avant Oujda et faire leur inspection pendant le trajet. L'arrêt à Oujda serait donc réduit au strict minimum pour l'embarquement et le débarquement normal des voyageurs. On gagnerait ainsi plus d'une heure sur l'horaire, chose encore appréciable. Cette suggestion n'est d'ailleurs par une critique, mais il nous semble utile de la formuler.

Ainsi donc nous avons effectué un trajet des plus confortables de deux mille deux cent six kilomètres à une allure record, jamais atteinte en Afrique du Nord et sensiblement égale aux plus fortes obtenues en France et même à l'Etanger.

Et ce qui rendit encore plus agréable ce parcours, c'est l'affabilité de nos compagnons de route que nous tenons à remercier ici d'une façon toute particulière. Aussi bien auprès des représentants de la Maison Renault que des agents des Chemins de Fer Algériens et des Chemins de Fer Marocains, nous avons partout reçu l'accueil le plus courtois, le plus charmant. Et de nos jours, c'est là une chose assez rare pour que nous nous y arrêtions spécialement.

Gérard BESSE. L'Afrique du Nord Illustrée - 1er Octobre 1937