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De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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TURENNE (Catastrophe de), : Le 14 sept, 1932 à 7 h. 15, un train spécial de la compagnie PLM, transportant un détachement de 27 officiers et 479 légionnaires commandés par deux lieutenants, quitte la gare de Sidi bel-Abbès à destination d’Oujda pour rejoindre les trois régiments étrangers d’infanterie du Maroc. Le train est composé d’une locomotive à vapeur et de vingt-neuf wagons d’un tonnage de 329 tonnes. Après un arrêt en gare de Tlemcen, le train aborde la section la plus tourmentée de la ligne « Oran Sainte-Barbe du Thélat Oujda ». Avant la gare de Turenne, la voie qui suit la vallée de l’Ourit, comporte une série de courbes serrées et emprunte plusieurs tunnels, suit des tranchées et traverse à plusieurs reprises le cours de l’oued sur des ponts en maçonnerie. Eloigné de la gare de Turenne que de 4,5 km, le train aborde une section de voie en cours de renouvellement, dégarnie de son ballast et dont quelques de traverses sont décalées. Le mécanicien du train, réduit sa vitesse à 30 km/h avant d’aborder la zone des travaux. À 14 h. 53, c’est le drame.
La locomotive et son tender déraillent, se couchent sur le flanc et glissent dans le ravin entraînant derrière eux vingt-huit des vingt-neuf wagons du convoi. Seul le fourgon de queue, dont un essieu a déraillé, reste en équilibre instable sur la plate-forme qui supporte la voie. Dans leur glissade, d’une vingtaine de mètres à flanc du ravin, les voitures de voyageurs et les wagons de marchandises s’entrechoquent. Leurs structures, entièrement en bois, éclatent en projetant dans toutes les directions des éclats qui frappent une partie des légionnaires qui n’ont pas été broyés dans la chute des voitures. Le convoyeur du train rescapé, qui se trouve dans le fourgon de queue, envoie un berger, présent à proximité du lieu du drame, avertir la gendarmerie de Turenne de l’accident.
Les autorités alertées, la compagnie du PLM organise un train qui emporte tout le matériel de secours dont disposent les établissements de la ville. Deux médecins embarquent également ainsi qu’une équipe de quinze sauveteurs qu’accompagne le général Rollet. De son côté, la gare de Sidi bel-Abbès envoie par un autre train de secours un wagon-grue, une équipe médicale constituée du chirurgien, chef du secteur de secours de la compagnie du PLM à Sidi bel-Abbès et deux infirmiers munis du matériel médical nécessaire. Une équipe de spécialistes du dépôt de machines de la compagnie embarque également. Les chemins de fer du Maroc mettent à la disposition du PLM les moyens de secours disponibles en gare d’Oujda. Sur place, sans attendre l’arrivée des secours, les légionnaires, sortis indemnes ou légèrement blessés par l’accident, s’efforcent de dégager les blessés pris dans l’amas des voitures détruites. Ils sont très rapidement aidés par des Européens et des Algériens venus de Turenne.
Le travail est périlleux car les wagons ne sont pas tous tombés au fond du ravin, restant en équilibre instable, menaçant de continuer leur glissade. Le train de secours parti de Tlemcen arrive sur les lieux à 17 h. 40. Le général Rollet prend la direction des secours pendant que les médecins font le tri des blessés et administrent les soins d’urgence, tout en préparant l’évacuation des plus atteints qui sont en état de supporter un voyage dans le train de secours. À 1 h 15, le chirurgien de la compagnie est en mesure de communiquer son premier bilan : 194 légionnaires sont blessés, dont 20 sont amputés sur place par les trois équipes médicales, 15 légionnaires et 5 cheminots sont morts et un nombre indéterminé de victimes sont disparues. Les dernières victimes de la catastrophe ne sont dégagées qu’à la fin de la journée du 17 sept., alors que la voie est entièrement rétablie dès le 15, dans l’après-midi. Le bilan final est très lourd : 56 légionnaires et 5 cheminots sont morts, 217 légionnaires et 3 cheminots sont blessés plus ou moins grièvement et 255 légionnaires sont rescapés.
Le train de secours repart en direction de Tlemcen avec quatre-vingts blessés, auxquels il y a lieu d’ajouter les corps de dix-sept légionnaires décédés  et d’un employé convoyeur du PLM. L’arrivée de plus de deux cents blessés, dont certains dans un état grave, à l’hôpital militaire de Tlemcen, submerge le personnel hospitalier qui ne compte que neuf infirmiers lesquels, de l’aveu même du médecin colonel Comte, directeur du service de santé de la division d’Oran, « ne sont pas tous des techniciens hors ligne... ». De plus, l’officier gestionnaire de l’hôpital est en permission. L’adjudant et un civil qui assurent le service des entrées sont débordés et ne peuvent réunir tous les renseignements réglementaires qui doivent figurer sur le registre des entrées, ce qui rend impossible l’établissement immédiat du bilan de la catastrophe. Les deux médecins de l’hôpital, aidés d’un sous-lieutenant dentiste, après avoir trié les blessés, procèdent en urgence à la réduction des fractures dont souffrent les blessés et font des plâtres avec l’aide de tous les infirmiers. Quant aux blessés ne nécessitant pas de soins urgents, ils sont installés dans les locaux vacants de l’hôpital. Ces locaux, rarement occupés, ne sont pas toujours d’une propreté impeccable et surtout, faute de personnel, ne peuvent être immédiatement nettoyés.
L’enquête à laquelle fait procéder par son subordonné d’Oran le directeur de service de santé d’Alger, donne lieu à un rapport. Une copie de ce document est adressée à l’Inspection de la Légion étrangère. Il se termine par : « l’hôpital de Tlemcen est le moins bien tenu de la division, quoique à l’heure actuelle, des progrès très sérieux aient été accomplis... ».
Le train transportant les cercueils quittent la gare de Tlemcen le 17 sept., après que les honneurs soient rendus aux défunts par un détachement des régiments et services de la subdivision : 6e régiment de tirailleurs algériens, 2e régiment de spahis algériens, 66e régiment d’artillerie, services de santé et du génie, ainsi qu’un détachement de la gendarmerie. Au départ du train, la fanfare du 2e Spahis et la clique du 6e Tirailleurs sonnent « au champ ». À bord du train ont pris place, outre les rescapés de la catastrophe, les officiers et les sous-officiers de la garnison de Tlemcen désireux d’assister aux obsèques. En gare de Sidi-bel-Abbès, les cercueils sont placés sur le plateau des camions qui, entourés d’un cordon de légionnaires, l’arme au bras, transportent les corps jusqu’au cimetière. Le deuil est conduit par les rescapés qui, conformément à l’ordre du colonel Nicolas, portent la tenue qu’ils avaient au moment du déraillement. Une foule énorme, évaluée par certains journalistes, à près de 50.000 personnes, forme la haie au passage du cortège.
Au cimetière, le général Rollet fait l’appel des morts, l’absoute est donnée par le clergé catholique de la ville et une prière est prononcée par le pasteur protestant. Le colonel Nicolas prononce un discours, dont le texte a été malheureusement perdu (Je suis preneur) . Les légionnaires alignent les cercueils dans une longue tranchée. L’absence du gouverneur général Carde, représenté par un sous-ordre, conseiller du gouverneur général, ne passe pas inaperçue et fait l’objet d’un article dans un hebdomadaire qui n’a pas la réputation de ménager les autorités. Le journaliste y explique que monsieur Carde était « empêché », alors que la veille, au début de sa visite sur les lieux de la catastrophe « rien ne faisait prévoir son abstention du lendemain, du moins jusqu’au moment où il eut avec le général Rollet, inspecteur de la Légion étrangère, une discussion assez vive... ».
Le 18 sept., le Journal des Débats, quotidien parisien impartial et toujours très bien informé, publie les premières conclusions de l’enquête administrative que mène la compagnie du « Paris Lyon Méditerranée » (PLM), parallèlement à celle que conduit le juge d’instruction de Tlemcen. Cette enquête a un caractère essentiellement technique et consiste simplement en un exposé des constatations faites sur les lieux du déraillement, complété par des hypothèses sur les événements qui ont pu se produire lorsque le train est entré dans la zone des travaux de reconditionnement de la voie.
Les conclusions définitives des deux enquêtes feront l’objet de rapports auxquels aucune publicité ne sera donnée. Deux ans plus tard, en 1934, pour l’inauguration du monument à la mémoire des victimes de la catastrophe, le général Rollet demande au ministère de la guerre, qu’il soit fait état, dans les discours qui seront prononcés, des renseignements fournis par le ministre de l’intérieur sur les origines du drame. La réponse qu’il reçoit signifie sans ambages que le ministre estime inopportun de soulever cette question. Il lui est même précisé « qu’il appartient aux seules autorités judiciaires et administratives de suivre cette affaire et de définir les causes ainsi que les responsabilités de l’accident. Les autorités militaires doivent se borner, lors de l’inauguration du monument, à rendre aux victimes l’hommage qui leur est dû... ».
Le monument, élevé à proximité de la voie ferrée, sur les lieux mêmes de l’accident, est inauguré le 23 sept. 1934. Assistent à cette cérémonie le sous-préfet de Tlemcen, représentant à la fois le gouverneur général et le préfet d’Oran, le colonel Azan, commandant le 1er REI, représentant le général commandant le 19e CA, le maire de Sidi bel-Abbès et madame Rollet à laquelle un hommage est rendu pour le dévouement dont elle fit preuve vis-à-vis des blessés hospitalisés à Tlemcen. Le général Rollet n’assiste pas à cette inauguration, car à cette date, il participe aux manœuvres de la division d’Oran au nord de Colomb Béchar, avec les deux régiments de la 4e brigade d’infanterie.
Les derniers remous provoqués par la catastrophe de Turenne sont relatifs aux indemnités et pensions attribuées aux invalides dont l’incapacité résulte des blessures subies durant l’accident. La compagnie du PLM n’ayant pas été déclarée responsable de l’accident par jugement du tribunal correctionnel de Tlemcen, la ligue de défense contre les chemins de fer demande au général Rollet de lui préciser si les pensions d’invalidité accordées aux blessés sont à la charge du gouvernement général de l’Algérie ou de l’Etat. La ligue de défense ne précise pas, dans sa lettre, les motifs de cette demande, disant seulement que celle-ci « présente une très réelle importance ». N’ignorant rien des conséquences défavorables vis-à-vis des intérêts des pensionnés que sa réponse pourrait déclencher, le général demande conseil au secrétaire du gouvernement général de l’Algérie. Ce dernier, ne saisissant pas le but de la demande, met en garde le général contre l’utilisation qui pourrait être faite des informations diffusées. Il suggère donc, dans l’intérêt des victimes, de répondre qu’il n’est pas en mesure de fournir les renseignements demandés. Il ne semble pas que le général ait été ultérieurement impliqué par la ligue de défense contre les chemins de fer dans cette délicate question du versement des indemnités et pensions à l’encontre des victimes de la catastrophe. Aucun document concernant ce sujet ne figure dans ses archives.

Version du 28 novembre 2005 à 14:36

TURENNE (Catastrophe de), : Le 14 sept, 1932 à 7 h. 15, un train spécial de la compagnie PLM, transportant un détachement de 27 officiers et 479 légionnaires commandés par deux lieutenants, quitte la gare de Sidi bel-Abbès à destination d’Oujda pour rejoindre les trois régiments étrangers d’infanterie du Maroc. Le train est composé d’une locomotive à vapeur et de vingt-neuf wagons d’un tonnage de 329 tonnes. Après un arrêt en gare de Tlemcen, le train aborde la section la plus tourmentée de la ligne « Oran Sainte-Barbe du Thélat Oujda ». Avant la gare de Turenne, la voie qui suit la vallée de l’Ourit, comporte une série de courbes serrées et emprunte plusieurs tunnels, suit des tranchées et traverse à plusieurs reprises le cours de l’oued sur des ponts en maçonnerie. Eloigné de la gare de Turenne que de 4,5 km, le train aborde une section de voie en cours de renouvellement, dégarnie de son ballast et dont quelques de traverses sont décalées. Le mécanicien du train, réduit sa vitesse à 30 km/h avant d’aborder la zone des travaux. À 14 h. 53, c’est le drame.

La locomotive et son tender déraillent, se couchent sur le flanc et glissent dans le ravin entraînant derrière eux vingt-huit des vingt-neuf wagons du convoi. Seul le fourgon de queue, dont un essieu a déraillé, reste en équilibre instable sur la plate-forme qui supporte la voie. Dans leur glissade, d’une vingtaine de mètres à flanc du ravin, les voitures de voyageurs et les wagons de marchandises s’entrechoquent. Leurs structures, entièrement en bois, éclatent en projetant dans toutes les directions des éclats qui frappent une partie des légionnaires qui n’ont pas été broyés dans la chute des voitures. Le convoyeur du train rescapé, qui se trouve dans le fourgon de queue, envoie un berger, présent à proximité du lieu du drame, avertir la gendarmerie de Turenne de l’accident.

Les autorités alertées, la compagnie du PLM organise un train qui emporte tout le matériel de secours dont disposent les établissements de la ville. Deux médecins embarquent également ainsi qu’une équipe de quinze sauveteurs qu’accompagne le général Rollet. De son côté, la gare de Sidi bel-Abbès envoie par un autre train de secours un wagon-grue, une équipe médicale constituée du chirurgien, chef du secteur de secours de la compagnie du PLM à Sidi bel-Abbès et deux infirmiers munis du matériel médical nécessaire. Une équipe de spécialistes du dépôt de machines de la compagnie embarque également. Les chemins de fer du Maroc mettent à la disposition du PLM les moyens de secours disponibles en gare d’Oujda. Sur place, sans attendre l’arrivée des secours, les légionnaires, sortis indemnes ou légèrement blessés par l’accident, s’efforcent de dégager les blessés pris dans l’amas des voitures détruites. Ils sont très rapidement aidés par des Européens et des Algériens venus de Turenne.

Le travail est périlleux car les wagons ne sont pas tous tombés au fond du ravin, restant en équilibre instable, menaçant de continuer leur glissade. Le train de secours parti de Tlemcen arrive sur les lieux à 17 h. 40. Le général Rollet prend la direction des secours pendant que les médecins font le tri des blessés et administrent les soins d’urgence, tout en préparant l’évacuation des plus atteints qui sont en état de supporter un voyage dans le train de secours. À 1 h 15, le chirurgien de la compagnie est en mesure de communiquer son premier bilan : 194 légionnaires sont blessés, dont 20 sont amputés sur place par les trois équipes médicales, 15 légionnaires et 5 cheminots sont morts et un nombre indéterminé de victimes sont disparues. Les dernières victimes de la catastrophe ne sont dégagées qu’à la fin de la journée du 17 sept., alors que la voie est entièrement rétablie dès le 15, dans l’après-midi. Le bilan final est très lourd : 56 légionnaires et 5 cheminots sont morts, 217 légionnaires et 3 cheminots sont blessés plus ou moins grièvement et 255 légionnaires sont rescapés.

Le train de secours repart en direction de Tlemcen avec quatre-vingts blessés, auxquels il y a lieu d’ajouter les corps de dix-sept légionnaires décédés et d’un employé convoyeur du PLM. L’arrivée de plus de deux cents blessés, dont certains dans un état grave, à l’hôpital militaire de Tlemcen, submerge le personnel hospitalier qui ne compte que neuf infirmiers lesquels, de l’aveu même du médecin colonel Comte, directeur du service de santé de la division d’Oran, « ne sont pas tous des techniciens hors ligne... ». De plus, l’officier gestionnaire de l’hôpital est en permission. L’adjudant et un civil qui assurent le service des entrées sont débordés et ne peuvent réunir tous les renseignements réglementaires qui doivent figurer sur le registre des entrées, ce qui rend impossible l’établissement immédiat du bilan de la catastrophe. Les deux médecins de l’hôpital, aidés d’un sous-lieutenant dentiste, après avoir trié les blessés, procèdent en urgence à la réduction des fractures dont souffrent les blessés et font des plâtres avec l’aide de tous les infirmiers. Quant aux blessés ne nécessitant pas de soins urgents, ils sont installés dans les locaux vacants de l’hôpital. Ces locaux, rarement occupés, ne sont pas toujours d’une propreté impeccable et surtout, faute de personnel, ne peuvent être immédiatement nettoyés.

L’enquête à laquelle fait procéder par son subordonné d’Oran le directeur de service de santé d’Alger, donne lieu à un rapport. Une copie de ce document est adressée à l’Inspection de la Légion étrangère. Il se termine par : « l’hôpital de Tlemcen est le moins bien tenu de la division, quoique à l’heure actuelle, des progrès très sérieux aient été accomplis... ».

Le train transportant les cercueils quittent la gare de Tlemcen le 17 sept., après que les honneurs soient rendus aux défunts par un détachement des régiments et services de la subdivision : 6e régiment de tirailleurs algériens, 2e régiment de spahis algériens, 66e régiment d’artillerie, services de santé et du génie, ainsi qu’un détachement de la gendarmerie. Au départ du train, la fanfare du 2e Spahis et la clique du 6e Tirailleurs sonnent « au champ ». À bord du train ont pris place, outre les rescapés de la catastrophe, les officiers et les sous-officiers de la garnison de Tlemcen désireux d’assister aux obsèques. En gare de Sidi-bel-Abbès, les cercueils sont placés sur le plateau des camions qui, entourés d’un cordon de légionnaires, l’arme au bras, transportent les corps jusqu’au cimetière. Le deuil est conduit par les rescapés qui, conformément à l’ordre du colonel Nicolas, portent la tenue qu’ils avaient au moment du déraillement. Une foule énorme, évaluée par certains journalistes, à près de 50.000 personnes, forme la haie au passage du cortège.

Au cimetière, le général Rollet fait l’appel des morts, l’absoute est donnée par le clergé catholique de la ville et une prière est prononcée par le pasteur protestant. Le colonel Nicolas prononce un discours, dont le texte a été malheureusement perdu (Je suis preneur) . Les légionnaires alignent les cercueils dans une longue tranchée. L’absence du gouverneur général Carde, représenté par un sous-ordre, conseiller du gouverneur général, ne passe pas inaperçue et fait l’objet d’un article dans un hebdomadaire qui n’a pas la réputation de ménager les autorités. Le journaliste y explique que monsieur Carde était « empêché », alors que la veille, au début de sa visite sur les lieux de la catastrophe « rien ne faisait prévoir son abstention du lendemain, du moins jusqu’au moment où il eut avec le général Rollet, inspecteur de la Légion étrangère, une discussion assez vive... ».

Le 18 sept., le Journal des Débats, quotidien parisien impartial et toujours très bien informé, publie les premières conclusions de l’enquête administrative que mène la compagnie du « Paris Lyon Méditerranée » (PLM), parallèlement à celle que conduit le juge d’instruction de Tlemcen. Cette enquête a un caractère essentiellement technique et consiste simplement en un exposé des constatations faites sur les lieux du déraillement, complété par des hypothèses sur les événements qui ont pu se produire lorsque le train est entré dans la zone des travaux de reconditionnement de la voie.

Les conclusions définitives des deux enquêtes feront l’objet de rapports auxquels aucune publicité ne sera donnée. Deux ans plus tard, en 1934, pour l’inauguration du monument à la mémoire des victimes de la catastrophe, le général Rollet demande au ministère de la guerre, qu’il soit fait état, dans les discours qui seront prononcés, des renseignements fournis par le ministre de l’intérieur sur les origines du drame. La réponse qu’il reçoit signifie sans ambages que le ministre estime inopportun de soulever cette question. Il lui est même précisé « qu’il appartient aux seules autorités judiciaires et administratives de suivre cette affaire et de définir les causes ainsi que les responsabilités de l’accident. Les autorités militaires doivent se borner, lors de l’inauguration du monument, à rendre aux victimes l’hommage qui leur est dû... ».

Le monument, élevé à proximité de la voie ferrée, sur les lieux mêmes de l’accident, est inauguré le 23 sept. 1934. Assistent à cette cérémonie le sous-préfet de Tlemcen, représentant à la fois le gouverneur général et le préfet d’Oran, le colonel Azan, commandant le 1er REI, représentant le général commandant le 19e CA, le maire de Sidi bel-Abbès et madame Rollet à laquelle un hommage est rendu pour le dévouement dont elle fit preuve vis-à-vis des blessés hospitalisés à Tlemcen. Le général Rollet n’assiste pas à cette inauguration, car à cette date, il participe aux manœuvres de la division d’Oran au nord de Colomb Béchar, avec les deux régiments de la 4e brigade d’infanterie.

Les derniers remous provoqués par la catastrophe de Turenne sont relatifs aux indemnités et pensions attribuées aux invalides dont l’incapacité résulte des blessures subies durant l’accident. La compagnie du PLM n’ayant pas été déclarée responsable de l’accident par jugement du tribunal correctionnel de Tlemcen, la ligue de défense contre les chemins de fer demande au général Rollet de lui préciser si les pensions d’invalidité accordées aux blessés sont à la charge du gouvernement général de l’Algérie ou de l’Etat. La ligue de défense ne précise pas, dans sa lettre, les motifs de cette demande, disant seulement que celle-ci « présente une très réelle importance ». N’ignorant rien des conséquences défavorables vis-à-vis des intérêts des pensionnés que sa réponse pourrait déclencher, le général demande conseil au secrétaire du gouvernement général de l’Algérie. Ce dernier, ne saisissant pas le but de la demande, met en garde le général contre l’utilisation qui pourrait être faite des informations diffusées. Il suggère donc, dans l’intérêt des victimes, de répondre qu’il n’est pas en mesure de fournir les renseignements demandés. Il ne semble pas que le général ait été ultérieurement impliqué par la ligue de défense contre les chemins de fer dans cette délicate question du versement des indemnités et pensions à l’encontre des victimes de la catastrophe. Aucun document concernant ce sujet ne figure dans ses archives.