Etat APRES Birtouta - Ville

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Birtouta Nom actuel : ?

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À une vingtaine de kilomètres d’Alger, Birtouta lutte contre l’abandon.

Les mûriers perdus

On dit que Birtouta doit son nom à ses mûriers et à ses puits abondants qui, autrefois, faisaient sa réputation. Le village a forcément changé depuis les premières concessions offertes aux colons français, Olivier et Cochet, « premiers », d’après l’Encyclopédie Pieds-noirs à s’être installés sur ces terres arrachées à la patrie de la fertilité.

Autrefois, c’était le cas, diront certains, car depuis une décennie rien ne pousse mis à part les pavillons et villas, très souvent négligés en ce qui concerne la finition. Même les mûriers ne sont plus une figure du paysage, regrette M. Djerridi, natif du patelin. Ce qui n’était jadis qu’un blockhaus, pour routiers et diligences venant d’Alger ou de Blida, compte actuellement plus de 35 000 âmes. Une population « nouvelle » et hétérogène formée par les vagues de l’exode rural provenant du Titteri et de Aïn Defla, dans les années 1980, des « déplacés » à cause du terrorisme et des sinistrés des catastrophes naturelles comme les inondations de Bab El Oued, recasés dans des cités du centre-ville. Il est de ceux-là, le vieux Mesbahi Ahmed qui avait perdu sa maison à Bab El Oued en novembre 2001. Ancien employé de la régie foncière d’Alger, l’octogénaire n’arrive visiblement pas à se faire à sa nouvelle vie, dans sa nouvelle cité des 114 Logements, construite en parallèle à l’avenue Chahid Ali Bouhadja, où se concentre pratiquement toute la vie des habitants de Birtouta. Tantôt bénissant le ciel pour le toit que l’Etat lui a attribué ainsi qu’à ses huit fils après le déluge, tantôt, maudissant ce « coin perdu », le « Bir Mouta » (le puits des morts), c’est ainsi que Mesbahi qualifie cet endroit en tout point incomparable, où il perdra sa femme et ses repères cultivés des années durant dans son Bab El Oued natal. Là où il est, il se dit être à mi-chemin de la « faim » et la « satiété ». Il parlera pour ses fils, contraints quotidiennement à replonger dans le mythique quartier de la capitale pour « gagner leur croûte ». Des aller-retour, trop chers et épuisants, vu l’éloignement (23 km d’Alger). Le chômage, la cherté de la vie, le désœuvrement s’imposent d’après ammi Ahmed, en mal suprême dans cette région. Ses nouveaux amis, assis à même le trottoir, à côté de lui, acquiescent de la tête. Eux aussi se disent « déracinés » et racontent avec nostalgie leurs anciens quartiers. Tout a changé en cette contrée, fait remarquer le patriarche. « Je me souviens, dit-il, quand jeunes, nous venions à vélo visiter les champs de dalias (vignes), maintenant tout a disparu. » Le bourg a grandi en long et en large et son développement se fait inexorablement au détriment des terres cultivables. De nouveaux lotissements voient le jour sur ce que furent avant des domaines autogérés et bousculent les anciens quartiers du douar Adouch et le centre Ali Bouhadja. Boualem, originaire du vieux quartier de Belcourt, s’est découvert une nouvelle passion à Birtouta, transformé jusqu’à épuisement des réserves en paradis foncier. Les agences immobilières, les coopératives pullulent en ces espaces autrefois dédiés aux diverses cultures maraîchères et à l’arboriculture. Pensant que nous étions des clients en prospection de sites, il nous fera une offre qu’il dit « intéressante » ; un terrain de 280 m2 pour 10 millions de dinars et avec « acte », ajoute-t-il. Le mètre carré, du fait du rush des prétendants et de la spéculation, a atteint, d’après le « semsar », les 30 000 DA. Les fermes EAC et EAI sont aussi mises sur le marché par les exploitants. Le désistement qui donne droit de jouissance pour 99 ans comme partout ailleurs se pratique ici au nez et à la barbe des autorités. Boualem nous proposera un terrain de 150 m2 pour 3,6 millions de dinars. « Les prix augmentent en fonction de la disponibilité de l’eau, certains disposent de puits ou de forages alors que d’autres non », nous explique-t-on. C’est ainsi, en tout cas, que des centaines d’hectares de la vaste Mitidja ont été englouties ces dernières années et l’hémorragie ne semble pas s’estomper, pas plus que les discours creux des politiques sur la protection du domaine agricole.

La terre et le sou

Pour ses terres, Birtouta, à l’instar de la plupart des communes périphériques, a été rattachée au milieu des années 1980 à la capitale. Elle sera aux autorités d’Alger la planche de salut, car plus que jamais, elle éprouvera le besoin de poches foncières, d’espaces vierges. Un intérêt dont témoignent les programmes de construction de logements lancés sur dans la commune. Trois mille logements seront ainsi construits par Cosider et autant par une entreprise chinoise sans que de nouveaux équipements publics y soient intégrés pour prendre en charge les besoins sanitaires et scolaires des futurs Birtoutis. Les retards dans la livraison des quelques équipements dont a bénéficié la commune n’étonnent plus personne. Il en est ainsi du « nouveau » siège de la daïra qui n’a toujours pas été livré, après plus de dix ans de travaux. Achevé presque complètement, une décision d’en « haut » viendra remettre en cause la solidité de la construction, « pas conforme aux normes » en vigueur. Une sacrée aubaine pour les entrepreneurs – rattrappeurs de bourdes – qui se sont vu réattribuer le marché de la reconstruction du bâtiment, sis non loin de l’oued Terro, un égout à ciel ouvert. Le retard affecte également la livraison du marché de proximité, attendu en vain et depuis des lustres par la population, lassée de l’anarchie qui prévaut au marché informel, dit Souk El Fellah. Ce dernier, après sa liquidation, a été transformé en SARL par des employés des ex-Galeries algériennes, avant qu’ils n’engagent un bras de fer avec le gérant accusé d’avoir vendu à des tiers des parts de l’établissement. L’esplanade du Souk a été, suite au contentieux, transformée en marché informel dont les principaux activants ne sont autres que les ex-employés des Galeries. Le nouveau marché, situé à quelques encablures de là et mitoyen des tours AADL et du nouveau collège, encore en chantier, est édifiant en petitesse. Long de 64 m et large d’à peine 23 m, l’espace devrait caser les centaines de marchands informels que compte la commune. Le chef du chantier justifie le retard dans la livraison par l’arrêt des travaux pour cause de non notification de l’attribution du marché à l’entreprise de réalisation. En guise de marché livrable après 10 jours, les habitants de Birtouta auront droit à une clôture en parpaings et des carreaux séparés. Autrefois passage obligé de la ville, la gare de Birtouta a visiblement perdu de son intérêt auprès de la population. Les trains ne sifflent que toutes les deux heures. Assez pour décourager les amoureux du « cheval de fer ». Les retards et l’éloignement du centre-ville (la gare ferroviaire est à environ 1,7 km) aidant ont fait que les voyageurs par train ne dépassent pas quotidiennement les 300 personnes, on se rabat sur d’autres moyens de transport. Le chef de gare espère toutefois un retour de la clientèle après la mise en service des trains électriques annoncés pour fin 2008. Autour de la gare, s’étendent jusqu’à Baba Ali les anciens domaines des colons, où l’arbre fruitier se dresse en dieu incontesté. Pas seulement. L’élevage a supplanté largement les traditionnelles cultures. Le directeur de l’Institut des techniques d’élevage, sis sur la route de Baba Ali, M. Yakoub, est catégorique : « Le nombre d’élevage dans la région a connu une forte croissance. » L’élevage de bovins surtout. L’établissement qu’il dirige n’offre cependant pas d’aides matérielles ou financières, explique-il. « Notre mission est d’apporter un appui technique aux éleveurs, en les formant surtout aux nouvelles méthodes. » Son visa est aussi important pour les candidats à l’aide de l’Etat. « Ceux qui souhaitent obtenir des crédits pour investir dans l’élevage doivent être formés par l’institut. » La patience du docteur a vite fait d’atteindre ses limites, car dès que nous avons essayé ingénument de lui fausser compagnie pour nous rendre vers les hangars qui, nous dit-on, devaient accueillir les nouveaux abattoirs d’Alger, il s’opposera net à cette visite « non autorisée » par sa tutelle et ordonnera à l’agent qui nous servait de guide de nous « éconduire ». Sans trop s’encombrer de formules polies : « Foutez-les dehors ! », ordonnera le Docteur ès élevage.

Chômage et désindustrialisation

Pôle important de l’industrie au niveau de la région algéroise, l’unité Gipec de transformation de papier produisait plus de 18 000 t de papier par an. Le fleuron local n’est plus qu’un lointain souvenir. Un cauchemar surtout pour près d’un millier de travailleurs qui se sont vus licenciés (970 permanents plus les stagiaires et contractuels). Le groupe Tonic emballage a récupéré une partie des effectifs mis au chômage par la faute d’une gestion défaillante et hasardeuse. Le manque de la matière première est l’une des raisons mises en avant par les responsables pour justifier la liquidation de l’entreprise. « A l’époque où Boumediène était président, il réquisitionnait les camions de l’armée et des effectifs militaires pour acheminer l’alfa vers l’usine », se souvient un ancien employé. Elle est manifestement révolue l’époque où le patriotisme économique avait un sens. La parenthèse Gipec n’est pour autant pas fermée. En plus des conséquences néfastes sur le plan social et économique, la mise à l’arrêt de celle-ci enfantera une catastrophe écologique. C’est toute la nappe phréatique de la région de la Mitidja qui est contaminée par le sel utilisé par l’ex-Solvay, unité d’électrolyse, de production de produits chlorés : Javel, soude, chlore, etc. La contamination, selon un ancien chimiste à Gipec, proviendrait des fuites du stock de sel, dont la quantité avoisine les 5 000 tonnes entreposées sans précaution de sécurité dans des fosses de 5 mètres de profondeur creusées dans le sol. D’autres entreprises installées dans la zone industrielle avaient aussi marqué la région par des réductions drastiques des effectifs. C’est le cas de l’ONAB, entreprise spécialisée dans la production d’aliments de bétail, et de la SNLB, unité de production de cabines sahariennes. Difficile d’échapper au chômage quand on a vingt ans à Birtouta. Les places sont trop chères, les vies en sont forcément moins.

Aziri M.

El Watan Édition du 17 décembre 2006

http://www.elwatan.com/spip.php?page=article&id_article=56386