« Etat AVANT Alger - Ville » : différence entre les versions

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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''Nous demanderons une vue d'Alger au moment de l'entrée des troupes françaises en 1830, à M. d'Ault Dumesnil, alors officier d'ordonnance du général de Bourmont:''
La ville d'Alger est bâtie en amphithéâtre sur un rocher dont l'inclinaison est tournée vers l'Est. L'enceinte de cette étrange cité, telle que nous la trouvâmes, avait la figure d'un triangle, dont la base, formant une ligne brisée tracée par le rivage, présentait le côté le plus étendu. Les deux autres côtés montaient jusqu'à la Casbah, située au sommet du triangle. Un mur à l'antique, avec des tours de distance en distance et avec un espèce de fossé du côté Sud et un ravin profond du côté Nord, fermait cette enceinte. La ville offrait l'aspect d'une masse de maisons, recouvertes d'un enduit d'une blancheur éblouissante, que sillonnaient des ruelles étroites et tortueuses, où deux mulets ne pouvaient se croiser qu'au moyen des retraites qu'on avait pratiquées çà et là.
L'usage des voitures était entièrement inconnu dans la ville et dans tout le pays. Des marches, construites en pierres, étaient espacées de six pieds en six pieds dans la plupart de ces ruelles, pour en faciliter la descente, qui serpentait sur un plan très incliné. L'extérieur des maisons ne présentait que des murailles élevées, sans autres ouvertures que quelques petits soupiraux rectangulaires pratiqués dans leurs parties supérieures ; mais l'intérieur, dont une petite porte basse fermait l'entrée, avait parfois toute l'élégance de l'architecture mauresque, avec son luxe de colonnes en marbre.
"Dans les Etats despotiques, chaque maison est un empire séparé", a dit Montesquieu. La vue d'Alger suffirait pour constater la vérité de cette observation de l'auteur de l'Esprit des lois. Il y avait des citernes et des fontaines dans les maisons et dans les rues de la ville. On n'y apercevait aucun monument; les nombreuses mosquées qu'elle possédait n'étaient pas dignes de ce nom.
La petite île, sur laquelle étaient établies les batteries qui rendaient Alger formidable du côté de la mer, était rattachée à la terre par un môle. C'était cette île qui, avec le môle muni de batteries casematées, enfermait le port ou la darse.
La ville avait cinq portes: deux Ouvraient sur le côté de l'enceinte triangulaire régnant le long de la mer; deux autres se trouvaient aux extrémités inférieures des deux autres côtés de l'enceinte, l'une appelée Bab-Azoun, c'est-à-dire d'Azoun, au bas du côté Sud, et l'autre dite Bab-El-Oued, c'est-à-dire porte du ruisseau, au bas du Côté Nord. La cinquième, nommée Porte-Neuve, se trouvait à environ cent vingt mètres au-dessous de la Casbah, sur le même côté de l'enceinte que la porte Bab-Azoun.
Hors des deux portes Bab-el-Oued et Bab-Azoun, étaient deux faubourgs dits faubourg de Bab-el-Oued et faubourg de BabAzoun.
Hors de ces deux portes, la ville était aussi flanquée de deux forts, élevés sur les bords de la mer. L'un, appelé Fort-Neuf, était voisin de la porte Bab-el-Oued et armé de trente-six bouches à feu; l'autre, situé à trois cents mètres de la porte Bab-Azoun et appelé fort Bab-Azoun, était armé de quarante-huit bouches à feu.
''Nous ajoutons a cette citation, une description humoristique d'Alger.''
Figurez-vous Paris englouti dans la Seine
Et Montmartre debout, seul dominant la scène
La pleine mer sera vers le quartier latin
D'où viendront les vaisseaux dans le quartier d'Antin
Mouiller au bord du quai qui sera Saint-Lazare;
Passez au lait de chaux ce Montmartre bizarre,
En triangle étendant sa base dans, la mer
Et dont le sommet fuit sur le ciel outremer.
Enveloppez le tout d'une vapeur ignée,
Et vous aurez Alger, la ville calcinée,
Atone de plâtre blanc échelonnant le sol,
Sans un arbre dont l'ombre y fasse parasol;
Vrai fouillis de maisons, sans art, mais non sans grâces,
Entre elles faisant corps et toutes en terrasses
Si bien qu'on peut aller, aéronaute à pié,
L'un chez l'autre, le soir, fumer le latakié
Et puis, quand le sommeil a pris la ville entière,
Faire, ainsi que les chats, l'amour sur la gouttière.
(Première Algérienne, par M. A. de Chancel, 1844).
''Source: Edouard Dalles - Guide géographique, historique et pittoresque 1876''

Version du 25 septembre 2005 à 10:08

Alger

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ALGERIE

Alger
Historique | Etat des lieux à l'arrivée des Européens | Etat des lieux à l'Indépendance
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Nous demanderons une vue d'Alger au moment de l'entrée des troupes françaises en 1830, à M. d'Ault Dumesnil, alors officier d'ordonnance du général de Bourmont:


La ville d'Alger est bâtie en amphithéâtre sur un rocher dont l'inclinaison est tournée vers l'Est. L'enceinte de cette étrange cité, telle que nous la trouvâmes, avait la figure d'un triangle, dont la base, formant une ligne brisée tracée par le rivage, présentait le côté le plus étendu. Les deux autres côtés montaient jusqu'à la Casbah, située au sommet du triangle. Un mur à l'antique, avec des tours de distance en distance et avec un espèce de fossé du côté Sud et un ravin profond du côté Nord, fermait cette enceinte. La ville offrait l'aspect d'une masse de maisons, recouvertes d'un enduit d'une blancheur éblouissante, que sillonnaient des ruelles étroites et tortueuses, où deux mulets ne pouvaient se croiser qu'au moyen des retraites qu'on avait pratiquées çà et là.

L'usage des voitures était entièrement inconnu dans la ville et dans tout le pays. Des marches, construites en pierres, étaient espacées de six pieds en six pieds dans la plupart de ces ruelles, pour en faciliter la descente, qui serpentait sur un plan très incliné. L'extérieur des maisons ne présentait que des murailles élevées, sans autres ouvertures que quelques petits soupiraux rectangulaires pratiqués dans leurs parties supérieures ; mais l'intérieur, dont une petite porte basse fermait l'entrée, avait parfois toute l'élégance de l'architecture mauresque, avec son luxe de colonnes en marbre.

"Dans les Etats despotiques, chaque maison est un empire séparé", a dit Montesquieu. La vue d'Alger suffirait pour constater la vérité de cette observation de l'auteur de l'Esprit des lois. Il y avait des citernes et des fontaines dans les maisons et dans les rues de la ville. On n'y apercevait aucun monument; les nombreuses mosquées qu'elle possédait n'étaient pas dignes de ce nom.

La petite île, sur laquelle étaient établies les batteries qui rendaient Alger formidable du côté de la mer, était rattachée à la terre par un môle. C'était cette île qui, avec le môle muni de batteries casematées, enfermait le port ou la darse.

La ville avait cinq portes: deux Ouvraient sur le côté de l'enceinte triangulaire régnant le long de la mer; deux autres se trouvaient aux extrémités inférieures des deux autres côtés de l'enceinte, l'une appelée Bab-Azoun, c'est-à-dire d'Azoun, au bas du côté Sud, et l'autre dite Bab-El-Oued, c'est-à-dire porte du ruisseau, au bas du Côté Nord. La cinquième, nommée Porte-Neuve, se trouvait à environ cent vingt mètres au-dessous de la Casbah, sur le même côté de l'enceinte que la porte Bab-Azoun. Hors des deux portes Bab-el-Oued et Bab-Azoun, étaient deux faubourgs dits faubourg de Bab-el-Oued et faubourg de BabAzoun.

Hors de ces deux portes, la ville était aussi flanquée de deux forts, élevés sur les bords de la mer. L'un, appelé Fort-Neuf, était voisin de la porte Bab-el-Oued et armé de trente-six bouches à feu; l'autre, situé à trois cents mètres de la porte Bab-Azoun et appelé fort Bab-Azoun, était armé de quarante-huit bouches à feu.


Nous ajoutons a cette citation, une description humoristique d'Alger.


Figurez-vous Paris englouti dans la Seine

Et Montmartre debout, seul dominant la scène

La pleine mer sera vers le quartier latin

D'où viendront les vaisseaux dans le quartier d'Antin

Mouiller au bord du quai qui sera Saint-Lazare;

Passez au lait de chaux ce Montmartre bizarre,

En triangle étendant sa base dans, la mer

Et dont le sommet fuit sur le ciel outremer.

Enveloppez le tout d'une vapeur ignée,

Et vous aurez Alger, la ville calcinée,

Atone de plâtre blanc échelonnant le sol,

Sans un arbre dont l'ombre y fasse parasol;

Vrai fouillis de maisons, sans art, mais non sans grâces,

Entre elles faisant corps et toutes en terrasses

Si bien qu'on peut aller, aéronaute à pié,

L'un chez l'autre, le soir, fumer le latakié

Et puis, quand le sommeil a pris la ville entière,

Faire, ainsi que les chats, l'amour sur la gouttière.


(Première Algérienne, par M. A. de Chancel, 1844).


Source: Edouard Dalles - Guide géographique, historique et pittoresque 1876