Histoires Oran - Ville
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Le tremblement de terre d'octobre 1790
Extraits du rapport du comte de Cumbre-Hermosa au roi d'Espagne Charles IV.
« Dans la nuit du 8 au 9 octobre dernier, à une heure et quelques minutes, alors que le sommeil exerce le plus grand empire sur la nature humaine, Dieu fit peser sur nous le glaive de sa justice, menaçant de nous exterminer tous dans les convulsions d'un tremblement de terre si profond qu'en moins de trois minutes il ruina la majeure partie des édifices et ébranla le reste de fond en comble.
....Le peuple réclamait à grands cris qu'on lui ouvrît les portes de la ville afin de se réfugier dans la campagne et se soustraire ainsi à la chute des édifices, partout ébranlés. C'était en effet, pour nous, un sujet de terreur que ces murailles encore debout, quoique chancelantes sur leurs bases qui, à la moindre commotion du sol, oscillaient d'une manière effrayante. On demandait toujours les clefs de la ville mais, avec une partie de la maison du gouverneur, elles étaient enterrées sous les ruines de l'église métropolitaine.
...Les premières lueurs du jour nous surprirent dans cet état d'anxiété; à la faveur de la lumière on entreprit des fouilles laborieuses et nous acquîmes la certitude que le Gouverneur Général (Don Nicolas Garcia) et toute sa famille avaient péri.
.....Car encore que nous eussions de la farine, nous étions sans tamis, sans pétrin et sans four pour la cuisson du pain... On appliqua , dans la matinée même, tous les ouvriers qu'on pût réunir, à la construction de fours de plein air, lesquels commencèrent à fonctionner immédiatement. »
L'ennemi profite de l'occasion, et des brèches des murailles, pour attaquer la ville, mais il est repoussé.
« Mais je laisse Votre Majesté juge de l'héroïsme de cette conduite, si Elle veut bien tenir compte de l'impression sous laquelle combattaient ces hommes; si Elle daigne considérer que les tremblements de terre durent toujours, quelques-uns si profonds encore qu'ils nous rappellent les malheurs dont les premiers nous ont rendu témoins; si Elle songe, enfin, qu'en recouvrant une plus grande liberté d'esprit, chacun de nous devra, à la vue des vides laissés autour de lui, regretter plus amèrement, le père son fils, le fils son père, le mari sa femme, la veuve son mari, tous enfin des parents, des amis ; et un grand nombre, le fruit des sueurs de toute leur vie ; car ceux-ci ont vu leur fortune s'écrouler avec les maisons qui étaient leur ouvrage, ou s'ensevelir sous les ruines ; ou leurs bijoux, leurs vêtements ; souvenirs qui, toujours présents à leurs yeux, les plongent dans un abattement capable d'abréger leur vie.
...Tel est , Sire, l'état dans lequel nous nous trouvons, abrités sous nos tentes de campagne, aujourd'hui 2 novembre 1790.
Comte de Cumbre-Hermosa » (Original à l'Archive de la Réal Audencia de Valencia n° 20.137)
Deux ans plus tard, les espagnols évacueront les restes de leur cité oranaise.
Epidémie de choléra: octobre et novembre 1849
Récits sur l'épidémie
Dès les premiers décès, les autorités civiles et militaires prirent les mesures imposées, et firent publier les recommandations de salubrité et d'hygiène relatives aux habitations, vêtements, aliments, etc.
Mais, le 14 octobre 1849, l'épidémie n'en éclate pas moins de manière foudroyante dans divers lieux de la ville.
Voici le récit qu'en fit Mgr.Mathieu, archiprêtre de la cathédrale d'Oran.
« Frappant à coups redoublés, ne respectant ni le sexe ni l'âge, n'ayant égard ni à la naissance ni à la fortune, la mort emportait des familles entières... Les prolonges mises par le général Pélissier à la disposition de la municipalité passaient et repassaient dans toutes les rues, emportant à la hâte leur funèbre fardeau. Au fond du ravin Ras-el-Aïn on creusa de nouveaux cimetières aussitôt insuffisants. Les fossoyeurs, impuissants à remplir leur lugubre besogne, avaient été remplacés par des condamnés fournis par l'autorité militaire ; ils creusaient de vastes tranchées dans lesquelles on déposait, comme en une immense fosse commune, ceux que frappait l'épidémie. Du 11 octobre au 17 novembre 1849, mil huit cent dix-sept décès ont été déclarés à l'état-civil d'Oran ».
Le même Mgr Mathieu rapporte cette lettre adressée par l'aumônier de l'hôpital militaire, le Père Picazo à son supérieur le Révérend Morey.
« La mort enlevant, les uns après les autres, tous les médecins, les deux tiers des infirmiers, 79 sur 110, une bonne partie des officiers d'administration et une multitude innombrable de victimes, votre serviteur, qui a aujourd'hui l'honneur de vous le raconter, fut obligé de remplir alternativement, et nombre de fois en même temps, les illustres fonctions de directeur de l'hôpital, d'officier de garde, de médecin en chef, d'infirmier-major ou de service, d'ensevelisseur, etc. Le 24 octobre au soir, pour la première fois je me couchais sur trois chaises afin de me reposer un peu... Je me trompe : la veille, à deux heures du matin, n'en pouvant plus, je fus me coucher tout habillé dans le lit d'un malheureux qui venait de mourir; mais il me fallut acheter cet avantage en portant moi-même, à l'amphithéâtre, le pauvre mort afin qu'il laissât la place libre... »
Epilogue
Dans une réunion restée célèbre, où se trouvait présent l'abbé Suchet comme vicaire général, le général Pélissier l'interpella « Qu'est-ce que vous faites donc , monsieur l'abbé ? Vous dormez ? Vous ne savez donc plus votre métier ! Le choléra !... Nous n'y pouvons rien, ni vous, ni moi, ni personne. Vous me demandez les moyens de l'arrêter ? Je ne suis pas curé, et pourtant, c'est moi, Pélissier, qui vous dit: faites des processions. » Et le conduisant à la fenêtre, il lui montre la montagne de Santa-Cruz, qui domine la ville à l'ouest. « Foutez-moi une vierge là-haut, sur cette montagne ! Elle se chargera de jeter le choléra à la mer !... »
On fit des processions, et l'on vit dans celle du 4 novembre le général Pélissier et son état-major en tête. Le même soir, la pluie tombait enfin, et dès le lendemain, le nombre de morts décrut pour s'établir en quelques jours à une moyenne normale.
On chercha dans les jours suivants un lieu dans la montagne pour installer la statue de la vierge. Une souscription fut ouverte, et le 9 mai 1850 Mgr Pavy, évêque d'Alger inaugurait la chapelle exposant la statue de la Vierge.
C'était le début du pélerinage de l'Ascension, et de la relation passionnée des oranais et oraniens à Notre-Dame de Santa Cruz.
Mais ceci est une autre histoire !