AFN Russie
Le 22 décembre 1920, les premiers bâtiments russes entrent dans le port de Bizerte. Le premier fut le Constantin transportant de nombreuses familles d'officiers.
Que venaient-ils faire à Bizerte ?
Après de nombreuses défaites contre l’Armée rouge, les blancs se regroupent et tentent de résister en Crimée. Piotr Nicolaïevitch Wrangel, le 4 avril 1920, est placé à la tête de l’Armée blanche.
Moscou est alors en guerre contre la Pologne. À la fin de la guerre, les troupes soviétiques sont redéployées en Crimée. Le rapport de forces devient très défavorable aux blancs : 4 contre un.
Wrangel arrête une offensive de l’Armée rouge le 28 octobre 1920. Profitant du répit, il organise une opération d’évacuation à partir de cinq ports de la mer Noire. En trois jours il fait embarquer 146 000 personnes dont 70 000 soldats sur 126 bateaux. Ils seront conduits vers la Turquie, la Grèce, la Yougoslavie (Serbie), la Roumanie et la Bulgarie.
La flotte en rade au Bosphore, privée des bâtiments de transport après le débarquement des fantassins et des civils, est réorganisée en escadre.
La France, principale créancière des blancs, sait bien qu’elle devra engager de nouvelles dépenses pour l’entretien de la Flotte et des émigrés. Pour préserver l’avenir, et dans la perspective de prendre les bateaux en gage, elle dirigera l’Escadre, en deux fois (décembre 1920 et janvier 1921), vers la base militaire navale de Bizerte en Tunisie
Débarquement
Au total, 4 800 réfugiés arrivent à Bizerte à bord de ces navires de guerre. Ces bâtiments se voient assigner un mouillage isolé sur le lac. Les équipages et passagers sont placés en quarantaine.
Le préfet maritime de Bizerte, l’Amiral Exelmans reçoit l’ordre de Paris d’interdire tout débarquement. Il démissionne, laissant le télégramme sur son bureau.
Pendant les délais nécessaires à la prise de fonction de son successeur, les réfugiés pourront débarquer échappant ainsi à une captivité de fait sur des bâtiments peu faits pour accueillir des familles.
Installation
Il fallut essayer ensuite de trouver du travail à tous ces gens. La presse tunisienne ne se montra pas particulièrement tendre envers eux. Les Juifs se souvinrent que Wrangel était, disait-on, antisémite, les socialistes ne pouvaient reconnaître en eux que des « ennemis du Peuple », les autochtones vitupérèrent contre ces éventuels concurrents.
La prestigieuse Première compagnie de Vladivostok avait connu l’agonie de l’École Navale de Petrograd, et l’exode de l’Extrême-Orient. Elle recréera l’école navale dans un vieux fort en ruine. Dans une des casemates est installée la chapelle seul lieu de culte orthodoxe de Bizerte, alors.
Vendredi 5 Décembre 1924. L'escadre Wrangel, composée de 2 cuirassés, de 2 croiseurs, un bateau-école, 9 torpilleurs, et 4 sous-marins, en rade de Bizerte, est désarmée.
L’école fermera ses portes en 1925.
Le cuirassé Alexeieff fut longtemps maintenu à quai entre l'usine à charbon et le dépôt de minerai. Il devient une véritable ville flottante avec ses commerces, abritant des centaines de familles dont les enfants allaient à l'école française. Les riverains y achetaient un pain qui avait un goût très particulier.
Que reste-t-il ?
« Quand la Marine et l'École navale russes finirent d'exister, dans les années 1924-1925, 700 Russes seulement se fixèrent en Tunisie, dont 149 à Bizerte. En 1992, il n'y en avait plus qu'un seul : moi ; mais je suis une bent-bled ["fille du pays" en arabe] pour mes concitoyens » (Anastasia Manstein Chirinsky)