Khammes Tunisie

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962

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Le contrat de khammessat en Tunisie - Décret de 1874

Il y avait des rentiers de la terre sur tout le territoire tunisien. Edifices religieux, notables urbains, agents du bey ou grandes familles résidant à la campagne, disposent d'une part importante des terroirs villageois aux 18e et 19e siècles. Dans les campagnes, environ 10% des terres relevaient d'établissements religieux. Il est difficile d'évaluer la proportion des terres appartenant à des propriétaires absents. On ne connaît actuellement que les possessions de la famille Djellouli (qui possédait des jardins cultivés au Sahel) et de la famille du bey qui possédait entre autres quelques propriétés autour de Kairouan. Tous les riches citadins sont propriétaires terriens et reçoivent des rentes foncières.

Ces terres peuvent être exploitées par différents contrats. Le contrat d'enzel, pratiqué sur les terres d'habous, accorde au locataire un droit perpétuel qui peut être transmis à ses héritiers. En échange, ce dernier doit verser une rente annuelle en nature ou en espèces. Pour les jardins potagers, on pratique la mgharsa. La moisson des terres est en général réalisée par des khammes.

Le contrat de khammessat

Le décret de 1874 sur l'agriculture fixe les droits et les obligations des paysans associés dans l'exploitation d'une terre, et en particulier ceux du khammes. Ce travailleur est défini comme "un associé ayant droit au cinquième en compensation de son travail". De fait, le khammes est celui qui apporte sa force de travail, tandis que le propriétaire ou le fellah qui l'emploie fournit les quatre autres éléments nécessaires à l'exploitation: terre, bêtes de labour, araire et autres outils, semences. Le khammes constitue donc le cinquième du capital d'exploitation et sa rétribution s'élève au cinquième de la récolte. Le mot arabe khammes signifie en effet "un cinquième".

Enumérons rapidement les services que le khammes doit: participation aux travaux de labours et de semailles, irrigation, arrachage des mauvaises herbes, protection des champs contre les oiseaux, cultures de printemps, garde et entretien des bêtes attachées à l'exploitation, confection des cordes, participation aux travaux de récolte, de dépiquage, de vannage, confection des meules en les protégeant par un enduit de terre mouillée. Cette dernière opération sanctionne la fin des travaux.

A l'égard du khammes, les obligations de l'employeur sont d'abord le versement d'une avance en argent; en second lieu, la fourniture de bêtes de somme pour des effets et provisions du khammes jusqu'à sa nouvelle habitation; enfin sa rétribution après la récolte. Il convient également que l'agriculteur fasse de nouvelles avances à son khammes si celui-ci n'est pas en mesure de se vêtir.

Mais le khammes aurait-il accompli la totalité de ses taches, qu'il ne serait pas, pour autant, libéré de ses engagements. Il lui faut, en effet, avant la fin de l'année agricole, annoncer au paysan son intention de le quitter, et surtout, le rembourser des avances qu'il aura faites. La clé de voûte de cette association est bien dans cette avance faite au khammes: pas d'avance, pas d'engagement. Ce n'est pas le fond lui-même, mais cette dette contractée avant les travaux qui lie le khammes au paysan qui l'emploie.

Le khammes est bel et bien un salarié payé en nature sur le produit de sa récolte. Le khammes aura de la peine, spécialement les années de récolte médiocre, à rembourser les avances reçues. Dans la pratique, la part du khammes ne s'élève pas toujours au cinquième et peut atteindre le quart, voire le tiers de la récolte.

La loi de 1874 durcit les conditions du contrat de khammessat à l'égard du khammes: dans un contexte de réduction de la main d'ceuvre, cette loi limite les ruptures de contrat.


Claire GEROUDET INA-PG - Démographie et histoire agraire du bassin versant du Merguellil'