L'Artillerie d'Afrique
L'Armée d'Afrique et son Artillerie
L'Organisation et les Moyens
- Depuis 1830 et jusqu'à la fin de 1867, les unités d'Artillerie employées en Algérie sont détachées des régiments de la Métropole, avec des relèves périodiques. Leur nombre varie suivant les périodes et l'activité des opérations. Il se stabilise finalement aux environs de 12 batteries.
- En janvier 1868 et jusqu'en 1873, c'est un régiment tout entier, le 3e Régiment d'Artillerie à 12 batteries qui stationne en Algérie mais lors de la réorganisation de 1873, il est ramené en Métropole et à nouveau on reprend le système des batteries détachées, soit 11 batteries en 1873 et 12 batteries avec une compagnie de pontonniers du train de l'Artillerie de 1864 à 1881.
- Pour les opérations en Tunisie en 1881, les batteries du Corps Expéditionnaire proviennent en partie des unités d'Algérie et en partie des unités de la Métropole. Au total 31 batteries et 4 sections de munitions prennent part à l'expédition entière ou à une période de celle-ci. En 1883, il ne restera en Tunisie que 9 batteries et un parc. A la même époque, il y a 14 batteries en Algérie. En 1884, on ne trouve plus que 12 batteries en Algérie, plus une compagnie de pontonniers, 4 batteries et un parc en Tunisie.
- A partir de 1883, les batteries d'Afrique du Nord prennent dans leurs Corps la dénomination de "Batteries bis" pour les distinguer de celles de Métropole qui les ont remplacées dans leurs régiments. Cette situation dure jusqu'à la nouvelle réorganisation de 1889.
- En 1889, il est décidé de rattacher toutes les batteries d’Afrique du Nord aux deux régiments de la 19e Brigade d’Artillerie, les 12e et 13e Régiment. Cette brigade stationnée à Vincennes est alors destinée à constituer à la mobilisation l’artillerie du 19e Corps d’Armée amené en France.
- En fin d’année 1889 jusqu’au début de 1900, deux bataillons d’artillerie à pied sont envoyés pour la défense des côtes en Tunisie et en Algérie.
- De 1907 à 1909, plusieurs batteries participent aux opérations du Maroc.
- La loi du 24 juillet 1910 réorganise les unités d’Afrique du Nord qui constituent dorénavant 7 Groupes Autonomes d’Artillerie d’Afrique à 3 ou 4 batteries. A cette date, l’Artillerie d’Afrique est réellement constituée. A partir de 1911, le développement des opérations au Maroc nécessite l’envoi de nouvelles unités tant de Métropole que d’Algérie et de Tunisie ainsi que d’unités d’artillerie coloniale qui forme de son côté 2 groupes au Maroc en 1914. À la veille des hostilités, l’Artillerie d’Afrique comprend 39 batteries. À la mobilisation, ces groupes mettent sur pied des batteries de renforcement ou de réserve et des batteries territoriales. Un certain nombre de ces unités sont envoyées en Métropole en août et en septembre 1914 et d’autres unités sont formées pour la campagne de 1914 à 1918 sur les fronts Métropolitains et d’Orient comme l’Artillerie Divisionnaire de la Division Marocaine.
- En 1919, les unités envoyées en France sont ramenées en Afrique du Nord sauf le 276e Régiment qui reste en occupation de la Rhénanie. Les 10 groupes d’Afrique sont reconstitués dans leur territoire de 1914, certaines unités restant détachées au Levant. Les unités d’Artillerie Coloniale forment le Régiment d’Artillerie Coloniale du Maroc le 1er avril 1919.
- Au début de la guerre du Rif, l’Artillerie du Maroc est insuffisante et est renforcée par des apports de force prélevés sur les unités d’Algérie, de Tunisie, de Métropole et de l’Armée du Rhin. Les Coloniaux fournissent également des batteries hippomobiles et de montagne.
- En 1941 et 1942, un travail considérable de camouflage clandestin de matériel et de préparation à la reprise de la lutte par la formation de nouvelles unités fut entrepris et permis à la fin de 1942 la mobilisation pour la campagne de Tunisie. Elles entrent en opération avec l’ancien matériel camouflé, puis avec des matériels cédés par les troupes américaines et les britanniques à laquelle viennent s’ajouter l’artillerie de la 1re Division Française Libre venant de Libye et le 1er Bataillon de Fusiliers-Marins avec ses canons de 40 Bofors. Dès la fin de la campagne de Tunisie, l’Armée d’Afrique est complètement réorganisée en vue des opérations en Europe sur le type des unités américaines. La formation de ces unités est limitée, elle ne comprend que 5 divisions d’infanterie et 3 divisions blindées la 1re à la Croix de malte, la 2e, la Division Leclerc et la 5e qui deviendra celle aux Armes de Stuttgart.
- Toutes les unités débarquent en France et participent à la campagne de 1944-1945.
- Après l’armistice de 1945, presque toutes les unités mises sur pied par l’Afrique du Nord pour la 1re Armée restent en Europe, soit en occupation en Allemagne, les FFA, soit en garnison en France. Elles changeront pour la plupart leurs numéros pour de nouveaux écussons en 1946. Quelques unités sont envoyées en Indochine, seuls, le 64e RAA à la fin de 1945 et 2 groupes du 69e RAA rejoignent l’Afrique. En septembre 1945, les 62e, 65e, 66e et 67e deviennent autonomes, le 64e se dédoublant en 63e et 64e RAA. Le 68e reste en Sarre et les 64e, 66e et 69e forment des groupes de marche pour l’Extrême Orient où le 66e devient le I/41 Régiment d'Artillerie Coloniale.
- Les insurrections qui se produisent au Maroc et en Tunisie et gagnant rapidement l’Algérie imposent en raison des effectifs insuffisants en Afrique un renforcement avec des unités provenant de la Métropole ou évacuée d’Indochine. L’envoi en AFN des appelés du contingent et de disponibles rappelés ayant été décidé, les renforts, relativement limités en 1954, sont de plus en plus importants en 1955 et 1956 puis à peu près stabilisés à partir de 1956. Au total, pendant la période 1954 à 1962, l’Artillerie en Afrique du Nord verra passer dans ses rangs, y compris les unités organiques déjà stationnées, 15 groupes en Tunisie, 22 groupes au Maroc, transférés ultérieurement avec 81 groupes venant de Métropole, en Algérie.
- Après l’indépendance, toutes ces formations rentrent en France pour y être dissoutes ou réinstallées, à l'exception de quelques unités maintenues.
Néanmoins, la tradition des Régiments d’Artillerie d’Afrique n’est plus maintenue dans l’Armée Française que par deux unités qui ont conservé les Étendards et les numéros de deux d’entre eux :
- Le 64e Escadron de Commandement d’Artillerie de Corps d’Armée, crée en 1978,
- Le 68e Régiment d’Artillerie d’Afrique qui est la continuation directe du 68e Régiment d’Artillerie Blindée de 1941, le Régiment à l’Etoile Rouge avec le numéro du Régiment brodé sur le Calot d'Armes, qui a tiré le premier sur l’Allemagne par-dessus le Rhin près de Colmar.
Sidi Ferruch, 14 juin 1830
Un Corps Expéditionnaire Français placé sous les ordres de l’amiral Duperré et du général Berthézène débarque sur une plage à quelques kilomètres à l’ouest d’Alger. Cette région d’Afrique du Nord est sous la suzeraineté du sultan turc d’Istambul. La population quasiment insoumise est livrée à l’abandon et l’insécurité près des côtes Méditerranéennes amène à décider une opération militaire pour détruire des repaires de corsaires et tenter de mettre fin au commerce des esclaves. Le roi Charles X ayant besoin de réassurer son autorité et en bute à une fronde de députés prend prétexte à une affaire « diplomatique » qui date de trois année. En 1827, le Dey d’Alger, Hussein avait souffleté de son chasse mouche le consul de France Deval qui refusait d’honorer le règlement d’un emprunt concernant l’achat de céréales achetées à la Régence d’Alger. Une flotte de plus de 450 navires appareille du port de Toulon le 25 mai 1830 et, se porte devant Alger et bombarde ses défenses ainsi que la citadelle de Fort l’Empereur. Trente sept mille soldats comportant gendarmes, logistique, approvisionnement et vivres, administration et sanitaires, cavalerie, gendarmes, 18 batteries d’artilleries accompagnées de 6 compagnies du train, au total 83 pièces de siège débarquent sur la plage de Sidi Ferruch le 14 juin 1830.
Il faut plusieurs jours de combats difficiles et incessants pour mettre fin à la domination turque exercée depuis le XVIe siècle par les deys et leurs janissaires. Face à la mobilité des pièces françaises, les troupes turques furent surprise de voir souvent en tête de colonnes les canons au plus près de leurs positions, mener par des tactiques audacieuses le combat aux côtés des premières lignes d’attaque de l’infanterie ; par manque de chevaux, les pièces souvent amenées à bras. Un attelage à suspension et de nouveaux avant-trains et caissons accroissaient la mobilité et accéléraient la mise en batterie. La mobilité des unités devait se heurter bientôt au manque que pistes carrossables et à leur déplacement dans les reliefs montagneux. Cette nouvelle expérience conduisit à faire accompagner les troupes de pièces plus légères, facilement démontables et transportables d’où la mise en œuvre d’un obusier de montagne capable d’effectuer des tirs courbes à courte distance.
La conquête de l’Afrique du Nord
Jusqu’en 1834, les Français ne s’étaient résolu qu’à garder les possession acquises le long du littoral méditerranéen des régions d’Oran, Mostaganem, Alger et Bône, les régions de l’intérieur étant laissées aux chefs indigènes mais les réalités locales firent prendre conscience de l’influence montante d’un jeune émir de naissance chérifienne, chef de tribus de la région de Mascara, l’émir Abd el Kader. Emir des croyants, il remporta sur les tribus du makhzen turc la victoire de Meharaz et marqua le début de l’ère des Chorfas arabes. Il occupa le Titteri et infligeait en 1835 au général Trézel un échec lors de la bataille de la Macta. En 1836, la prise de la capitale du beylik de l’Est fut décidée mais l’expédition mal préparée échoua complètement par le manque de canons de gros calibre afin de détruire les défenses de Constantine, les pièces de campagne et de montagne ne suffisant pas. En 1837, le 13 octobre, la ville fut occupée non sans mal grâce à 33 grosses pièces de siège nécessitant des efforts considérables de mise en place. Après les bombardements des 11 et 12 octobre de « tir en brèche », l’artillerie abattait les murs de défense permettant aux fantassins d’envahir la place submergeant les 63 bouches à feu des défenseurs de Constantine.
L’insurrection devient soudaine et générale. Abd el Kader qui n’attendait que cela proclame la guerre sainte lorsque le duc d’Orléans tente de relier la région constantinoise à celle d’Alger en franchissant les « Portes de Fer » aux mains des Arabes. Au mois de novembre 1839, ses cavaliers ravagent les zones où commencent à s’implanter des colons venus de la Métropole, notamment dans la plaine de la Mitidja. L’armée d’Afrique doit mener la conquête par la lutte jusqu’à la soumission finale. Le 16 mai 1843, le duc d’Aumale contraint l’émir Abd el Kader à s’enfuir au Maroc, sa Smala a été prise par la victoire d’un escadron français. Le sultan du Maroc s’engage dans la guerre mais son armée est défaite à la bataille d’Isly en 1844. Il traite avec le gouvernement français. De violentes insurrections éclatent encore dans le Dahra, le Chélif et l’Ouarsenis en 1845. Abd el Kader remporte une dernière victoire à Sidi Brahim, puis abandonné par le sultan, il fait sa reddition aux généraux Lamoricière et Cavaignac dans la plaine de Sidi Brahim le 23 octobre 1847.
En 1857 à 1899, soumission des oasis du Sud et de la Kabylie. Les missions Flatters et Fourreau Lamy préparent l’occupation du Sahara jusqu’aux frontières du Niger, Cherchell, Blida et Médéa terminent la conquête de cette partie de l’Afrique du Nord.
Les opérations extérieures
La Grande Guerre 1914-1918
Le lendemain de la déclaration de guerre à l’Allemagne, le 4 août 1914, deux canons d’artillerie de côte ouvrent le feu sur deux bâtiments de guerre allemands au large de Bône et de Philippeville Le « Goeben » et le « Breslau ».
Réclamée en France, à l’Armée d’Orient, dans les Balkans, en Egypte, au Hedjaz, au Levant, l’Artillerie d’Afrique va se distinguer dans les grandes batailles de Champagne, de Verdun, de l’Aisne et de Picardie. Le matériel servant les pièces à terre a profondément évolué avec l’arrivée du canon de 75m/m particulièrement performant mais les besoins en artillerie lourde manquent malgré les moyens anciens récupérés dans les parcs d’artillerie y compris de vieux mortiers de tranchées datant de 1870. L’étude et la mise en chantier de matériels nouveaux vont évoluer très vite avec l’artillerie lourde tractée, sur voies ferrées, les canons d’infanterie de 37 m/m et les mortiers de tranchées avec le célèbre « Crapouillot » contrebattant les mortiers allemands « Minenwerfers appelés par les Poilus les Seaux à Charbon », les «'Granatenwerfers, les Pigeons » et l’artillerie d’assaut avec le char de combat. Le calibre des canons, les obus, la portée de tir deviennent de plus en plus importants. Un canon à longue portée allemand, le « Pariser Canone ou Long Max », mis en batterie au environs de Crépy en Laonnois envoie sur Paris 367 obus de 210m/m variant jusqu’à 232m/m l’intérieur du tube se dégradant très vite étant donné la puissance de départ des coups de 100 kilos avec son tube géant de 40 mètres de long. Sa portée est de 132 kilomètres. Les français rivalisent avec leurs obusiers de 400 m/mqui valent les « Grosses Bertha M-Gerät » de 420 m/m. Les techniques de tir évoluent avec les réglages aériens des batteries, les préparations balistiques et aérologiques, les barrages contre l’infanterie et les techniques d’observation.
La Seconde Guerre Mondiale 1940-1945
A la déclaration pour la seconde fois de la guerre contre l’Allemagne en 1939, 14 nouvelles unités se créent en Métropole pour l'Afrique du Nord où l’on compte une vingtaine de régiments, unités hippomobiles composées de pièces de 75m/m ou d’obusiers de 155m/m courts. Les régiments transportés en Métropole afin de contrer l’invasion de la France par les divisions modernes d’infanterie mécanisée et de blindés allemands aidés par l’aviation d’assaut ne peuvent que résister héroïquement tout comme celles de Métropole et ne peuvent se replier que les 62e, 85e, 87e, 287e RAA après avoir subies de lourdes pertes. Le 64e RAA gagne une citation lors des combats de Gembloux en Belgique, le 12e RAA est décimé avec les 64e, 264e, 66e, 266e RAA matériel perdu ou détruit et le personnel fait prisonnier.
Les unités rescapées de l’offensive de juin 1940 sont rapatriées en Afrique du Nord où elles sont reconstituées
sur le même modèle qu’avant le début du conflit. Avec les régiments d’origine de série des 6.0 RAA, deux nouvelles unités sont crées, les 6.3e au Maroc et le 6.8e en Algérie. Suite à l’occupation de la Zone libre par les allemands à compter du 11 novembre 1942, ces unités vont être engagées en Tunisie avec un armement obsolète face à des adversaires aguerris de l’Afrika Corps du général Erwin Rommel. Alliées aux Forces Françaises Libres, elles remporteront néanmoins des succès inespérés avec l’énergie nécessaire afin de contrer les opérations offensives du général Von Arnim vers le Constantinois où se distingue le 65e. Succès du 64e au Djebel Mansour, au Djebel Zaghouan du 68e qui ouvrent la route de Tunis aux Divisions du Maroc et d’Oran.
L’Artillerie d’Afrique est complètement réorganisée à la fin de la campagne de Tunisie en vue des futures opérations prévues en Europe. Le matériel est fourni par les Etats-Unis, le 68e perçoit comme dotation des obusiers de 105m/m HM7 automoteurs montés sur châssis de char Sherman composant l’artillerie de division blindée de type américain « Combat Command » à commandement autonome infanterie/artillerie. Le 69e est formé au Maroc et équipé d’artillerie légère de montagne portée sur mulets. Avec le 63e, cette unité se distinguera dans les Abruzzes italiennes au sein de la Division d’Infanterie Algérienne, au Garigliano, au Monte Cassino et à la prise de la ville de Rome où elles entrent le 6 juin 1944. Pendant ce temps, le XIè groupe du 64e et le Ier groupe du 66e libèrent Paris avec la 2e Division Blindée du général Leclerc Philippe de Hauteclocque.
C’est en Provence que débarque à compter du 15 août 1944 les 260.000 hommes de l’Armée d’Afrique. Les automoteurs du 68e RAA sont les premiers à se lancer avec la 1ère Division Blindée du général Touzet du Vivier à partir des plages de La Nartelle vers Marseille libéré le 28 suivi des 65e et 67e RAA qui participent aux durs combats de Toulon et du Mont Faron. Puis la Provence libérée, les divisions s’engagent dans la vallée du Rhône où s’illustrent dans les Vosges le 67e, le 63e devant Belfort sous les tempêtes des neiges d’hiver et enfin le 68e RAA qui le 19 novembre ouvre la porte de l’Alsace par le Sud en libérant Mulhouse et Colmar.
Le 19 novembre 1944, le II/68e Régiment d’Artillerie d’Afrique du Combat Command 3, en batterie dans la forêt de la Hardt expédie le premier obus français depuis 1940 par-dessus le Rhin sur l’Allemagne au Pont de Chalampé sur le village de Kirchen vers Mulheim. Les automoteurs du 62e terminent l’encerclement des troupes allemandes après les combats d’Altkirch et de Dannemarie, Le 64e participe à la libération de Strasbourg, le serment de Leclerc à Koufra est accompli.
Traversant le Rhin, le 62e participe à la prise de Stuttgart et le 64e détruit le 18e Corps Schutstaffen SS réfugié en Forêt Noire vers Villingen aux bords du lac de Constance. La capitulation de l’Allemagne stoppe le 68e au bord du Danube où il trempe ses fanions pour commémorer la Victoire.
La Guerre en Indochine Française 1946-1975
Pourquoi ce titre « La Guerre en Indochine Française » ? Parce que d’une part, l’Indochine est une péninsule de l’Asie située entre l’Inde et la Chine, limitée au Sud par le Golfe du Bengale, le Détroit de Malacca et la Mer de Chine Méridionale qui comprend la Birmanie, la Thaïlande, la partie continentale de la Malaisie, le Cambodge, le Laos et le Viêt-Nam et que d’autre part, l’Indochine Française qui nous intéresse concernait les possessions françaises, la colonie Cochinchinoise et les protectorats d’Annam, du Tonkin puis du Laos avant l’indépendance du Viêt-Nam. De 1946 à 1975, il y eut deux guerres distinctes, la première par l’éviction de la France après la défaite de Dien Bien Phu aboutissant aux accords d’Evian et à la séparation du Viêt-Nam en deux Etats, et la seconde où s’affrontèrent les vietnamiens du Nord soutenus par l’URSS et la Chine opposés aux vietnamiens du Sud et aux américains qui après un cessez le feu se retirèrent préludant à l’unification des deux Etats Vietnamiens en la République Populaire du Viêt-Nam.
Les Unités d'Artillerie de l’Armée d’Afrique ne participèrent que partiellement au conflit franco-vietnamien. Ce sont les Troupes Coloniales, qui étaient sur place aidées de renforts Métropolitains, la Marine Nationale et l’Aviation, en particulier, l’Aéronavale qui effectuèrent la plupart des opérations avec des unités spéciales, les Groupements de Commandos Mixtes Aéroportés (GCMA) et des unités de parachutistes.
Néanmoins, l’Arme Artillerie va devoir faire preuve d’adaptation dans cette nouvelle forme de « Guerre Révolutionnaire ». Des groupes de marche issus de Métropole et d’Afrique embarqueront pour l’Extrême Orient. Au 1er mai 1949, celui du 64e est constitué. Il opérera de 1949 à 1954 au Tonkin. D’autres groupes de marche seront envoyés et l’on verra s’organiser le IIe groupe du 69e RAA qui par la suite sera rapatrié sur le Maroc. Ces unités participeront à toutes les grandes opérations, au Nord Tonkin, en région d’Haïphong, à Nam Dinh, à Phu Lang Thuong, sur la rivière Day, la rivière Noire, à l’évacuation de Hoa Dinh, à Chan Mong, sur la route coloniale n°2, à Na San, Phu Ly, Vin Yen, et Son Tay. Les relèves d’unités ne s’effectueront pas par manque de crédit et le personnel militaire de carrière devra être muté par rotation individuelle, jusqu’à deux, trois séjours, venant des unités de Métropole et d’Afrique.
Une anecdote citée par le général Henri de Brancion dans son ouvrage « Retour en Indochine du Sud - Artilleurs des Rizières » fait part du désir profond partagé par les artilleurs pour obtenir une affectation plus conforme à leurs compétences et qui prend un jour une forme assez cocasse : « … le journal Caravelle, publié à Saïgon par les services de presse du généchef ayant une rubrique de petites annonces, ses lecteurs pouvaient lire en 1951 : Echangerai compagnie de marche, état neuf, contre batterie d’artillerie, calibre indifférent. Faire offre à capitaine Trottereau, SP 73395 ». Si l’occasion était rare, ces artilleurs veufs de Sainte Barbe étaient pourtant appelés à tirer le canon de temps à autres lorsque le commandement se souvenait d’eux. (Le chef d’escadron Henri de Brancion a été le Commandant en second de mon régiment en Algérie, le 25e RA, et le capitaine Trottereau a été fin 1958 mon commandant d’unité, officier de renseignement du quartier et nous appartenions à un groupe d’artillerie… à pieds. Comme en Indochine. Mais nous avions cette fois-ci en plus quelques obusiers de 105m/m HM2 et 155m/m BF50 américains ! G.Coat)
La Guerre d'Algérie 1954-1962
Les opérations effectuées en Afrique du Nord de 1954 à 1962 avaient été qualifiées comme étant maintien de l’ordre contre une rébellion puisque une guerre est un conflit armé contre deux états différents, ce qui n’était pas le cas. Le terme a été par la suite adopté, l’Etat français ayant reconnu la constitution d’états indépendants.
Le mode d’action des rebelles, puisqu’il faut commencer ainsi, se caractérisait par un mouvement clandestin armé, qui une fois leurs opérations effectuées s’évanouissait dans la nature dans une vaste région de déserts, de reliefs montagneux aux nombreuses grottes et de forêts. La guérilla fut donc le mode d’action essentiel à qui du s’opposer des opérations de contre guérilla contre des hommes très endurants, connaissant parfaitement leur pays, capables de se déplacer rapidement et se nourrissant de manière très frugale, auxquelles les troupes françaises durent d’adapter et en particulier, l’Artillerie.
Mis à part des mortiers et quelques canons sans recul, les fellagas n’avaient pas d’artillerie à opposer à la notre. Néanmoins, quelques pièces tirèrent depuis la Tunisie sur des postes frontaliers mais furent vite réduits.
Adaptation de l’Artillerie à la situation
Les forces classiques existantes n’étaient pas adaptées à la guérilla et nécessitaient une évolution vers des effectifs plus nombreux, avec des équipements plus légers et spécialisés dans la nouveauté.
L’Artillerie ne comportait que les 6.5e et 411e RAA à Alger, 6.6e RAA à Oran, 6.7e RAA à Constantine avec comme matériel des obusiers de 105m/m, de 155m/m sol/sol, de 90m/m et de 40m/m Bofors anti-aériens. Le IIe groupe du 4e RA stationnait à Batna. Etaient présents également le 701e Groupe d’Artillerie guidée et deux groupes d’expérimentation, les 620e et 621e d’arme spéciale avec quelques éléments de l’Aviation Légère d’Observation d’Artillerie.
En 1955, des unités supplémentaires sans matériel lourd d’artillerie vont participer aux premières opérations réorganisées en artillerie à pied tel le 6.5e. Il s’agit d’assurer la sécurité et maintenir une activité économique normale par la protection de fermes, de lieux publics, la construction de postes, de regroupement de population, de création de zones interdites ou l’ouverture du feu est libre, de la surveillance du territoire, des opérations de bouclage de ratissage afin de réduire l’adversaire vont constituer la nouvelle activité des artilleurs. Tout comme celles de leurs camarades de l’infanterie. Les commandants d’unités devront faire preuve d’imagination et s’adapter à ce nouveau théâtre d’opérations.
L’emploi des canons, restant souvent bâchés, se limitera à la défense des postes et à des tirs de protection avec des modèles hétéroclites où l’on trouvera des modèles divers allant du calibre 75m/m au vieux 155m/m Schneider sortis du fond des arsenaux. Un quadrillage du terrain demandera un énorme besoin en effectifs. Le quadrillage idéal étant composé de canons tout azimut pouvant œuvrer dans un rayon de 10 kms. En 1956, le rappel de disponibles et l’apport du contingent avec une durée de service passée à 27 mois permettent la formation de 48 groupes venant de France, de Sarre ou d’Allemagne mais plus de la moitié des artilleurs sont devenus fantassins pour une arme devenue toute exécution devant allier souplesse, vigueur, se spécialisant même dans l’héliportage d’assaut et l’intervention parachutée avec le 35e Régiment d’Artillerie Parachutiste (RAP),
ce qui sera nouveau ; c’est l’époque de l’affectation obus ou pataugas, la chaussure reine du crapahut tout terrain infanterie en Afrique. Il n’y a que 21 groupes qui ne sont que spécifiquement artillerie possédant leurs batteries de tir, les autres, calquées sur le modèle infanterie possèdent tout de même quelques canons ou obusiers, mais pas en totalité. La tâche de l’artillerie est malaisée car elle ne répond plus à ses définitions nettes. Mais son action va se développer ; toute opération va impliquer l’emploi d’une batterie, mobile ou fixe et d’un nombre élevé de Détachements de Liaison et d’Observation (DLO) accompagnant les unités interarmes.
Avec des barrages créés pour maintenir l’étanchéité des frontière du Maroc et de Tunisie, les batteries de canons vont prendre une place importante afin d’interdire les passages sur les barrages. L’Artillerie fournira des commandos de chasse, continuera à combattre à pied, appuiera de ses feux les opérations terrestres, effectuera des tirs d’interdiction, des tirs de contre batterie au-delà des frontières car l’ALN se dotera d’armements lourds, mortiers, canons antichars et canons russes de 122m/m, multipliera des actions de harcèlement sur les postes des barrages de la frontière tunisienne. Pour s’opposer rapidement à toutes les tentatives de franchissement des barrages, elle sera aidée par deux types de radars de détection de mouvements au sol et une surveillance accrue par l’Armée de l’Air et l’Aviation Légère de l’Armée de terre (ALAT).
Vers l’année de fin du conflit, l’artillerie en Afrique du Nord comportera 3 groupes de radars couplés à des canons, 3 groupes organiques accompagnant les grandes unités de réserve, 26 groupes canons dont la plupart rempliront des missions de quadrillage d’artillerie et de pacification, 7 groupes opérants sur les barrages, des batteries utilisées en artillerie de position et des sections ou pièces effectuant des tirs préparés pour le compte de troupes amies ; 55.000 hommes serviront Plus de 700 canons et un ensemble de 120 radars.
Les barrages aux frontières
On pourrait développer la part prise par l’artillerie
dans la diversité des missions qui lui ont été confiée à différents niveaux, en particulier à l’adaptation au combat d’infanterie auquel rien de l’avait préparée et sa grande part prise dans les commandos de chasse, mais il est aussi intéressant de faire apparaître un élément d’importance dans la fermeture des frontières algéro-tunisienne et algéro-marocaine des pays devenus indépendant, dans lesquels l’ALN entraînait ses katibas et organisait ses bases de ravitaillement d’armes et de munitions. Des bandes s’implantaient près des frontières et la seule solution était de les fermer par des barrages afin d’interdire les incursions.
Le premier barrage fut édifié le long de la frontière marocaine, simple double réseau de barbelés, miné, en particulier par des mines encrier indétectables bondissantes antipersonnel ou éclairantes, fils de fer, grillages électrifié le long d’une piste permettant la circulation de véhicules de surveillance accompagnés de blindés, La Herse, à quelques kilomètres de la frontière officielle de manière à transformer les zones frontalières en zones interdites à toute circulation. Ces zones étaient surveillées soit par des batteries de canons de 90m/m antiaériens américains a tir automatique déclenché par les radars Cotal de fabrication française, soit avec du matériel de campagne, obusiers de 105m/m Howitzer Modèle 2 (105 HM 2) ou 105m/m L36, quelques obusiers de 75m/m italiens de montagne et mortiers de 120m/m, avec surveillance par radar ou non.
Pour arrêter les bandes venues de Tunisie, un second barrage fut édifié à l’est le long de la frontière tunisienne et prolongé par une portion au sud de Négrine baptisé ligne Morice. En octobre 1958, décision fut prise d’en construire un second, la ligne Challe, en tant que barrage avant constituant une nasse entre les deux lignes, comme devant Souk Ahras où se déroula la Bataille des Frontières entre les troupes d’intervention parachutistes et des importants éléments de l’ALN. Des secteurs d’une dizaine de kilomètres fournissaient l’énergie électrique qui permettait, en cas de coupure de la localiser venait alors le choix de l’intervention. Le rôle des artilleurs juchés parfois sur des pitons, aidé de mécaniciens de la Marine, consistait à assurer l’intégrité du barrage électrifié, d’interdire son franchissement, neutraliser par le feu de ses canons tout mouvement ennemi localisé et renseigner le commandement sur les évènements du secteur de surveillance.
L’aide à l’Artillerie au sol
Si l’Artillerie a du trouver sa place et s’adapter en remplissant des missions
incombant à une guerre de fantassins, il serait injuste d’ignorer la part prise par l’utilisation d’armes nouvelles dans les tâche auxquelles elle devait s’atteler. L’utilisation au profit des troupes au sol comme les hélicoptères et les avions de l’ALAT, les aéronefs de la chasse Mistral à réaction et T6 de l’Armée de l’air, les Corsairs et hélicoptères lourds de l’Aéronavale ont contribué au succès des opérations et rendues complètes les interventions de l’artillerie. Hélicoptères légers et avions repéraient les bandes de rebelles et guidaient les fantassins au sol, hélicoptères lourds et d’attaque les fixaient, les avions de chasse et de bombardement agissaient, suivaient les hélicoptères de transport transportant les troupes d’intervention par-dessus les obstacles pour les attaquer en même temps que l’artillerie pilonnaient ce qui avait été détecté. Pour sa part, celle-ci employait des Piper, des Broussards et des Cessna d’observation et de reconnaissance pour la détection et le réglage des tirs, DLO aéromobiles qui coordonnaient les feux de l’artillerie mais aussi ceux de la chasse avec le Carroyage Lambert facilitant les coordonnées nécessaires non seulement de la chasse mais de l’artillerie. Ces équipages d’appareils légers et non armés payèrent un lourd tribu dans leurs interventions. Et combien de combattants gravement blessés doivent la vie aux hélicoptères de marque Westland, Sikorski, H21 dit Banane, Bell, Djin et Alouette de l’Evacuation Sanitaire (EVASAN)
Si elle avait du adapter ses moyens techniques en déployant son savoir faire afin de mener à bien sa mission dans ce conflit original de contre guérilla par l’emploi des radars par la détection au sol et le réglage de tirs, il était nécessaire aussi de parachever la couverture de cartes d’Etat Major qui était incomplète. La 53e Batterie Géographique Autonome (BGA) s’était attelée à cette tâche conjuguée avec l’Institut Géographique National.
Les Hommes
Au début de la rébellion, les seules troupes et de métier qui aurait pu s’y opposer étaient encore en Indochine. Jusque là, les gouvernements français évitaient de faire
participer le contingent à des opérations militaires extérieures mis à part les deux grands conflits mondiaux. Le service militaire étant obligatoire, afin de renforcer les effectifs engagés en Afrique du Nord il fut décidé de faire participer les jeunes gens devant effectuer leur temps ; coexisteront ainsi les militaires de métier, les engagés volontaires, des réservistes rappelés et des appelés pour un service maintenu, portés à 28 mois puis 30 mois.
L’artilleur devant être appelé à effectuer des tâches multiples et variées, son instruction le préparait surtout au combat d’infanterie. Les Centres de Formation s’acquittaient de cette tâche sans perdre de vue cette servitude nouvelle en formant des effectifs pour des groupes comportant des canons et des unités à pied.
Un appel aux soldats autochtones fut indispensable. Il renforça les effectifs venus du Continent et ce recrutement de troupe représentant le peuple d’Algérie, Français Musulmans ou Français de Souche permettait la constitution d’Unité Territoriales (UT) , de soldats réguliers recrutés par engagements volontaires, par voie d’appel du contingent, connaissant parfaitement le pays et la langue et qui ont formé les Groupes Mobiles de Protection Rurale (GMPR), les Groupes Mobiles de Sécurité (GMS), les Moghaznis des Sections Administratives Spécialisées (SAS) et les Harkis dont la Harka, à pied ou à cheval, appartenant à une unité de quartier menait le combat avec elle.
L’ensemble de leur mission était de participer aux opérations de maintien de l’ordre avec les troupes de l’Armée française.
Le statut des Harkis n’a pas été bien défini ; ils étaient toujours attachés à une unité régulière qui en assurait le recrutement, l’encadrement, le contrôle et le support. Comme des journaliers à la tâche, ils étaient considérés comme des auxiliaires directs des combattants réguliers. Ils connaissaient bien l’adversaire et ses procédés, parfois eux même étant des anciens rebelles ralliés et connaissaient parfaitement le terrain sur lequel ils évoluaient. Leur aide fut essentielle dans les opérations de contre guérilla prouvant à l’ALN que tous ces opposants n’appartenaient pas à leur cause.
A la fin du conflit algérien, les accords d’Evian définissaient l’avenir de ces hommes restés fidèles à la France. Promesse avait été faite par le FLN qu’il n’y aurait pas de représailles contre eux. Trois solutions leur avaient été proposées, engagement dans l’Armée, le retour chez eux avec une compensation sous forme de prime ou un contrat civil indéfini. La plupart d’entre eux choisirent le retour à la vie civile, ils étaient 60.000 à avoir aidé leurs camarades français, à partir du 5 juillet 1962, beaucoup furent massacrés après avoir été torturés dans d’atroces vengeances.
Leur place avait été importante dans les Commandos de Chasse de l’artillerie, aidant à construire les postes, creusant les circulaires des canons, aidant à transporter et armer les munitions et heureux de pointer les pièces et de tirer avec comme du temps où ils appartenaient à l’Artillerie de la 1e Armée Française de 1945.
Comme le dit la chanson, l’Artilleur après avoir été celui de Metz a été aussi celui du Maroc avec les 63e, 64e et 69e, d’Algérie avec les 65e, 66e, 67e et 68e, de Tunisie avec le 62e.
Ecussons des Régiments d'Artillerie d'Afrique
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