« YACEF SAADI » : différence entre les versions

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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Version du 12 septembre 2011 à 19:18


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En attendant que des éléments biographiques se structurent autour de ce personnage .....


DIE ZEITUNGNummer 36(0)

Agathe Logeart La bataille d’Alger

«Je revendique les choses les plus horribles»

Le Nouvel Observateur 21.10.2004

Yacef Saadi, le patron du FLN dans la Casbah, raconte ces années de sang. Et l’incroyable pacte qu’il proposa à la France par l’entremise de Germaine Tillion

Depuis des mois, Alger vit dans la hantise des attentats. Devant les succès remportés par l’armée française dans le djebel, le FLN a décidé de porter la guerre au cœur de la capitale. Son but: terroriser la population « européenne » et obliger la France à intensifier la répression. Creuser, entre Algériens et Français, un fleuve de sang. A Alger, c’est l’armée désormais qui est chargée du «maintien de l’ordre». La Casbah – 70000 habitants entassés dans 2 kilomètres carrés – vit sous la botte des paras du général Massu. Les militaires ont encerclé la vieille ville arabe avec des barbelés. Dès le crépuscule, de gros projecteurs balaient le dédale des ruelles.


«La nuit, se souvient Yacef Saadi, on entend les hurlements des torturés. Car l’armée torture aussi à domicile. Le père devant le fils, la femme devant les enfants…»


Yacef Saadi est un homme étrange. Petit, l’œil et la moustache très noirs, il est le fils du boulanger de la rue des Abderames. Il n’a pratiquement aucune instruction. Mais à 30 ans il est l’homme le plus recherché de toute l’Algérie. C’est lui qui a fait de la Casbah un maquis, la ZAA (zone autonome d’Alger).

Ici il a créé un contre-Etat dont il est le chef redouté. Il célèbre les mariages, rend la justice, lève l’impôt, contrôle la pègre, organise la clandestinité, les caches, les dépôts d’armes.

Surtout, c’est lui qui décide où et quand doivent éclater les bombes artisanales qui ensanglantent Alger. Il règle leur mécanisme, les cache au fond du sac de plage de jeunes militantes du FLN habillées à l’occidentale, qui les déposeront dans les lieux fréquentés par les «Européens».


L’attentat du Milk Bar, les bombes du casino de la Corniche et de la Cafétéria, c’est lui. «Oui, dit-il aujourd’hui, les cheveux blanchis mais l’œil toujours aussi vif, je revendique les choses les plus horribles. Les morts, à cette époque, je m’en foutais. Ce qui me poursuivait, c’était l’image des mutilés. Je me demandais pourquoi Dieu m’avait choisi pour libérer mon pays de cette façon-là. Ce n’était plus une guerre. C’était autre chose. Un jour, déguisé en femme, caché par un haïk, je suis allé voir le résultat de l’attentat du Casino. J’ai pleuré. J’ai juré de ne plus poser de bombes. Mais moi qui n’ai jamais été capable de tuer un poulet, j’en ai posé d’autres. On pouvait légitimement nous traiter de salauds. Mais j’ai fermé les yeux, et j’ai continué...»


Quand Yacef Saadi apprend que Germaine Tillion, déportée à Ravensbrück, ethnologue, ancien membre du cabinet de Jacques Soustelle, vient d’arriver à Alger dans le cadre d’une commission d’enquête internationale sur le régime concentrationnaire, il décide de la rencontrer. L’idée paraît invraisemblable. Pourtant Germaine Tillion et Yacef Saadi se verront deux fois, le 4 juillet et le 9 août 1957, au plus fort de la bataille d’Alger.


Avec un luxe inouï de précautions, l’ancienne résistante sera conduite au 3, rue Caton, le repaire de Saadi, où il se cache, bardé de mitraillettes et de grenades, derrière une cloison de carrelage. Germaine Tillion n’ignore rien des souffrances dont Saadi est le responsable. Mais rien non plus des exactions de l’armée française. Dans la cour de la prison Barberousse, les exécutions capitales s’enchaînent à un rythme effrayant. Elle veut arrêter ça. Et Saadi a confiance en elle. Il lui fait la plus surprenante des propositions: «Je m’engage à mettre fin au terrorisme contre les civils si la France accepte d’arrêter les exécutions capitales.» Porteuse de ce message, Germaine Tillion alerte les plus hautes autorités de l’Etat. On lui fait croire un temps qu’elle a été entendue.

Saadi continue de faire éclater des bombes, mais pendant quelques mois ne tue plus de civils. La presse s’interroge sur les raisons de cette «étrange accalmie». Saadi tiendrait-il parole? Germaine Tillion en est convaincue. Mais de retour à Alger elle apprend que l’on continue à guillotiner. Au moins aura-t-elle tenté l’impossible.Quand Yacef Saadi est arrêté, le 24 septembre 1957, elle se battra pour le sortir des griffes des parachutistes. Elle ira témoigner en sa faveur lors d’un de ses trois procès – où il sera par trois fois condamné à mort –, puis interviendra pour obtenir qu’il ait la vie sauve. Une étrange amitié est née entre eux, qui n’a jamais cessé depuis. «Mademoiselle Germaine a tout fait pour moi, et je la respecte infiniment», dit Yacef Saadi.Aujourd’hui l’ancien chef des commandos d’Alger est un sénateur prospère. Un homme rangé? Une lueur d’insolence dans l’œil, le vieux monsieur de 76 ans explique qu’il vient de finir un nouveau livre. Son sujet: «C’est un manuel de guérilla urbaine…»A. L.

Les attentats FLN à Alger commencent le 30 septembre 1956. Le 27 décembre, l’assassinat d’Amédée Froger, président de l’Association des Maires d’Algérie, déclenche une ratonnade. Le gouverneur Lacoste confie au général Massu, commandant de la 10e division de parachutistes, les pouvoirs de police. Le 7 janvier 1957, 7000 paras pénètrent dans la ville. Aux attentats anti-«Européens » répondent les exécutions et les tortures. Le 25 février, le leader FLN Larbi Ben M’hidi est arrêté et bientôt «suicidé». Les attentats redoublent en juin, alors que les repentis (les «bleus de chauffe») infiltrent le FLN et font tomber de nombreux responsables. Yacef Saadi est arrêté le 24 septembre