SANTA CRUZ
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Notre-Dame de Santa-Cruz Plus de 150 ans d'histoire
Oran, été 1849, horriblement chaud, de cette chaleur humide et lourde qui rend l'organisme si vulnérable. Le fléau, qui sévissait déjà en quelques régions d'Europe, comme l'Italie du Sud, a commencé exactement le 21 septembre, l'on ne sait en quel coin de la ville. Dès le 25 septembre, si rapide a été la propagation du mal, que les hôpitaux civils et militaires ne suffisent plus pour recevoir les malades atteints du terrible choléra. Les autorités municipales, aidées par l'armée française, que commandait alors à Oran le général Pélissier, installèrent en plusieurs points de la ville des infirmeries d'urgence. Les religieuses Trinitaires se dévouaient dans les hôpitaux. Soudain, le 14 octobre Oran se réveille dans la torpeur : l'épidémie, à la faveur de l'atmosphère surchauffées, a éclaté d'une façon foudroyante dans tous les coins de la ville. La mort emporte en quelques jours des familles entières. Du 14 au 31 octobre, 1172 victimes sont dénombrées. La Mère Supérieure Eugénie Belon meurt épuisée par l'ouvrage en même temps que deux autres religieuses. L'angoisse remplissait tous les coeurs. Quelle main serait assez puissante pour terrasser le fléau ? Il n'y avait plus d'espoir du côté de la terre. |
C'est alors seulement qu'on songea sérieusement à se tourner du côté du Ciel. Dans une réunion où l'on délibérait de nouveau sur l'affreuse situation, le Général Pélissier, avec sa rondeur restée proverbiale, s'adressant à l'abbé Suchet, Vicaire général d'Alger "Et alors, Monsieur l'abbé ? Vous dormez ? Ne sauriez-vous plus votre métier ?, lui dit-il brusquement. le choléra ?... Nous n'y pouvons rien, ni vous, ni moi, ni personne. Vous me demandez les moyens de l'arrêter ? Je ne suis pas curé, et pourtant c'est moi, Pélissier, qui vous le dis faites des processions... " Puis se tournant vers la montagne de Santa-Cruz, "Foutez donc une vierge là-haut et elle se chargera de jeter le choléra à la mer".
La chrétienne inspiration du général vint répandre dans les cœurs une lueur d'espoir; c'est à la Reine du Ciel, à la consolatrice des affligés, que tout un peuple allait adresser ses supplications. Le dimanche 4 novembre, partant de l'église Saint-Louis, une procession solennelle, à laquelle assistaient toutes les autorités civiles et militaires, se déroulait lentement à travers les rues de la ville, escortant la statue de Marie et faisant monter vers le ciel ce cri de douleur et d'espoir "Parce, Domine, parce populo tuo ".Après avoir parcouru les quartiers de la Marine et ceux de la haute ville, elle franchit le ravin Raz-el-Aïn, sortit des remparts par la porte du Santon et monta jusqu'au plateau qui s'étend presque à mi-hauteur de la montagne.
Rien ne saurait dépeindre le spectacle solennel qui s'offrit alors aux regards les porteurs déposent la statue sur un trône improvisé ; les milliers de fidèles qui lui ont fait cortège se jettent à ses pieds, et de toute part, on entend les gémissements et les supplications monter vers le ciel.
"Notre-Dame de Santa-Cruz, ayez pitié de nous, sauvez-nous ! " Comment la Mère de miséricorde aurait-elle pu résister à des appels si pressants ? A peine la procession s'est-elle remise en marche que la pluie, cette pluie si impatiemment attendue, se déclare enfin et tombe bientôt en abondance. C'est le salut. Le fléau cesse dès lors ses attaques et, quelques jours après, la ville est complètement délivrée.
Dans son éditorial du 9 novembre, l'Echo d'Oran, qui vient tout juste de naître, annonce "Grâce à Dieu, l'épidémie a cessé "
Afin de perpétuer le souvenir du "Miracle de la pluie" du 4 novembre 1849, une chapelle doit être construite.
C'est encore le général Pélissier qui s'énerve. Cette fois contre les ronds-de-cuir du Génie militaire d'Algérie, qui refusent de céder une parcelle de terrain de l'armée la pointe du rocher situé entre le fort Saint Grégoire et celui de Santa-Cruz. Là, la chapelle et la statue de la Vierge, prévues pour perpétuer le souvenir du " Miracle de la pluie " du 4 novembre 1849, domineraient pourtant tout Oran et seraient vues de tous ses quartiers. Un autre emplacement est proposé par les militaires, mais la commission créée pour la réalisation du Sanctuaire le refuse car moins spectaculaire, moins prestigieux. Alors le général Pélissier, désespérant de convaincre ses supérieurs du cru, les court-circuit et obtient finalement des autorités militaires parisiennes le maintien du projet initial par décision du Ministre de la Guerre en date du 20 janvier 1850, une parcelle de 560 m2 est cédée et affectée au culte catholique.
Monseigneur Pavy, évêque d'Alger en visite à Oran, encourage les projets de la commission, dont l'Écho d'Oran a publié, dès le 28 novembre 1849, la liste des membres. S'y retrouvent toutes les personnalités de la ville, qui se sont placées sous la présidence du général Pélissier. Une souscription est ouverte, et, très vite, les offrandes affluent, tant en argent qu'en propositions de travail, dons de matériaux ou prêts de véhicules. Les plans sont établis, prévoyant un petit oratoire d'architecture simple, une tour et une niche destinée à la statue de Notre-Dame-du-Salut. Et les travaux commencent et avec eux, les premières difficultés.
Notamment, comment amener l'eau et les matériaux à 400 m d'altitude jusqu'à l'éperon rocheux sans route, sans chemin, sans même un petit sentier?
Déjà, la construction du fort de Santa-Cruz par les Espagnols, au siècle précédent, avait failli être abandonnée l'eau contenue dans des outres et tous les matériaux avaient dû être montés à dos d'homme Là, il va falloir créer un sentier contournant la montagne pour rendre le site accessible par des pentes adoucies à coups de tirs de mines et de remblais audacieux. Cet accès à peine achevé, la première pierre du chantier est posée. Fin avril 1850, la chapelle est sortie de terre. L'inauguration du sanctuaire, pourtant encore inachevé, a lieu le 9 mai, jour de l'Ascension.
Notre-Dame du Salut va pouvoir monter en son nouvel oratoire et les Oranais lui exprimer leur vive et pieuse reconnaissance. La ville entière est fidèle au rendez-vous. Les gens sont joyeux. Émus aussi à la pensée des disparus, victimes du choléra. Le brouhaha s'amplifie, fait d'interpellations, de cris, de prières. Et, soudain, le silence la statue de la Vierge - don d'une sainte femme de la ville - paraît sur son trône de gloire...
Alors carillonnent les cloches, tonnent les canons, s'élèvent les cantiques ! Marie s'avance sur un char fleuri, suivi par Monseigneur Pavy, le clergé, les autorités civiles et militaires et une immense procession d'Oranais en prière d'action de grâce. On approche du sommet, déjà noir de monde. Le sentier ne permet plus la progression du char ? La statue passe sur les épaules des robustes pêcheurs qui l'encadraient ! Son arrivée sur la plate-forme déclenche une ovation qui retentit jusqu en ville. L'évêque d'Alger, avec tout le cérémonial voulu, installe en son nouveau sanctuaire, l'image de Celle qu'il vient d'établir gardienne de la Cité.
Hélas ! Réalisé un peu à la hâte, ce sanctuaire s'écroulera le 8 mars 1851. Mais il sera reconstruit et fêté dès le mois de mai suivant pour l'Ascension.
En 1873 et 1874, une grande tour, surmontée d'une statue géante de la Vierge viendra compléter le nouvel édifice. De ce sommet, Notre-Dame du Salut, devenue Notre-Dame de Santa-Cruz, veillera et protégera les Oranais qui l'honoreront de réguliers pèlerinages. Ils lui feront même, en 1949, parcourir toute l'Oranie pour fêter le centenaire du "Miracle de la Pluie ".
C'est en 1945 que Monseigneur Bertrand Lacaste prit en main le diocèse d'Oran. Il allait occuper ce siège épiscopal pendant 28 ans, au cours desquels il consacra beaucoup d'attention et de soins au Sanctuaire, dont il développa grandement le renom.
Les Statues de Notre Dame de Santa-Cruz