« Etat AVANT Sidi Bou Saïd - Ville » : différence entre les versions

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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Sidi-Bou-Said dont les blancheurs, sur le faite de l'ancien Cap de Carthage provoquent, de loin, en mes souvenirs, une vision réduite d'Alger aperçue de deux milles en mer.
Après une montée de trois kilomètres, nous atteignons les premières maisons du village et la fontaine publique où, pêle-mêle, se désaltèrent une troupe d'ânes et de chameaux chargés de charbon. Force nous est d'abandonner notre voiture pour grimper à pied la rue principale pavée et presque à pic.
A peine cinq ou six boutiques d'épiciers, de kaoutji et de marchands d'huile dont les propriétaires, accroupis sur le seuil, écoutent, prostrés, la lecture d'un livre faite par l'un d'eux, d'une voix rude, monocorde.
Notre irruption ne semble nullement les importuner. C'est tout au plus si leurs yeux daignent se relever de terre pour nous toiser au passage.
Puis ce sont de belles maisons mauresques aux. fenêtres étroitement grillagées et par lesquelles nous pressentons, dardés sur nous, des regards de belles oisives, d'éternelles cloîtrées. Les portes d'entrée, ogivales, sont presque toutes peinturlurées en vert ou en bleu, blindées d'énormes clous et de ferrures ouvragées.
Toutes les murailles sont blanches, uniformément blanches, et; de loin en loin, dans l'intervalle entre deux maisons, éclate au bas du promontoire l'émeraude resplendissante de la Méditerranée.
Dans les ruelles, d'une rigoureuse propreté, partout, un silence lourd, s'affale, un silence incendié de soleil, aveuglé de clartés cruelles.
On se croirait errant par quelque cité de conte oriental, cité déserte, hallucinante, abandonnée d'un peuple couru aux aventures très lointaines, aux aventures d'où jamais nul ne revint.
Etreints nous-mêmes parce silence, écrasés sous cette averse de feu, nous marchons, sans paroles, sans entrain, rebutés presque, et nos regards abandonnés flottent sur le panorama soudain déroulé de Carthage à La Goulette et au Lac Bahira, jusqu'aux cimes irradiées du Zaghouan.
Marcel MOUTON - 1896

Version du 13 mars 2006 à 13:06

Sidi Bou Saïd

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TUNISIE

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Sidi Bou Saïd | Historique
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Sidi-Bou-Said dont les blancheurs, sur le faite de l'ancien Cap de Carthage provoquent, de loin, en mes souvenirs, une vision réduite d'Alger aperçue de deux milles en mer.

Après une montée de trois kilomètres, nous atteignons les premières maisons du village et la fontaine publique où, pêle-mêle, se désaltèrent une troupe d'ânes et de chameaux chargés de charbon. Force nous est d'abandonner notre voiture pour grimper à pied la rue principale pavée et presque à pic.

A peine cinq ou six boutiques d'épiciers, de kaoutji et de marchands d'huile dont les propriétaires, accroupis sur le seuil, écoutent, prostrés, la lecture d'un livre faite par l'un d'eux, d'une voix rude, monocorde.

Notre irruption ne semble nullement les importuner. C'est tout au plus si leurs yeux daignent se relever de terre pour nous toiser au passage.

Puis ce sont de belles maisons mauresques aux. fenêtres étroitement grillagées et par lesquelles nous pressentons, dardés sur nous, des regards de belles oisives, d'éternelles cloîtrées. Les portes d'entrée, ogivales, sont presque toutes peinturlurées en vert ou en bleu, blindées d'énormes clous et de ferrures ouvragées.

Toutes les murailles sont blanches, uniformément blanches, et; de loin en loin, dans l'intervalle entre deux maisons, éclate au bas du promontoire l'émeraude resplendissante de la Méditerranée.

Dans les ruelles, d'une rigoureuse propreté, partout, un silence lourd, s'affale, un silence incendié de soleil, aveuglé de clartés cruelles.

On se croirait errant par quelque cité de conte oriental, cité déserte, hallucinante, abandonnée d'un peuple couru aux aventures très lointaines, aux aventures d'où jamais nul ne revint.

Etreints nous-mêmes parce silence, écrasés sous cette averse de feu, nous marchons, sans paroles, sans entrain, rebutés presque, et nos regards abandonnés flottent sur le panorama soudain déroulé de Carthage à La Goulette et au Lac Bahira, jusqu'aux cimes irradiées du Zaghouan.

Marcel MOUTON - 1896