« TABARQUINS – L’ODYSSEE 1541-1798 » : différence entre les versions

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962
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Tandis qu’en Europe continentale les ambitions de Charles Quint, rêvant de constituer un empire universel, se heurtent à l’opposition et au refus de François 1er, ainsi qu’aux prétentions françaises portant sur les états italiens, le royaume d’Espagne dévolu à Charles Quint veut poursuivre à la fois en Méditerranée son action de reconquête chrétienne, et aux Amériques, l’extension de son empire colonial sous couvert de diffusion du christianisme, non sans commencer à se heurter aux ambitions commerciales et coloniales des autres puissances européennes dont l’appétit s’éveille.<br>D’ailleurs Charles Quint après avoir donné un coup d’arrêt éphémère à la progression ottomane en évinçant Kayr Ed Dine de Tunis en 1535, va se briser sur Alger en 1541 avec l’armada qu’il a réuni, composée par l’ensemble des états chrétiens de Méditerranée (moins la France).<br>Par la suite la Réforme, partie d’Europe du Nord et Centrale avec Luther, va mobiliser une importante partie des forces des souverains chrétiens, notamment celles de l’Empereur poussé par la papauté à lutter contre le protestantisme et sa propagation – les premiers affrontements armés commencent en 1529, et en 1533 Calvin arrive à Genève -.<br>Enfin les états italiens après avoir tirés parti de l’impulsion militaire et économique des croisades (besoins financiers, demandes de logistique, ouvertures de routes de commerce) ne parviennent ni à compenser totalement par leurs talents maritimes, financiers et commerciaux, leurs faiblesses résultant de leur trop petites tailles, ni ne peuvent se permettre d’affronter seuls et à la fois, la poussée vers l’occident de l’empire ottoman, l’avidité des puissances européennes, et le harcèlement incessant de la piraterie ou de la course à qui les puissances chrétiennes trop focalisées sur leurs conflits européens ont laissé le champ pratiquement libre en méditerranée .<br>Les pirates et corsaires connaissent alors une prospérité sans précédent dont la pression restera soutenue jusqu'au milieu du XIXème siècle, et dont la tradition fleuri sporadiquement jusqu’à nos jours sur les anciennes routes de commerce maritimes arabes (Tunisie[00]], mer Rouge, détroit de Malacca, Indonésie, mer de Chine)<br>Ainsi assiste t-on parfois à des alliances conclues conte nature en apparence, mais reposant sur le pragmatisme d’intérêts circonstanciels bien compris de part et d’autre. Aussi voit-on des pirates devenir corsaires lorsqu’ils se soumettent à l’autorité d’un Etat, si celle-ci a suffisamment de poids pour s’imposer [0]&nbsp;: Certains pirates ou corsaire, démontrant en outre de telles aptitudes comme administrateurs, qu’ils parviennent même a être promus commandant en chef de la flotte d’états souverains et en élargissent les zones d’influence en administrant les conquêtes réalisées sous la bannière de telle puissance, ou appuient leurs opérations militaires. <br>Ces puissances non seulement en retirent de confortables bénéfices (l’empire ottoman aurait difficilement pu faire face à la charge de ses conquêtes et à l’entretien de son armée de janissaires sans le produit de la course) , mais aussi détournent vers l’adversaires les nuisances que pirates et corsaires ne manquent pas d’occasionner. Aucun Etat n’a renoncé alors officiellement aux bénéfices de la course. <br>
Tandis qu’en Europe continentale les ambitions de Charles Quint, rêvant de constituer un empire universel, se heurtent à l’opposition et au refus de François 1er, ainsi qu’aux prétentions françaises portant sur les états italiens, le royaume d’Espagne dévolu à Charles Quint veut poursuivre à la fois en Méditerranée son action de reconquête chrétienne, et aux Amériques, l’extension de son empire colonial sous couvert de diffusion du christianisme, non sans commencer à se heurter aux ambitions commerciales et coloniales des autres puissances européennes dont l’appétit s’éveille.<br>D’ailleurs Charles Quint après avoir donné un coup d’arrêt éphémère à la progression ottomane en évinçant Kayr Ed Dine de Tunis en 1535, va se briser sur Alger en 1541 avec l’armada qu’il a réuni, composée par l’ensemble des états chrétiens de Méditerranée (moins la France).<br>Par la suite la Réforme, partie d’Europe du Nord et Centrale avec Luther, va mobiliser une importante partie des forces des souverains chrétiens, notamment celles de l’Empereur poussé par la papauté à lutter contre le protestantisme et sa propagation – les premiers affrontements armés commencent en 1529, et en 1533 Calvin arrive à Genève -.<br>Enfin les états italiens après avoir tirés parti de l’impulsion militaire et économique des croisades (besoins financiers, demandes de logistique, ouvertures de routes de commerce) ne parviennent ni à compenser totalement par leurs talents maritimes, financiers et commerciaux, leurs faiblesses résultant de leur trop petites tailles, ni ne peuvent se permettre d’affronter seuls et à la fois, la poussée vers l’occident de l’empire ottoman, l’avidité des puissances européennes, et le harcèlement incessant de la piraterie ou de la course à qui les puissances chrétiennes trop focalisées sur leurs conflits européens ont laissé le champ pratiquement libre en méditerranée .<br>Les pirates et corsaires connaissent alors une prospérité sans précédent dont la pression restera soutenue jusqu'au milieu du XIXème siècle, et dont la tradition fleuri sporadiquement jusqu’à nos jours sur les anciennes routes de commerce maritimes arabes (Tunisie[00]], mer Rouge, détroit de Malacca, Indonésie, mer de Chine)<br>Ainsi assiste t-on parfois à des alliances conclues conte nature en apparence, mais reposant sur le pragmatisme d’intérêts circonstanciels bien compris de part et d’autre. Aussi voit-on des pirates devenir corsaires lorsqu’ils se soumettent à l’autorité d’un Etat, si celle-ci a suffisamment de poids pour s’imposer [0]&nbsp;: Certains pirates ou corsaire, démontrant en outre de telles aptitudes comme administrateurs, qu’ils parviennent même a être promus commandant en chef de la flotte d’états souverains et en élargissent les zones d’influence en administrant les conquêtes réalisées sous la bannière de telle puissance, ou appuient leurs opérations militaires. <br>Ces puissances non seulement en retirent de confortables bénéfices (l’empire ottoman aurait difficilement pu faire face à la charge de ses conquêtes et à l’entretien de son armée de janissaires sans le produit de la course) , mais aussi détournent vers l’adversaires les nuisances que pirates et corsaires ne manquent pas d’occasionner. Aucun Etat n’a renoncé alors officiellement aux bénéfices de la course. <br>


*ATTIBUTION, STATUT, PEUPLEMENT ET PROSPERITE DE L ‘ÎLE<br>
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**ATTRIBUTION de L’ÎLE,- Le prix d’une infamie&nbsp;?<br>
 
*ATTIBUTION, PEUPLEMENT ET PROSPERITE, STATUT DE L‘ÎLE<br>
**ATTRIBUTION de L’ÎLE,- Le prix d’une infamie&nbsp;?


Ainsi, il n’y a rien d’anormal dans un tel contexte, à ce que les Lomellini se soient entremis entre les Doria, et Barberousse (Khayr Ed Dine) intercédant avec succès en faveur de la libération du corsaire turc Dragut , moyennant paiement de rançon.<br>Les Doria, précisément le neveu du grand Andrea Doria, Giannettino Doria, avaient capturé Dragut en 1540 près de la Corse, et l’avaient mis aux galéres, n’écartant pas l’idée d’en obtenir une rançon . Ils contrevenaient au prudent usage d’élimination physique des corsaires ou pirates lors de leur capture.<br>Cette intermédiation relevait en définitive de l’ordinaire des transactions dans le cadre de rançonnement devenu commun en Méditerranée depuis que les dey d’Alger et Bey de Tunis y multipliaient les razzias. Seuls les termes de l’échange s’avéraient extraordinaires.  
Ainsi, il n’y a rien d’anormal dans un tel contexte, à ce que les Lomellini se soient entremis entre les Doria, et Barberousse (Khayr Ed Dine) intercédant avec succès en faveur de la libération du corsaire turc Dragut , moyennant paiement de rançon.<br>Les Doria, précisément le neveu du grand Andrea Doria, Giannettino Doria, avaient capturé Dragut en 1540 près de la Corse, et l’avaient mis aux galéres, n’écartant pas l’idée d’en obtenir une rançon . Ils contrevenaient au prudent usage d’élimination physique des corsaires ou pirates lors de leur capture.<br>Cette intermédiation relevait en définitive de l’ordinaire des transactions dans le cadre de rançonnement devenu commun en Méditerranée depuis que les dey d’Alger et Bey de Tunis y multipliaient les razzias. Seuls les termes de l’échange s’avéraient extraordinaires.  
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Les Lomellini proposèrent par priorité l’immigration sur l’île de Tabarka à la population ligure les entourant à Pegli&nbsp;:  
Les Lomellini proposèrent par priorité l’immigration sur l’île de Tabarka à la population ligure les entourant à Pegli&nbsp;:  


La première vague d’immigrant génois fut composée de 471 personnes accompagnées de leurs familles comportant notamment&nbsp;:<br>272 corailleurs<br>1 gouverneur<br>1 chef d’entrepôt<br>1 cantonnier<br>80 manœuvres<br>32 artisans <br>70 soldats<br>5 caporaux<br>1 lieutenant, etc... La cession de l'île à Francesco Grimaldi e a Francesco Lomellini avec les droits de pêche y attenant, ainsi que divers autres droits, a été confirmée en 1547 moyennant une redevance payée au seigneur d’Alger Alah Rais .<br>Cette redevance sera réglée selon les alea de l’histoire parfois à Alger, plus souvent à Tunis, voire au deux autorités ottomanes. <br>La redevance a été progressivement révisée à la hausse [2] Peu après, à la suite du retrait progressif espagnol de la Méditerranée, les Grimaldi ont quitté ‘l’association’, laissant pour principaux propriétaires exploitants les Lomellini.&lt;/center&gt;
La première vague d’immigrant génois fut composée de 471 personnes accompagnées de leurs familles comportant notamment&nbsp;:<br>272 corailleurs<br>1 gouverneur<br>1 chef d’entrepôt<br>1 cantonnier<br>80 manœuvres<br>32 artisans <br>70 soldats<br>5 caporaux<br>1 lieutenant, etc... La cession de l'île à Francesco Grimaldi e a Francesco Lomellini avec les droits de pêche y attenant, ainsi que divers autres droits, a été confirmée en 1547 moyennant une redevance payée au seigneur d’Alger Alah Rais .<br>Cette redevance sera réglée selon les alea de l’histoire parfois à Alger, plus souvent à Tunis, voire au deux autorités ottomanes. <br>La redevance a été progressivement révisée à la hausse [2] Peu après, à la suite du retrait progressif espagnol de la Méditerranée, les Grimaldi ont quitté ‘l’association’, laissant pour principaux propriétaires exploitants les Lomellini.  
 
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&nbsp;STATUT
 
Le statut juridique de l’île était passablement complexe&nbsp;: l’île se situe aux limites des zones d’influence d’Alger et de Tunis, occupée à la fin du moyen âge par des espagnols qui tenaient un place de choix dans les échanges commerciaux du bassin méditerranéen occidental (l’autorité arbitrale de la Lloja, bourse de commerce de Barcelone, était largement admise par les commerçants et armateurs méditerranéens&nbsp;; elle jetait ainsi les bases d’un droit maritime international)&nbsp;:
 
En terme de souveraineté l’île relevait logiquement de la couronne d’Espagne du fait de l’occupation espagnole lors de l’accès au pouvoir de Charles Quint en sa qualité de roi d’Espagne . <br>Les Lomellini en étaient propriétaire à titre ’privé’ et détenaient surtout, aux côtés de leurs associées, les droits de pêche sur les bancs coralliens alentour,<br>La famille Lomellini exerça de fait quasiment tout le pouvoir sur la population de l’île . <br>Elle nommait le gouverneur qui, outre ses fonction d’administrateur, de pourvoyeur en approvisionnement, exerçait les fonctions de police et de justice.<br>Les décisions de ‘justice’ du gouverneur étaient soumises aux Lomellini qui choisissaient de transmettre ou non la décision du gouverneur à l’appareil judiciaire, lequel in fine confirmait ou réformait la décision d’origine[2].<br>Les question de droit privé relevaient des tribunaux de Milan, Castiglia (Sardaigne) et Naples .
 
Cependant le gouverneur de l’île devait prêter serment de fidélité au roi d’Espagne devant son ambassadeur à Gênes. Cet usage traduisait bien toute l’ambiguïté du statut de l’île.<br>Le gouverneur accordait aux habitants les autorisations de mariage sur l’île , dont l’exiguïté n’autorisait qu’un peuplement maîtrisé.<br>Le versant Est de l’île était protégé par une tour octogonale placée en son centre tandis que les entrepôts et magasins bénéficiaient de la protection d’une batterie et de deux fortins .<br>La paroisse de l’île a été directement rattachée à l’Archevêque de Gènes jusqu’en 1756 (en dépit du saccage de 1742).
 
L’assimilation de Tabarka à une zone franche informelle [2.1] semble particulièrement pertinente. Le comptoir, était éloigné des pôles de pouvoir turc nord-africains (Alger et Tunis)&nbsp;: Cet établissement était normalement régi e pour les questions de droit public par l’Espagne du fait de son occupation sporadique d’origine, tandis qu’en terme de doit privé les génois, chez qui la confusion entre affaires publiques et commerciales était communément admise, en assuraient l’administration , l’exploitation et le peuplement permanent, <br>De fait on verra les Lomellini payer s des redevances d’exploitations imultanément à Alger et à Tunis.
 
En définitive ce sera le droit du plus fort qui prévaudra jusqu’ à la fin de la colonie génoise, donc celui des affaires, tant que celles-ci donneront satisfactions à toutes les parties. La stabilité de Tabarka n’a reposé pendantplus de deux siècles que sur le partage des bénéfices retirés de son exploitation:
 
<br>** PROSPERITE DE L’ILE ET DES LOMELLINI
 
Les Lomellini retirait de substantiels revenus non seulement de l’exploitation corallienne très profitable, mais encore du négoce des produits provenant de l’arrière pays tunisien&nbsp;: En effet les génois de Tabarka étaient de bons marins et pêcheurs, mais aussi ajoutaient- ils à leur courage les compétences de bons commerçants. Ils firent en même temps que leur prospérité, la fortune des Lomellini&nbsp;;<br>Une branche de cette famille changea son nom de Lomellini di Pegli en Lomelini di Tarbarca, traduisant ainsi la bonne fortune dégagée de l’île.<br>Une partie de cette richesse fut consacrée à des embellissement de la ville fondatrice, Pegli qu’ils dotèrent de nombreux palais (certains demeurent encore debout)
 
<br>PEGLI- Villa Rostan Lomellini<br>Imagine da E. Perazzo
 
<br>Lorsque le rendement du banc corallien s’amenuisa par suite de son épuisement progressif et de la dégradation des conditions d’exploitations, les Lomellini cherchèrent en vain, en 1718 à céder leur droits aux espagnols, puis l’année suivante sous-louèrent l’île pour 10 ans à Giacomo Filippo Durazzo et Giambattista Cambiaso&nbsp;: Le contrat ne fut pas renouvelé à son terme compte tenu de sa rentabilité insuffisante.<br>Par la suite Giacomo Lomellini exploita l’Île 8 Années durant puis elle fut affermée moyennant une rente annuelle de 200 000 lires au génois Giovanni Antonio Giano &lt;ref&gt; [1] &lt;/ref&gt; jusqu’à l’intervention du Bey de Tunis .
 
<br>* LES INGERENCES
 
**L’INGERENCE FRANÇAISE<br>De longue date la France avait manifesté son intérêt pour cette zone et ce type d’activité car dès 1561 elle avait créé un comptoir concurrent dédié à la pêche du corail&nbsp;: Bastion de France, situé à peu de distance de [[La Calle|La Calle]] (El Qala), autre établissement de pêche et de commerce fondé sur l’actuel territoire d’Algérie, non loin de Bône (Annaba) .<br>Le comptoir de [[Bastion de France|Bastion de France]] était régi par une famille Corse-Marseillaise , ayant obtenu du Dey d’Alger la concession de la pêche du corail moyennant une redevance, et placée sous la protection de la monarchie française. <br>Ainsi s’y établit la Compagnie Royale d’Afrique. Longtemps profitable, elle fusionna plus tard avec la célèbre Compagnie des Indes .<br>Ce comptoir épousait l’hostilité de la France envers Gènes à la suite de la défection de la République vis-à-vis de François 1er et du retournement de l’alliance de Gènes en faveur de l’Espagne,<br>Les français avaient donc connaissance, non sans la jalouser, de la bonne fortune des tabarquins rivaux et adversaires, et souhaitaient s’approprier leurs sources de revenus. <br>Une première tentative d’investir Tabarka par la force fut éventée en 1633 . La surdité du roi de France aux protestations élevées par les Lomellini reste compréhensible et les incidents se multiplièrent au cours des années suivantes .
 
Cependant, les forces maritimes génoises s’affaiblissaient. Le sort de la colonie de Tabarka devint de plus en plus fragile et moins attractif. Tandis que les redevances exigées tant par le dey d’Alger que le bey de Tunis ne cessèrent d’être révisées à la hausses. Toutes ces raisons incitèrent les Lomellini à vouloir se défaire de leur concession entre les mains espagnoles au début du XVIIème siècle
 
*L’INTERVENTION BEYLICALE - 1742<br>L’Echec des premières tractions menées avec les espagnols laissait le champ libre à l’intérêt pour le comptoir génois manifesté par les français de la compagnie Royale d’Afrique Ils souhaitaient élargir leur domaine d’activité. Des pourparlers secrets furent donc entamés dans la première moitié du XVIIème siècle .
 
Le bey de Tunis Ali Pacha eu connaissance de ces tractations secrètes, proches de leurs conclusion en 1741 et en prit d’autant plus ombrage que Tunis envisageait de reprendre à son compte l’exploitation directe des coraux de Tabarka et ne considérait pas favorablement la venue des français&nbsp;:<br>Sous le couvert de régler des questions de détails laissées en suspens, il dépêcha en 1742 huit goélettes vers l’île, conduites par son neveu Younes Bey. Les principaux défenseurs de Tabarka invités à bord tombèrent dans un piége et furent jetés immédiatement aux fers. Ainsi les troupes d’Ali Pacha n’eurent aucune peine à investir l’île et à capturer hommes, femmes et enfants. Ces captifs au nombre de 900, furent transportés à Tunis et réduits en esclavage ou rançonnés, tandis que tout fut saccagé ou détruit sur l’île&nbsp;: fortifications, habitations , chapelle des capucins (établis sur l’île depuis 1636).
 
Cependant l’attrait du comptoir ne s’était pas éteint&nbsp;: on note encore des mariages et naissances de génois-tabarquins après les destructions de 1742 indiquant la persistance d’une petite communauté génoise qui finit par disparaître de l’île au profit de celle s’étant entre temps constituée à Tunis. <br>En 1781 la ‘Compagnie d’Afrique’ pu t s’installer.sur Tabarka .
 
<br>* L’ECLATEMENT DES TABARQUINS APRES L’ASSAUT DE 1742
 
Tandis que ces captifs de Younes Bey étaient conduits en esclavage vers les bagnes de Tunis, quelques fuyards purent, dans un premier temps, atteindre La Calle grâce à leurs barques de pêche et se réfugièrent temporairement chez les français. Enfin quelques tabarquins ont pu rester sur place après le saccage.,
 
**Le sort des tabarquins de Tunis - Bagne ou rançon<br>Les huit cent quarante-deux captifs [3] furent entassés dans les bagnes de Tunis déjà surpeuplés, Ils furent secourus non sans peine par les représentants religieux des capucins dont l’action était communément admise dans les bagnes&nbsp;: les archives conservent la trace des arrérages du prêt sur gage alors consenti aux capucins par le consul des Pays Bas à Tunis, emprunt contracté afin de secourir le soudain afflux d’esclaves.
 
«&nbsp;…(le) Père Antonin de Novellara, vit arriver ces pauvres captifs presque nus pour la plupart, sans argent, sans provisions, et les bagnes étaient déjà tout remplis.<br>Touché de pitié, le bon Préfet mit en gage l'argenterie, les ornements, les chandeliers de l'église, et jusqu'à la relique de la vraie croix, renfermée dans un reliquaire de cristal orné d'argent. Afin de pouvoir alimenter, vêtir et abriter tant de malheureux, il compromit encore les dépôts d'argent que les esclaves lui avaient confiés.&nbsp;» [3]
 
Les bagnes de Tunis, dont le nombre et la capacité ont varié dans le temps [4], n’avaient rien de comparable ni avec celui de Cayenne, ni avec ceux du Club Méd.&nbsp;: chaque bagne comportait sa chapelle desservie par quelque prêtre, d’un ordre caritatif quelconque, chargés de secours moraux et physiques.<br>On peut s’étonner de cette tolérance vis-à-vis de missionnaires chrétiens développée au sein d’un monde où l’islam était bien ancré. Cependant le Coran enjoint expressément de prendre soin des esclaves [4.1], de plus il vaut mieux détenir un esclave en ordre de marche et négociable, qu’un esclave improductif , voire pas du tout d’esclave.
 
Les bagnes servaient plutôt de prison de nuit, et les esclaves avaient la possibilités de détenir des biens propres (accumulés avec l’espoir de pouvoir un jour s’acquitter de sa rançon).<br>Chacun des bagnes également doté de taverne -rares endroits où le vin était vendu dans ce monde islamisé- était souvent assimilé à un lieu de débauche. Leur insalubrité notoire réduisaient considérablement les espérances de vie. <br>Dans la Médina de Tunis, ces bagnes jouxtaient souvent des fondouks, ensembles architecturaux fermés sur l’extérieur qui abritèrent des consulats, des négociants européens et leurs famille , et des entrepôts pour les marchandises. Ainsi il n’était pas rare à Tunis qu’européens libres côtoient européens en servitude,
 
**La diaspora <br>La libération des esclaves était subordonnée au paiement d’une lourde rançon .<br>Il est probable de rares captifs de l’assaut de 1742 aient pu tôt recouvrer la liberté et se soient joints au gros des fuyards estimés selon les sources à un nombre se situant entre 370 et 500 personnes [5]&nbsp;: ils avaient pris la fuite aux moyen des barques des corailleurs, en se dirigeant vers La Calle distante d’une trentaine de kilomètres.<br>Cependant la fuite vers le comptoir français et son satellite Bastion de France, ne pouvait être qu’une étape car chacun des comptoir était tenu par des français ne souhaitant qu’évincer et supplanter les tabarquins, quand bien même l’agression de l’île de Tarbarka désignait clairement l’ennemi commun. Ce ne pouvait donc être qu’une étape. On retrouve quelque noms tabarquins-ligures dans le peuplement de ces comptoirs français&nbsp;: Toutefois la présence de ces patronymes peut aussi bien s’expliquer par l’exiguïté et par la proximité de l’île de Tabarka incitant certains de ses habitants à changer de localisation&nbsp;: le besoin de main d’œuvre a pu justifier certaine osmose.
 
***Les poussières de la constellation tabarquine
 
****En Tunisie – à Tabarka et à Tunis<br>Comme l’attestent les naissances et la persistance de la paroisse (maintenue jusqu’en 1756) quelques tabarquins demeurèrent ou revinrent sur place, peut être après avoir été protégés par la population tunisienne établie sur la côte avec laquelle de bonnes relations de voisinage auraient pu être nouées auparavant et au fil du temps pour les besoins d’approvisionnements des tabarquins .<br>Leurs expertise - connaissances commerciale et de l’exploitation du corail- a sans doute justifié de les épargner et de les maintenir sur place afin d’assurer la poursuite des activités&nbsp;: Dans tous les cas ces tabarquins demeuraient captifs de l’île, pratiquement comme par le passé, sauf à changer de maîtres, mais peut être pas dans de pires conditions,<br>Les premiers prisonniers disposant d’assez de ressources pour régler sans tarder le prix de leur rançon se trouvèrent sans doute parmi ces survivants qui surent rapidement tirer parti de leurs talents en s’engouffrant par la porte de sortie laissée ouverte par les musulmans. Ils y parvinrent peut être aussi avec l’aide des capucins, mais ces gens de condition modeste pour la plupart ne suscitèrent que peu de compassion et de secours de la part des puissances européennes.<br>Certains demeurèrent à Tunis et La Goulette en nombre suffisant pour constituer une petite communauté où leurs coutumes survécurent un certain temps. Leur plurilinguisme, leurs traditions commerciales, leurs aptitudes spécifiques furent certainement leurs meilleures sauvegardes.<br>Cette communauté a pu accueillir en son sein les rares esclaves parvenant à se libérer des bagnes.<br>En tout état de cause la durée de captivité a rarement dû excéder plus d’une dizaine d’années du fait de l’insalubrité des bagnes et de conditions de vie très difficiles
 
****En Corse<br>Bien , qu’elle fut encore possession génoise, la Corse n’est pas apparue aux rescapés comme une terre d’accueil très séduisante. Depuis 1729 l’île de Beauté était entrée en insurrection permanente contre l’autorité génoise jusqu’en 1769, année où la République de Gènes épuisée par ces conflit sans intérêts céda l’île à la France.<br>Néanmoins , Bonifacio, jouissant de remarquables défenses naturelles, ainsi que d’une large autonomie, aurait recueilli quelques familles de tabarquins. Cette place forte, d’abord libre puis dépendance génoise comportant déjà une importante colonie génoise depuis le XIIIème siècle, pouvait apparaître à juste tittre comme un havre bien défendu.
<center>ONIFACIO – Source&nbsp;: WIKIPEDIA COMMONS </center>
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Version du 9 juin 2008 à 18:08

TABARQUINS – L’ODYSSEE 1541-1798

  • L’ILE de TABARKA - LE DECOR

L’île se trouve au nord de la Tunisie, près de la zone de petite montagne de la Kroumirie, dans le Tell septentrional. Une de quinzaine de kilomètres la sépare de l’actuelle frontière avec algérienne. Elle est distante de 400 mètres du rivage continental, plantée en face du port de Tabarka, ancienne échelle punique, qui dès l’époque romaine assurait les exportations du marbre de Chemtou, d’huile d’olive, de denrées agricoles provenant du nord de la riche plaine de Jendouba, d’animaux, puis plus tard du liége récolté dans les montagnes d’arrière pays couvertes de forêts de chêne-liége et giboyeuses.
Elle sert déjà de base pour le rachat d’esclaves chrétiens.


Tabarka1-1-.jpg
ÎLE DE TABARKA - LE FORT GENOIS
Source: http://fr.wikipedia.org/wiki/User:Sadok.gharbi
License : CC-BY-SA-2.5.


La côte de l’île est rocheuse et assez escarpée, à l’instar de la côte continentale.La zone côtière offre un paysage de collines au relief moins accentué que celui de la Kroumirie. La côte s’avère parfois spectaculairement accidentée et révèle une beauté sauvage.
L’île a une dimension approximative de 800 mètres de long sur 500 de large, avec une circonférence d’environ 4 kilomètres. Sa superficie est d’environ 25 hectares :
Depuis 1940 elle est physiquement rattachée au continent par une bande de sable à présent bâtie, large d’environ une centaine de mètres. Il ne subsiste aucune trace immédiatement significative de son peuplement, en dehors du fort génois dont une partie demeure aujourd’hui utilisée par l’armée tunisienne.

Les habitants de l’île se sont appelés tabarquins(tabarchini), à ne pas confondre avec la population du port continental de Tabarka, dénommés tabarquois .


  • CONTEXTE ECONOMIQUE

Le port de Tabarka, à la fin du moyen âge arabe était entré dans un relatif sommeil, voire en récession .
En revanche les fonds marins proches de l’île étaient réputés pour la richesse de ses coraux, selon des sources littéraires arabes du Xème siècle [000] .
Dés la moitié du XIIème siècle des pécheurs et commerçants pisans commercialisent puis exploitent le banc de coraiL, Des traités leur en concédant la pêche sont passés et renouvelés du XIIème au XIVème siècles; quelques rares familles de pêcheurs semblent s’être établies de façon permanente sur l’île.
Le banc corallien est alors riche et aisément exploitable : la collecte des madrépores peut encore être faite à moins de 60 mètres de profondeur :
Le déclin de Pise aidant, les premiers pêcheurs sont alors remplacés par des espagnols.
On utilisait d’importantes quantités de filets lestés pour récupérer les précieuses branches de madrépores en raclant les parois rocheuse. Ce mode de pêche, dommageable pour l’environnement, est toujours pratiqué de nos jours en dépit de la casse qui l’accompagne.


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«LES AIGUILLES » - Côte de Tabarka                                                     CORALLIUM RUBRUM
Cliché : Wikipedia.fr, auteur : Asram                              Famille : cœlentéré – classe : Madrépores

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                                                                                                                     Source : Wikipedia.fr, auteur : Asram


Le poste de dépense que représentait le remplacement de ces filets et les cordages était le second en importance après le coût de la barque de pêche elle-même acquise ou louée,
L’usage était de pêcher le matin , et de faire sécher et réparer les filets dans l’après midi.
A l’instar de ce que relève P: Goudin pour le comptoir voisin de Marsacares [0000], la pêche devait s’inscrire, dans des cadres juridiques à ‘géométrie variables’ selon la propriété des barques (concessionnaire, maître pêcheur, association de pêcheurs tiers) et le mode de rétribution des pêcheurs d’une même baraque (rémunéré par un salaire ou à la part, parfois par une combinaison des deux).

  • CONTEXTE POLITIQUE AU XVI EME SIECLE: ACTEURS et RIVALITES
    • ACTEURS

1.1) Charles Quint
- 1500 / 1558 abdique en 1556
- Empereur du Saint Empire Germanique (Charles V)
- Roi d’Espagne (Carlos I d’Espagne)
- Roi de Sicile (Charles IV de Sicile)
- Duc de Brabant (Charles II de Brabant)
- Revendique la Bourgogne
- Et affronte François 1er sur les Pyrénées, dans les Flandres, en Lombardie ; il noue et renverse des alliances etc. …
- Héritier des rois très catholiques d’Espagne, il lutte contre l’avancée de l’Islam, contre la propagation de la réforme et combat les maures en Méditerranée

1.2) François 1er
- 1494 / 1547
- Roi de France
- Légitime détenteur de la Bourgogne
- S’oppose financièrement, diplomatiquement et militairement aux ambitions de Charles Quint, qu’elles soit territoriales, ou honorifique (comme son titre d’empereur)
- Poursuit sans succès les ambitions de conquête de ses prédécesseurs concernant les duché de Milan et le Royaume de Naples.

1.3) Familles génoises

1.3.1) Famille Doria (ou D’Oria)
- Andrea Doria :1466 / 1560
- Condottiere puis Amiral de la flotte génoise
- Soutint d’abord François 1er contre Charles Quint, en le combattant avec succès en Méditerranée à la tête de la flotte française, puis passe définitivement aux côtés de l’Empereur en 1528, comme les promesses françaises tardaient à être tenues
- Il évince les français de la République de Gènes et la dote d’institutions plus démocratiques.
- Combat efficacement les turcs et les maures, en particulier l’ancien pirate Khayr Ed-Din,.
- Sous les ordres d’Andrea Doria, son neveu fait captif Dragut (cf. infra)
1.3.2) Famille Lomellini Di Pegli
- Famille aristocratique de Pegli , port de pêche situé près de Gênes
- Banquiers et hommes d’affaires(créanciers de Charles Quint)
- Obtient de Khayr Ed Dine le droit d’exploiter les coraux avoisinant notamment l’île de Tabarka et la propriété de l’île, (droits validés par Charles Quint ), en reconnaissance de l’intermédiation efficace des Lomellini lors la libération de Dragut, capturé par Jeannetin Doria au large de la Corse

1.4) Califes Hafsides
- 1230 / 1574
- Dynastie d’origine berbère, (succédant aux Almohades souverains du Maroc)
- règne sur l’Est algérien, la Tunisie et la Libye,
- puis s’affaiblit
- cède la place au pouvoir des turcs ottomans, tombe face à Khayr Ed Dine

1.5) PIRATES ou CORSAIRES TURCS
1.5.1) Dragut (alias Togurt Reis)
- 1514 / 1565
- Corsaire turc , originaire de Bodrum , protégé et au service de Khayr Ed Dine
- Capturé une première fois par un Doria, (1540) échappe de peu à Andrea Doria (1560)
- Nommé amiral par Soliman, donne la course à la flotte chrétienne et combat avec les ottomans
- Basé à Madhia jusqu’en 1550

1.5.2) Khayr Ed Dine alias Barberousse
- 1466 / 1546
- issu d’une famille de marin grecs (Mytilene) pirate et corsaire
- Roi d’Alger dont il s’empare, s’allie au Sultan turc afin de mieux résister aux assauts espagnols
- Chassé d’Alger par les kabyles, reprends la course pour reconstituer ses ressources
- Conquiert divers points d’appuis nord-africains,- et finalement recouvre Alger pour y fonder le royaume d’Alger et en faire sa base d’opérations
- Nommé Grand Amiral de la flotte turque en 1533 par Soliman
- Grâce aux dissension Hafsides s’installe à Tunis
- éviction de Moulay Hassan , calife Hafside, -
- riposte de Charles Quint en 1535 qui, à la tête d‘une puissante flotte espagnole, réussi à le chasser de Tunis, s’empare de la ville, et l’amena à reprendre la course (razzias sur Minorque)
- Diverses razzias, la dernière instiguée en 1543 par François 1er contre Charles Quint en Calabre et à Nice


Réplique de la galére de Ferdinand d’Espagne
Engagée lors de la bataille de Lépante 1571- poupe
Musée de la marine Barcelone
Photo Sylvie Gandolphe 02-2008<


    • LES RIVALITES et DESORDRES EUROPEENS FAVORISENT LA COURSE

Tandis qu’en Europe continentale les ambitions de Charles Quint, rêvant de constituer un empire universel, se heurtent à l’opposition et au refus de François 1er, ainsi qu’aux prétentions françaises portant sur les états italiens, le royaume d’Espagne dévolu à Charles Quint veut poursuivre à la fois en Méditerranée son action de reconquête chrétienne, et aux Amériques, l’extension de son empire colonial sous couvert de diffusion du christianisme, non sans commencer à se heurter aux ambitions commerciales et coloniales des autres puissances européennes dont l’appétit s’éveille.
D’ailleurs Charles Quint après avoir donné un coup d’arrêt éphémère à la progression ottomane en évinçant Kayr Ed Dine de Tunis en 1535, va se briser sur Alger en 1541 avec l’armada qu’il a réuni, composée par l’ensemble des états chrétiens de Méditerranée (moins la France).
Par la suite la Réforme, partie d’Europe du Nord et Centrale avec Luther, va mobiliser une importante partie des forces des souverains chrétiens, notamment celles de l’Empereur poussé par la papauté à lutter contre le protestantisme et sa propagation – les premiers affrontements armés commencent en 1529, et en 1533 Calvin arrive à Genève -.
Enfin les états italiens après avoir tirés parti de l’impulsion militaire et économique des croisades (besoins financiers, demandes de logistique, ouvertures de routes de commerce) ne parviennent ni à compenser totalement par leurs talents maritimes, financiers et commerciaux, leurs faiblesses résultant de leur trop petites tailles, ni ne peuvent se permettre d’affronter seuls et à la fois, la poussée vers l’occident de l’empire ottoman, l’avidité des puissances européennes, et le harcèlement incessant de la piraterie ou de la course à qui les puissances chrétiennes trop focalisées sur leurs conflits européens ont laissé le champ pratiquement libre en méditerranée .
Les pirates et corsaires connaissent alors une prospérité sans précédent dont la pression restera soutenue jusqu'au milieu du XIXème siècle, et dont la tradition fleuri sporadiquement jusqu’à nos jours sur les anciennes routes de commerce maritimes arabes (Tunisie[00]], mer Rouge, détroit de Malacca, Indonésie, mer de Chine)
Ainsi assiste t-on parfois à des alliances conclues conte nature en apparence, mais reposant sur le pragmatisme d’intérêts circonstanciels bien compris de part et d’autre. Aussi voit-on des pirates devenir corsaires lorsqu’ils se soumettent à l’autorité d’un Etat, si celle-ci a suffisamment de poids pour s’imposer [0] : Certains pirates ou corsaire, démontrant en outre de telles aptitudes comme administrateurs, qu’ils parviennent même a être promus commandant en chef de la flotte d’états souverains et en élargissent les zones d’influence en administrant les conquêtes réalisées sous la bannière de telle puissance, ou appuient leurs opérations militaires.
Ces puissances non seulement en retirent de confortables bénéfices (l’empire ottoman aurait difficilement pu faire face à la charge de ses conquêtes et à l’entretien de son armée de janissaires sans le produit de la course) , mais aussi détournent vers l’adversaires les nuisances que pirates et corsaires ne manquent pas d’occasionner. Aucun Etat n’a renoncé alors officiellement aux bénéfices de la course.


  • ATTIBUTION, PEUPLEMENT ET PROSPERITE, STATUT DE L‘ÎLE
    • ATTRIBUTION de L’ÎLE,- Le prix d’une infamie ?

Ainsi, il n’y a rien d’anormal dans un tel contexte, à ce que les Lomellini se soient entremis entre les Doria, et Barberousse (Khayr Ed Dine) intercédant avec succès en faveur de la libération du corsaire turc Dragut , moyennant paiement de rançon.
Les Doria, précisément le neveu du grand Andrea Doria, Giannettino Doria, avaient capturé Dragut en 1540 près de la Corse, et l’avaient mis aux galéres, n’écartant pas l’idée d’en obtenir une rançon . Ils contrevenaient au prudent usage d’élimination physique des corsaires ou pirates lors de leur capture.
Cette intermédiation relevait en définitive de l’ordinaire des transactions dans le cadre de rançonnement devenu commun en Méditerranée depuis que les dey d’Alger et Bey de Tunis y multipliaient les razzias. Seuls les termes de l’échange s’avéraient extraordinaires.

Charles Quint au début du seizième siècle avait contractés d’importants emprunts auprès d’un ‘consortium’ de banquiers génois comportant entre autres les Grimaldi, les Pallavicino et en particulier les Lomellini de Pegli. A ce titre, il commença par affecter au service des ces emprunts diverses rentes provenant de ses régies dont les redevances perçues des espagnols pour l’exploitation des coraux de Tabarka.

La propriété de l’île, située à la frontière des zone d’influence d’Alger et de Tunis, fut ensuite attribuée aux Lomellini par Khayr Ed Dine en récompense de leur médiation ayant amené à la libération de Dragut (qui pu ainsi sévir joyeusement comme corsaire une vingtaine d’année supplémentaire).

    • PEUPLEMENT GENOIS

Les Lomellini proposèrent par priorité l’immigration sur l’île de Tabarka à la population ligure les entourant à Pegli :

La première vague d’immigrant génois fut composée de 471 personnes accompagnées de leurs familles comportant notamment :
272 corailleurs
1 gouverneur
1 chef d’entrepôt
1 cantonnier
80 manœuvres
32 artisans
70 soldats
5 caporaux
1 lieutenant, etc... La cession de l'île à Francesco Grimaldi e a Francesco Lomellini avec les droits de pêche y attenant, ainsi que divers autres droits, a été confirmée en 1547 moyennant une redevance payée au seigneur d’Alger Alah Rais .
Cette redevance sera réglée selon les alea de l’histoire parfois à Alger, plus souvent à Tunis, voire au deux autorités ottomanes.
La redevance a été progressivement révisée à la hausse [2] Peu après, à la suite du retrait progressif espagnol de la Méditerranée, les Grimaldi ont quitté ‘l’association’, laissant pour principaux propriétaires exploitants les Lomellini.


 STATUT

Le statut juridique de l’île était passablement complexe : l’île se situe aux limites des zones d’influence d’Alger et de Tunis, occupée à la fin du moyen âge par des espagnols qui tenaient un place de choix dans les échanges commerciaux du bassin méditerranéen occidental (l’autorité arbitrale de la Lloja, bourse de commerce de Barcelone, était largement admise par les commerçants et armateurs méditerranéens ; elle jetait ainsi les bases d’un droit maritime international) :

En terme de souveraineté l’île relevait logiquement de la couronne d’Espagne du fait de l’occupation espagnole lors de l’accès au pouvoir de Charles Quint en sa qualité de roi d’Espagne .
Les Lomellini en étaient propriétaire à titre ’privé’ et détenaient surtout, aux côtés de leurs associées, les droits de pêche sur les bancs coralliens alentour,
La famille Lomellini exerça de fait quasiment tout le pouvoir sur la population de l’île .
Elle nommait le gouverneur qui, outre ses fonction d’administrateur, de pourvoyeur en approvisionnement, exerçait les fonctions de police et de justice.
Les décisions de ‘justice’ du gouverneur étaient soumises aux Lomellini qui choisissaient de transmettre ou non la décision du gouverneur à l’appareil judiciaire, lequel in fine confirmait ou réformait la décision d’origine[2].
Les question de droit privé relevaient des tribunaux de Milan, Castiglia (Sardaigne) et Naples .

Cependant le gouverneur de l’île devait prêter serment de fidélité au roi d’Espagne devant son ambassadeur à Gênes. Cet usage traduisait bien toute l’ambiguïté du statut de l’île.
Le gouverneur accordait aux habitants les autorisations de mariage sur l’île , dont l’exiguïté n’autorisait qu’un peuplement maîtrisé.
Le versant Est de l’île était protégé par une tour octogonale placée en son centre tandis que les entrepôts et magasins bénéficiaient de la protection d’une batterie et de deux fortins .
La paroisse de l’île a été directement rattachée à l’Archevêque de Gènes jusqu’en 1756 (en dépit du saccage de 1742).

L’assimilation de Tabarka à une zone franche informelle [2.1] semble particulièrement pertinente. Le comptoir, était éloigné des pôles de pouvoir turc nord-africains (Alger et Tunis) : Cet établissement était normalement régi e pour les questions de droit public par l’Espagne du fait de son occupation sporadique d’origine, tandis qu’en terme de doit privé les génois, chez qui la confusion entre affaires publiques et commerciales était communément admise, en assuraient l’administration , l’exploitation et le peuplement permanent,
De fait on verra les Lomellini payer s des redevances d’exploitations imultanément à Alger et à Tunis.

En définitive ce sera le droit du plus fort qui prévaudra jusqu’ à la fin de la colonie génoise, donc celui des affaires, tant que celles-ci donneront satisfactions à toutes les parties. La stabilité de Tabarka n’a reposé pendantplus de deux siècles que sur le partage des bénéfices retirés de son exploitation:


** PROSPERITE DE L’ILE ET DES LOMELLINI

Les Lomellini retirait de substantiels revenus non seulement de l’exploitation corallienne très profitable, mais encore du négoce des produits provenant de l’arrière pays tunisien : En effet les génois de Tabarka étaient de bons marins et pêcheurs, mais aussi ajoutaient- ils à leur courage les compétences de bons commerçants. Ils firent en même temps que leur prospérité, la fortune des Lomellini ;
Une branche de cette famille changea son nom de Lomellini di Pegli en Lomelini di Tarbarca, traduisant ainsi la bonne fortune dégagée de l’île.
Une partie de cette richesse fut consacrée à des embellissement de la ville fondatrice, Pegli qu’ils dotèrent de nombreux palais (certains demeurent encore debout)


PEGLI- Villa Rostan Lomellini
Imagine da E. Perazzo


Lorsque le rendement du banc corallien s’amenuisa par suite de son épuisement progressif et de la dégradation des conditions d’exploitations, les Lomellini cherchèrent en vain, en 1718 à céder leur droits aux espagnols, puis l’année suivante sous-louèrent l’île pour 10 ans à Giacomo Filippo Durazzo et Giambattista Cambiaso : Le contrat ne fut pas renouvelé à son terme compte tenu de sa rentabilité insuffisante.
Par la suite Giacomo Lomellini exploita l’Île 8 Années durant puis elle fut affermée moyennant une rente annuelle de 200 000 lires au génois Giovanni Antonio Giano <ref> [1] </ref> jusqu’à l’intervention du Bey de Tunis .


* LES INGERENCES

    • L’INGERENCE FRANÇAISE
      De longue date la France avait manifesté son intérêt pour cette zone et ce type d’activité car dès 1561 elle avait créé un comptoir concurrent dédié à la pêche du corail : Bastion de France, situé à peu de distance de La Calle (El Qala), autre établissement de pêche et de commerce fondé sur l’actuel territoire d’Algérie, non loin de Bône (Annaba) .
      Le comptoir de Bastion de France était régi par une famille Corse-Marseillaise , ayant obtenu du Dey d’Alger la concession de la pêche du corail moyennant une redevance, et placée sous la protection de la monarchie française.
      Ainsi s’y établit la Compagnie Royale d’Afrique. Longtemps profitable, elle fusionna plus tard avec la célèbre Compagnie des Indes .
      Ce comptoir épousait l’hostilité de la France envers Gènes à la suite de la défection de la République vis-à-vis de François 1er et du retournement de l’alliance de Gènes en faveur de l’Espagne,
      Les français avaient donc connaissance, non sans la jalouser, de la bonne fortune des tabarquins rivaux et adversaires, et souhaitaient s’approprier leurs sources de revenus.
      Une première tentative d’investir Tabarka par la force fut éventée en 1633 . La surdité du roi de France aux protestations élevées par les Lomellini reste compréhensible et les incidents se multiplièrent au cours des années suivantes .

Cependant, les forces maritimes génoises s’affaiblissaient. Le sort de la colonie de Tabarka devint de plus en plus fragile et moins attractif. Tandis que les redevances exigées tant par le dey d’Alger que le bey de Tunis ne cessèrent d’être révisées à la hausses. Toutes ces raisons incitèrent les Lomellini à vouloir se défaire de leur concession entre les mains espagnoles au début du XVIIème siècle

  • L’INTERVENTION BEYLICALE - 1742
    L’Echec des premières tractions menées avec les espagnols laissait le champ libre à l’intérêt pour le comptoir génois manifesté par les français de la compagnie Royale d’Afrique Ils souhaitaient élargir leur domaine d’activité. Des pourparlers secrets furent donc entamés dans la première moitié du XVIIème siècle .

Le bey de Tunis Ali Pacha eu connaissance de ces tractations secrètes, proches de leurs conclusion en 1741 et en prit d’autant plus ombrage que Tunis envisageait de reprendre à son compte l’exploitation directe des coraux de Tabarka et ne considérait pas favorablement la venue des français :
Sous le couvert de régler des questions de détails laissées en suspens, il dépêcha en 1742 huit goélettes vers l’île, conduites par son neveu Younes Bey. Les principaux défenseurs de Tabarka invités à bord tombèrent dans un piége et furent jetés immédiatement aux fers. Ainsi les troupes d’Ali Pacha n’eurent aucune peine à investir l’île et à capturer hommes, femmes et enfants. Ces captifs au nombre de 900, furent transportés à Tunis et réduits en esclavage ou rançonnés, tandis que tout fut saccagé ou détruit sur l’île : fortifications, habitations , chapelle des capucins (établis sur l’île depuis 1636).

Cependant l’attrait du comptoir ne s’était pas éteint : on note encore des mariages et naissances de génois-tabarquins après les destructions de 1742 indiquant la persistance d’une petite communauté génoise qui finit par disparaître de l’île au profit de celle s’étant entre temps constituée à Tunis.
En 1781 la ‘Compagnie d’Afrique’ pu t s’installer.sur Tabarka .


* L’ECLATEMENT DES TABARQUINS APRES L’ASSAUT DE 1742

Tandis que ces captifs de Younes Bey étaient conduits en esclavage vers les bagnes de Tunis, quelques fuyards purent, dans un premier temps, atteindre La Calle grâce à leurs barques de pêche et se réfugièrent temporairement chez les français. Enfin quelques tabarquins ont pu rester sur place après le saccage.,

    • Le sort des tabarquins de Tunis - Bagne ou rançon
      Les huit cent quarante-deux captifs [3] furent entassés dans les bagnes de Tunis déjà surpeuplés, Ils furent secourus non sans peine par les représentants religieux des capucins dont l’action était communément admise dans les bagnes : les archives conservent la trace des arrérages du prêt sur gage alors consenti aux capucins par le consul des Pays Bas à Tunis, emprunt contracté afin de secourir le soudain afflux d’esclaves.

« …(le) Père Antonin de Novellara, vit arriver ces pauvres captifs presque nus pour la plupart, sans argent, sans provisions, et les bagnes étaient déjà tout remplis.
Touché de pitié, le bon Préfet mit en gage l'argenterie, les ornements, les chandeliers de l'église, et jusqu'à la relique de la vraie croix, renfermée dans un reliquaire de cristal orné d'argent. Afin de pouvoir alimenter, vêtir et abriter tant de malheureux, il compromit encore les dépôts d'argent que les esclaves lui avaient confiés. » [3]

Les bagnes de Tunis, dont le nombre et la capacité ont varié dans le temps [4], n’avaient rien de comparable ni avec celui de Cayenne, ni avec ceux du Club Méd. : chaque bagne comportait sa chapelle desservie par quelque prêtre, d’un ordre caritatif quelconque, chargés de secours moraux et physiques.
On peut s’étonner de cette tolérance vis-à-vis de missionnaires chrétiens développée au sein d’un monde où l’islam était bien ancré. Cependant le Coran enjoint expressément de prendre soin des esclaves [4.1], de plus il vaut mieux détenir un esclave en ordre de marche et négociable, qu’un esclave improductif , voire pas du tout d’esclave.

Les bagnes servaient plutôt de prison de nuit, et les esclaves avaient la possibilités de détenir des biens propres (accumulés avec l’espoir de pouvoir un jour s’acquitter de sa rançon).
Chacun des bagnes également doté de taverne -rares endroits où le vin était vendu dans ce monde islamisé- était souvent assimilé à un lieu de débauche. Leur insalubrité notoire réduisaient considérablement les espérances de vie.
Dans la Médina de Tunis, ces bagnes jouxtaient souvent des fondouks, ensembles architecturaux fermés sur l’extérieur qui abritèrent des consulats, des négociants européens et leurs famille , et des entrepôts pour les marchandises. Ainsi il n’était pas rare à Tunis qu’européens libres côtoient européens en servitude,

    • La diaspora
      La libération des esclaves était subordonnée au paiement d’une lourde rançon .
      Il est probable de rares captifs de l’assaut de 1742 aient pu tôt recouvrer la liberté et se soient joints au gros des fuyards estimés selon les sources à un nombre se situant entre 370 et 500 personnes [5] : ils avaient pris la fuite aux moyen des barques des corailleurs, en se dirigeant vers La Calle distante d’une trentaine de kilomètres.
      Cependant la fuite vers le comptoir français et son satellite Bastion de France, ne pouvait être qu’une étape car chacun des comptoir était tenu par des français ne souhaitant qu’évincer et supplanter les tabarquins, quand bien même l’agression de l’île de Tarbarka désignait clairement l’ennemi commun. Ce ne pouvait donc être qu’une étape. On retrouve quelque noms tabarquins-ligures dans le peuplement de ces comptoirs français : Toutefois la présence de ces patronymes peut aussi bien s’expliquer par l’exiguïté et par la proximité de l’île de Tabarka incitant certains de ses habitants à changer de localisation : le besoin de main d’œuvre a pu justifier certaine osmose.
      • Les poussières de la constellation tabarquine
        • En Tunisie – à Tabarka et à Tunis
          Comme l’attestent les naissances et la persistance de la paroisse (maintenue jusqu’en 1756) quelques tabarquins demeurèrent ou revinrent sur place, peut être après avoir été protégés par la population tunisienne établie sur la côte avec laquelle de bonnes relations de voisinage auraient pu être nouées auparavant et au fil du temps pour les besoins d’approvisionnements des tabarquins .
          Leurs expertise - connaissances commerciale et de l’exploitation du corail- a sans doute justifié de les épargner et de les maintenir sur place afin d’assurer la poursuite des activités : Dans tous les cas ces tabarquins demeuraient captifs de l’île, pratiquement comme par le passé, sauf à changer de maîtres, mais peut être pas dans de pires conditions,
          Les premiers prisonniers disposant d’assez de ressources pour régler sans tarder le prix de leur rançon se trouvèrent sans doute parmi ces survivants qui surent rapidement tirer parti de leurs talents en s’engouffrant par la porte de sortie laissée ouverte par les musulmans. Ils y parvinrent peut être aussi avec l’aide des capucins, mais ces gens de condition modeste pour la plupart ne suscitèrent que peu de compassion et de secours de la part des puissances européennes.
          Certains demeurèrent à Tunis et La Goulette en nombre suffisant pour constituer une petite communauté où leurs coutumes survécurent un certain temps. Leur plurilinguisme, leurs traditions commerciales, leurs aptitudes spécifiques furent certainement leurs meilleures sauvegardes.
          Cette communauté a pu accueillir en son sein les rares esclaves parvenant à se libérer des bagnes.
          En tout état de cause la durée de captivité a rarement dû excéder plus d’une dizaine d’années du fait de l’insalubrité des bagnes et de conditions de vie très difficiles
        • En Corse
          Bien , qu’elle fut encore possession génoise, la Corse n’est pas apparue aux rescapés comme une terre d’accueil très séduisante. Depuis 1729 l’île de Beauté était entrée en insurrection permanente contre l’autorité génoise jusqu’en 1769, année où la République de Gènes épuisée par ces conflit sans intérêts céda l’île à la France.
          Néanmoins , Bonifacio, jouissant de remarquables défenses naturelles, ainsi que d’une large autonomie, aurait recueilli quelques familles de tabarquins. Cette place forte, d’abord libre puis dépendance génoise comportant déjà une importante colonie génoise depuis le XIIIème siècle, pouvait apparaître à juste tittre comme un havre bien défendu.
ONIFACIO – Source : WIKIPEDIA COMMONS