TENNE Claude La grande évasion
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TENNE Claude La grande évasion
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C'est à Pâques 1967 que Marc a l'idée pour la première fois, de s'évader dans une malle.
En effet, il a remarqué que les autres détenus, qui commencent à bénéficier de grâces, sortent de la prison accompagnés de malles et de cantines, emplies de livres de distraction et d'études (certains passent des diplômes) accumulés en six ans. Or, ces bagages ne semblent pas fouillés. Marc se le fait discrètement confirmer par ceux déjà sortis. Il peut tenir dans une malle (1,76 - 72 kg). Mais il lui faut s'entraîner à y rester trois heures. Il parviendra à quatre. Il pratique maintenant le yoga pour apprendre à retenir sa respiration : deux inspirations, une expiration par minute. Sa grâce, il veut l'obtenir de lui-même. Le 3 novembre, n'y tenant plus, il profite de la sortie de son ami Varga (il dira, pour le protéger, que ce dernier ignorait tout "Tu prends une cantine de plus, je serai dedans". Il vide les livres d'une cantine et la rajoute aux bagages du nouveau libéré et prend leur place. Il s'enferme dans la malle. Porté, il parcourt en sens inverse la prison, est chargé avec les bagages dans une camionnette. II fait froid. Il passe les port de la citadelle. Dernier arrêt, le presbytère. Il est resté dans sa position inconfortable, engourdi par le froid, pendant plus deux heures. II a paniqué par moments et souffert de crampes. Marc sort de la cantine dans le noir. Respirer un grand coup. Le bac. Le récit de la suite de l'évasion, que vous lirez peut-être dans son livre ou dans les journaux de l'époque, n'est pas le vrai. Sachez qu'un réseau Algérie Française va prendre en charge. Mais Marc ne se sent pas en sûreté. Trop de gens parlent. La guerre finie, la discipline s'est relâchée. Marc se cache près de Paris. Il trouve un peu d'argent. C'est une jeune femme, résistante de l'Algérie Française, ancienne prisonnière politique, qui seule organisera sa fuite de France, non pas vers la Belgique, comme il est dit dans ses propres récits, (il faut dérouter les R.G.) mais vers la Suisse. Marc gardera à cette femme, j'en suis témoin, la plus grande amitié et la plus grande tendresse jusqu'à son dernier jour. Son évasion de Ré a rendu fous De Gaulle et Fouchet. Le plan Rex a mobilisé 150.000 hommes : policiers, gendarmes, militaires, barbouzes. Les Parisiens ont vécu leur pire rentrée de week-end et l'acteur bien connu, Pierre Tornade se retrouva en prison pour avoir revêtu, en partant de chez lui, sa tenue de scène ... de légionnaire. Comme si un évadé... ! La presse française, Paris Match en tête, mais aussi la presse étrangère (journaux anglais, espagnols, etc ...) parlent de l'évasion du "Sing Sing" français. Jamais personne ne s'était évadé de l'Ile de Ré. Robin, prisonnier lui aussi de l'Ile de Ré, s'est évadé, mais d'une infirmerie lors de soins à La Rochelle. Quelques mois après, un réseau propose à Marc un reportage pour Paris Match. Celui-ci a besoin d'argent. Il accepte, bien qu'il ait peur de se voir enlever par des barbouzes comme un certain colonel Argoud ! Le rendez-vous est pris à Rome. Il fait croire aux journalistes qu'il est protégé par de nombreux commandos de l'OAS. En fait, seule la jeune femme dont nous avons parlé surveille, sans armes. Marc a lui un pistolet caché dans le journal italien qu'il tient à la main (photo dans Paris Match). Il mime, dans une chambre d'hôtel, son entrée et sa position dans la malle. Les photos feront à nouveau le tour du monde. Alain Delon (Marc, à l'époque, a un air de famille avec lui) paiera un acompte pour se réserver le droit de tourner un film. Mais l'argent ne parviendra jamais à Claude. Marc se réfugie à Palma, dans une villa prêtée par une vieille dame. Puis il essaie de monter une société en Espagne où se sont réfugiés de nombreux clandestins. Il écrit son livre : "Mais le Diable marche avec nous" qui rappelle le chant célèbre du ler REP. Livre qui paraît à " La Table Ronde" en 1968. En mai 1968, il est grâcié comme tout l'OAS. Promesse faite par un De Gaulle, affolé, à Massu, à Baden Baden. Peur aussi de voir la révolution gagnée par les communistes et le pouvoir balayé. Qui mieux que les anciens de l'OAS auraient pu servir de rempart aux communistes ? C'est Michel Barouin, l'ancien patron de la GMF, ancien Grand Maître du Grand Orient, disparu mystérieusement il y a quelques années en Afrique, qui organisera les accords conduisant à l'amnistie. Marc revient en France. Il a une famille avec laquelle il n'a jamais vécu. Bientôt cinq enfants. Il redémarre à la base. Son objectif : ouvrier puis contremaître. Il fait des chantiers en France, en Belgique, puis au Moyen-Orient. Il achète une maison à Maurous (Gers).Un aspect rude du bâtiment et ses propres rêves le feront l'appeler " La Commanderie". Enfin, le petit ouvrier, le légionnaire, le combattant de l'ombre, le détenu, le réprouvé a sa maison. Il participe à des actions de certains groupes d'anciens d'Algérie et de mouvements Pieds-Noirs, attachés à défendre les rapatriés endettés. Ils sont aussi demandés pour des actions politiques, des meetings un peu chauds où l'on vient armé d'un fusil de chasse. Ils seront ainsi pour quelque chose (faut-il le regretter ?) dans l'élection de Frèche à Montpellier ou Léotard à Fréjus. A Mauroux, Marc se fait des amis. D'anciens OAS, des "Pieds-Noirs" et des locaux. Tous un peu braconniers. Mais les gendarmes sont maintenant amis. Le Maire aussi. Marc renouera encore une fois avec l'action syndicale et mènera, avec une passionaria cégétiste, une des grèves les plus dures dans le Sud-Ouest de la France. 1983, il sera condamné à douze ans de réclusion. Il semble cependant que cet épisode de sa vie soit lié à des questions et problèmes d'ordre privé dans le cadre de sa famille et sans rapport avec son passé glorieux. Il en fera huit, ne bénéficiant que des grâces automatiques, obligatoires. Aucune grâce à titre personnel, pas de permission. Mais les matons et les voyous respecteront ce détenu pas comme les autres, ce politique. Il faut dire que Marc, qu'ils appellent "Le vieux", saura se faire respecter, quitte à donner la plus grande "correction" au parrain corse ou au voyou maghrébin,petite frappe de banlieue. Renouant avec son habitude de popote, Marc s'attachera la sympathie de deux ou trois truands, casseurs de banques, les seuls qu'il respecte. Il leur parlera, sans être sûr qu'ils le comprennent, des événements qu'il a vécus ou de ses rêves de Révolution et leur donnera des cours de politique et d'Histoire. Cela faisait cinq ans maintenant que Claude était sorti de prison. Il rêvait d'ouvrir un atelier de ferronnerie d'art. Il avait passé d'autres diplômes en prison, dont le CAP de métallier. Et ses oeuvres peuvent figurer dans les plus beaux salons. A Paris, puis à Toulouse, il a essayé tous les métiers. Il parcourait tous les chantiers pour trouver un emploi. C'est difficile quand on a 56 ou 58 ans, surtout quand la sincérité vous fait dire les nombreuses années passées derrière les barreaux. Je l'ai vu bosser comme le gosse de vingt ans qu'il avait été. Sa forme physique, entretenue pendant ces sombres années, était extraordinaire. Marc fut pendant quelque temps chef monteur de poutrelles dans les immeubles parisiens en construction. Il aimait bien se comparer à cette tribu indienne qui monte les buildings américains. Il se sentait bien à vingt ou trente mètres du sol. Nous refaisions parfois le monde, l'Algérie, l'OAS, en buvant l'anisette. Marc ne se reconnaissait plus dans cette armée, cette Légion qui ne peut plus s'enorgueillir que du rôle de constructeur de routes ou de cible comme "soldats de la paix". La dérive de la France l'écoeurait. Il avait souvent appris la haine en prison, lui le soldat sans haine. Pourtant, grâce à une amie d'origine "Pieds-Noirs", vivant à Toulouse, il avait trouvé la paix. Je lui en sais gré. Marc-Claude a choisi de partir, le 7 janvier à minuit, à Toulouse, sur une petite place qu'il appelait "mon village". Debout. Une balle dans le coeur, pour faire propre, pour ne pas déranger. Il avait des tas de bonnes raisons pour cela. Mais, moi je crois qu'entré dans sa soixantième année, il a choisi de partir, pendant qu'il en était encore temps, rejoindre le Lieutenant Degueldre et le Sergent Dovecar. En les assassinant, De Gaulle leur avait offert de conserver l'âge auquel ils furent fusillés. Marc a voulu les rejoindre pendant que sa forme lui permettait encore de courir derrière eux les Djebels, au Paradis des héros de l'Algérie Française. |