ALGERIE INSTITUTIONS 1896 - 20 septembre 1947

De Encyclopédie-de-L'AFN_1830-1962

<ret>Retour</ret>

les institutions algériennes (1) : 1896 - 20 septembre 1947
n°18 - 20 août 1948
Documents algériens
Service d'information du Cabinet du Gouverneur Général de l'Algérie

L'organisation existant en Algérie à la fin du siècle dernier ne fut pas cependant bouleversée de fond en comble, d'un seul trait, par les réformes qui intervinrent dés l'année 1896, mais elle fut plutôt adaptée, surtout à compter de la parution des trois décrets organiques du 23 août 1898, aux particularités administratives, politiques, morales et ethniques qui caractérisent l'Algérie.

A côté des institutions anciennes et qui avaient fait leurs preuves que l'on se contenta de remanier, d'améliorer et de perfectionner, on en créa d'autres qui devaient répondre aux besoins dont l'expérience venait de révéler l'utilité.

Le nouveau régime s'inspire de l'idée que l'Algérie n'est pas un simple prolongement (le la France continentale, qu'au contraire sa situation géographique, sa formation ethnique et son développement économique lui donnent une physionomie propre qu'il faut, d'autre part, distinguer l'Algérie proprement dite et le Sahara algérien, territoire immense, désertique et impropre au développement d'un peuplement européen. Ceci étant posé, il ne s'agit d'accorder à l'Algérie ni une autonomie ni même une autonomie financière. La gestion des intérêts, si elle est décentralisée, demeure subordonnée aux pouvoirs français dont rien n'affaiblit l'initiative et le contrôle : l'unité politique subsiste la souveraineté française reste intacte.


LES ÉTAPES DE LA DÉCENTRALISATION

La décentralisation administrative et la déconcentration des pouvoirs, inaugurés par le décret dit «&nbsp ;de dérattachement&nbsp ;» du 31 décembre 1896, a été caractérisée par les trois décrets du 23 août 1898 sur la haute administration de l'Algérie et par la loi du 19 décembre 1900 qui transposa dans le domaine budgétaire les réformes réalisées dans l'ordre politique, administratif et financier.

LA LOI DU 19 DÉCEMBRE 1900

Préparée à Alger, longuement étudiée et discutée à Paris, dans l'esprit le plus libéral et avec le désir de réaliser une œuvre durable, la loi du 19 décembre 1900 (1) a été, jusqu'à ces toutes dernières années, considérée comme la " Charte de l'Algérie ".

L'exposé des motifs de cette loi traduit la double préoccupation du Gouvernement, d'une part assurer à l'Algérie pour ses services coloniaux les franchises d'ordre économique et financier, dont il a été jugé équitable de la doter, et lui inspirer les sentiments des responsabilités qui en dérivent ; d'autre part, conserver à la Métropole des moyens d'action suffisants pour contrôler efficacement le fonctionnement de ces services, dont elle abandonne la direction immédiats et exercer la haute surveillance dont elle ne doit pas départir : en un mot, lui maintenir vis-à-vis de sa colonie émancipée la souveraineté dont elle jouissait antérieurement, l'autorité et l'influence compatibles avec les libertés qu'elle n'a pas hésité à lui octroyer.

L'expression, actuellement supplantée par celle de Statut, revient fréquemment, au début du siècle, sous la plume des rapporteurs des Délégations financières et à la tribune du Parlement. Sans être d'une exactitude rigoureuse, elle caractérise cependant, avec l'accent qui convient, l'acte d'émancipation à compter duquel l'Algérie, livrée au moment voulu à ses propres moyens, a brusquement pris conscience d'elle-même et su doubler allègrement les étapes d'une évolution qui, jusqu'alors, était restée aussi lente que hasardeuse.



LE GOUVERNEUR GÉNÉRAL

L'exercice du pouvoir exécutif appartient au Gouverneur Général de l'Algérie. Nommé par un décret rendu en Conseil dles ministres, sur la proposition du Ministre de l'Intérieur, c'est-à-dire suivant une procédure solennelle qui met en jeu la responsabilité du Cabinet tout entier, le Gouverneur Général est un des plus hauts fonctionnaires de la République (décret du 25 août 1898, article 1er. Ses attributions sont multiples : elles débordent largement les dispositions des décrets de 1898 et des lois de 1900 et de 1902. Il faut aller les rechercher jusque dans le décret du 10 décembre 1860, implicitement remis en vigueur par le décret du 31 décembre 1896. On les trouve encore dispersées dans quantité de textes de lois et de décrets spéciaux. Dans l'ensemble, elles traduisent la double mission de représenter le Gouvernement de la République française et l'Algérie, personne civile.

Agent régional du Gouvernement, le Gouverneur Général veille au maintien de l'unité politique française et aux grands intérêts nationaux. Il a le droit de préséance sur tous les fonctionnaires civils et militaires. Il est consulté sur la nomination de tous les hauts fonctionnaires (décret du 23 août 1898, article 2). Les préfets des trois départements d'Alger, d'Oran et de Constantine sont placés sous son autorité directe. Ils sont responsables de leur administration vis-à-vis de lui et doivent lui en rendre compte (décret du 23 octobre 1934, article 3).

Le Gouverneur Général est seul responsable vis-à-vis du Gouvernement des mesures nécessaires à la défense et à la sécurité de l'Algérie (décrets du 3 décembre 1916 et du 5 juin 1918). Tous les services civils sont placés sous sa haute direction, à l'exception de certains services qui demeurent directement rattachés aux ministères compétents : Justice non musulmane, Éducation nationale, Radiodiffusion.

Le Gouverneur Général est assisté dans sa tâche d'un Secrétaire Général du Gouvernement et a, sous son autorité immédiate, un Cabinet civil, un Cabinet militaire et l'Inspection générale du Gouvernement (décret du 19 avril 1935). Un organe consultatif, le « Conseil de Gouvernement&nbsp»;, composé des directeurs du Gouvernement Général, des hauts fonctionnaires et dles conseillers rapporteurs, donne son avis sur certaines questions, mais sa consultation n'est jamais obligatoire.

Comme tous les représentants du pouvoir exécutif, le Gouverneur Général amalgame d'ailleurs, en un mélange assez intime, la fonction de gouvernement et celle d'administration.



L'ADMINISTRATION

Le Gouvernement Général.

L'Administration centrale du Gouvernement de l'Algérie est agencée comme une administration centrale (le ministère avec des directions, des services et une hiérarchie de directeurs, sous-directeurs, chefs et sous-chefs de bureaux, rédacteurs, commis et dactylographes, à la tête de laquelle se trouve placé un Secrétaire Général du Gouvernement, nommé par décret, qui coordonne les travaux et traite toutes les affaires avec le Gouverneur Général.

L'Administration centrale est chargée d'adapter les lois métropolitaines aux caractères propres (le l'Algérie et d'assurer l'élaboration des différents textes législatifs. Elle comprend un Secrétariat général du Gouvernement et les Directions et services des Finances, de la Sécurité générale, de l'Éducation générale, de l'Intérieur et des Beaux-arts, des Travaux publics et des Transports, de l'Agriculture, de la Santé publique, du Travail, des Territoires du Sud, des P.T.T.., de la Législation et du Contentieux administratif, du Contrôle médical, du Contrôle financier, de la Délégation générale du Plan et l'Office administratif du Gouvernement Général de l'Algérie à Paris.

Créé par décret du 10 juillet 1945, le Secrétariat Général pour les Affaires Économiques a cessé d'exister avec le décret du 24 décembre 1946 réglant le budget spécial de l'Algérie.

Toutefois, deux Secrétaires généraux adjoints secondent le Secrétaire générai dans sa tâche. Le premier, ou Secrétaire Général Adjoint du Gouvernement, assiste le Secrétaire Général du Gouvernement pour l'ensemble de ses attributions, le deuxième est plus particulièrement chargé de la coordination des Affaires économiques de l'Algérie.

Telle est l'imposante organisation qui, encore aujourd'hui, est préposée en Algérie à l'application de toutes les mesures qu'appelle le développement du pays.



Administration départementale.

Créés sous la IIème République, les trois départements algériens s'étendent en profondeur de la côte aux hauts-Plateaux. Malgré leur dénomination, ces entités ne peuvent, dans l'ensemble se comparer aux départements métropolitains plus réduits du point de vue de l'aire territoriale (le département de Constantine dépasse de plus de dix fois en étendue la superficie du plus grand département métropolitain), mais elles sont, comme les département de la France métropolitaine, administrées par un Préfet assisté d'un Conseil de Préfecture auprès duquel siège un corps élu, le Conseil général, composé de membres désignés dans les deux catégories de population qui habitent ce pays : les Européens et les Musulmans et dont les pouvoirs et la compétence, tels qu'ils ont été fixés par le décret du 23 septembre 1875, ne diffèrent guère (sauf les adaptations nécessaires) des règles et des principes posés par les lois du 1er août 1871 et du 31 juillet 1875 sur les Conseils généraux de la Métropole.

Le département algérien est, de même que celui de la Métropole, divisé en arrondissements à la tête desquels se trouve un Sous-préfet dont les attributions diffèrent sensiblement de celles le ses collègues métropolitains.
Depuis 1900, il est chargé principalement, sinon exclusivement, d'inspecter d'une façon permanente et active son arrondissement et d'être un représentant du Gouverneur Général, faisant des tournées fréquentes et se tenant en contact constant avec les maires et les administrateurs de son territoire.

Le département d'Alger comprend, à l'heure actuelle, sept arrondissements : Alger, Aumale, Blida, Médéa, Miliana, Orléansville, Tizi-Ouzou ;
celui d'Oran, six arrondissements : Oran, Mascara, Alostagauem, Sidi-Bel-Abbès, Tiaret et Tlemcen ;
celui de Constantine, sept arrondissements : Constantine, Batna, Bône, Bougie, Guelma, Philippeville et Sétif.



Organisation communale.

Les trois départements algériens comportent ainsi qu'il a déjà été dit (D.A n°17)

  • 283 communes de plein exercice (où le régime municipal est le même que celui de la Métropole),
  • 13 communes mixtes (dirigées par un Administrateur des Services civils, assisté d'une Commission municipale avec des Adjoints musulmans)
  • et 163 centres municipaux (DA n°1-2-3-4-5).

Les Territoires du Sud.

Les Territoires du Sud (deux millions de km2, 500.000 habitants) restent soumis à un régime particulier essentiellement basé sur la nécessité du maintien de l'ordre dans d'immenses étendues désertiques où règne souvent le nomadisme. Créés par la loi du 24 décembre 1902, ces territoires, placés sous l'autorité directe (lu Gouverneur Général, sont formés de quatre grandes circonscriptions (Aïn-Sefra, Ghardaïa, Touggourt, les Oasis) qui sont, chacune, commandées par un officier supérieur (le Commandant militaire) nommé par décret sur présentation du Gouverneur Général et propositions des ministres de l'intérieur et de la Guerre. Les Commandants possèdent, en outre, des pouvoirs administratifs qui sont supérieurs à ceux d'un sous-préfet métropolitain. La législation applicable à l'Algérie est applicable aux Territoires du Sud, sauf disposition contraire expresse.
Les Territoires du Sud comprennent en tout dix communes mixtes et cinq communes indigènes.



ORGANISATION JUDICIAIRE

L'ordonnance du 26 septembre 1842 reste le texte principal en cette matière. Tout en dotant l'Algérie d'une organisation comparable à celle de la Métropole, elle a établi la distinction qui subsiste a l'heure actuelle entre les Tribunaux français et les juridictions musulmanes.

Justice française.

Il existe, siégeant à Alger, une Cour d'Appel. Son ressort s'étend sur les trois départements algériens et embrasse plus de 8 000 000 de justiciables, ce qui lui donne la deuxième place parmi les Cours d'Appel de France, immédiatement après celle de Paris. Sa compétence est la même que celle des Cours de la Métropole et s'étend, dans certaines conditions, aux affaires musulmanes. Les quatre Cours d'Assises existant actuellement ont été organisées par la loi du 5 août 1942. Les Français musulmans sont justiciables de ces institutions dans les mêmes conditions que les Français d'origine non musulmane ou les étrangers européens.

Dix-sept tribunaux de première instance siégeant aux chefs-lieux de département ou dans certains arrondissements connaissent de toutes les affaires civiles, suivant les mêmes règles de compétence qu'en France.

En Alger, Oran, Constantine et Bône siègent des tribunaux de commerce dont les membres sont élus depuis l'ordonnance du 24 novembre 1847.

Les justices de paix jouent un rôle important en Algérie où elles sont au nombre de 129, se répartissant comme suit 

  1. 20 Justices de paix à compétence ordinaire,
  2. 97 Justices de paix à compétence étendue,
  3. 12 Justices de paix militaires dans les Territoires du Sud.
    1. Les Juges de paix à compétence ordinaire ont, en principe, la même compétence que les juges de paix de la Métropole.
    2. Les juges de paix à compétence étendue, créés par décret du 19 avril 1854, sont aussi juges en matière musulmane.

Une ordonnance du 26 novembre 1944 a étendu leur compétence en matière correctionnelle.

L'administration des Territoires du Sud ayant été aux mains des militaires pendant toute la période envisagée (1902-1947), il était normal que la justice fût confiée à des officiers. Ceux-ci ont, en principe, en matière civile et pénale, la même compétence que les Juges de paix à compétence ordinaire.

Les Conseils de Prud'hommes ont été introduits dans la législation algérienne par une loi du 23 février 1881 et exercent, avec quelques modifications, leurs attributions comme dans la Métropole.

Trois Conseils de Préfecture et trois Tribunaux militaires complètent l'organisation de la justice française en Algérie.



Justice musulmane.

La France ayant pris, en 1830, l'engagement de respecter la religion et les coutumes des populations de ce pays, il fallait donc laisser aux Musulmans leurs droits, leurs tribunaux et leurs cadis, tout en veillant à ce que les juridictions musulmanes soient soumises au contrôle de la justice française.

Complètement réorganisée dans le sens le plus large par les trois ordonnances du 23 novembre 1944, la justice musulmane, vivifiée par l'esprit de l'ordonnance du 7 mars, doit être un des moyens efficaces de rapprochement entre Français musulmans et non musulmans.



ORGANISATION FINANCIÈRE

C'est dans le domaine financier que se manifeste sans cloute le plus nettement, depuis 1900, le caractère original de l'organisation administrative et économique de l'Algérie, considérée à la fois comme un simple ensemble de départements métropolitains et comme une entité ayant une personnalité propre.

La Direction Générale des Finances.

La Direction Générale des Finances de l'Algérie, « chargée de préparer et d'exécuter toutes les mesures concernant la politique financière de l'Algérie en matière budgétaire, fiscale ou de crédit public ou privé », n'a rien d'un service métropolitain « régional » ; au contraire, son organisation interne, comme celle des Directions des Finances du Maroc ou de la Tunisie, est, en fait, un raccourci du Ministère des finances dont elle reprend toutes les directions, à l'échelon de simples bureaux ou services. La Trésorerie Générale de l'Algérie, la Direction des Douanes de l'Algérie et le Service de la Topographie lui sont rattachés à titre de services régionaux.

Les divers services des Finances voient se poser devant eux, à l'échelle de l'Algérie, l'ensemble des problèmes financiers, mais l'initiative dont ils disposent pour les résoudre est extrêmement variable : dans certains domaines (en matière de change, par exemple), la loi métropolitaine s'applique de plein droit et sans transposition ; dans d'autres (crédit privé), la loi fixe des cadres que remplissent des arrêtés du Gouverneur Général ; enfin, dans un secteur très vaste, l'Algérie jouit d'une autonomie complète que corrige seulement le pouvoir de tutelle des ministres de l'Intérieur et des Finances. Il s'agit, en l'occurrence, du domaine budgétaire (DA n°4).



Les Assemblées Financières.

Avant 1900, l'Algérie ne possédait pas de budget spécial. Toutes les ressources fiscales perçues dans ce pays bénéficiaient exclusivement à la Métropole qui assurait, par des crédits inscrits à son propre budget, toutes les dépenses nécessitées par le fonctionnement des services civils et les dépenses militaires.

Une première amélioration fut apportée à ce régime par les décrets du 23 août 1898 créant les « Délégations financières algériennes », corps élu représentant direct des contribuables algériens et chargé de donner son avis sur toutes les questions d'impôts et de taxes, de même que sur certaines questions d'ordre économique et fiscale.

Le décret du 23 août 1898 répartissait en trois délégations les différentes catégories de contribuables français ou musulmans :

  1. Les colons. Était colon tout concessionnaire ou propriétaire de biens ruraux, ainsi que tout chef d'exploitation ou fermier des dits biens ;
  2. Les contribuables autres que les colons ;
  3. Les indigènes musulmans.

Les délégués financiers étaient élus pour six ans et renouvelables par moitié tous les trois ans.

Il était donc prévu une première délégation composée de 24 membres élus directement par les colons, au scrutin individuel, à raison de 8 par département.

Une deuxième délégation était formée, composée également de 24 membres élus directement au scrutin individuel, à raison de 8 par département, par les contribuables français autres que les colons, inscrits au rôle d'une des contributions directes ou des taxes assimilées.

Une troisième délégation était enfin instituée, qui se composait de 21 représentants des indigènes musulmans, à savoir, depuis le décret du 20 décembre 1922

  1. Quinze délégués des indigènes, autres que les Kabyles à raison de 5 par département. Élus dans chaque circonscription au scrutin individuel, par tous les électeurs indigènes, inscrits sur les listes électorales des communes de plein exercice et par tous les membres indigènes des Commissions municipales et des Djemmas des communes mixtes ;
  2. Six délégués des indigènes kabyles, élus dans chaque circonscription, au scrutin individuel, par électeur indigènes inscrits sur les listes électorales des communes de plein exercice et par tous les membres indigènes des Commissions municipales et des Djemaàs des communes mixtes ; les délégués kabyles formant une section spéciale de la troisième délégation. Un décret postérieur au 30 juin 1937 devait porter l'effectif de la troisième délégation à 24 représentants, savoir : 17 délégués indigènes autres que les Kabyles, et 7 délégués des indigènes kabyles.

Le mandat de délégué financier ne pouvait, de toute façon, se cumuler avec celui de sénateur ou de député. Il était entièrement gratuit, sauf le remboursement des frais de voyage et de séjour.

Chaque délégation devait être consultée, tous les ans, par le Gouverneur Général, sur les questions relatives aux impôts ou taxes perçus, où à percevoir, intéressant la catégorie des contribuables qu'elle représentait, notamment sur l'assiette, le taux et le mode de perception de ces impôts ou taxes, et sur les réformes dont ils paraissaient susceptibles.

Les délégations pouvaient, également, être consultées sur toutes autres questions d'ordre financier ou économique.

Le décret du 23 aout 1898 posait également la règle que les deux premières délégations ainsi que la section arabe et la section kabyle de la 3e délégation devaient, en temps normal, délibérer séparément, mais que, toutefois, le Gouverneur Général pouvait autoriser, par arrêté spécial leur réunion en Assemblée plénière, en vue de délibérer sur des questions d'intérêt commun, spécifiées par le même arrêté. C'est pourquoi ce décret, qui prévoyait l'élection, par chaque délégation ou section, d'un bureau distinct, stipulait qu'en cas de réunion d'ensemble, la présidence et les autres fonctions du bureau seraient exercées par les doyens des bureaux des deux premières délégations.

Telle était l'organisation des Délégations Financières - compte tenu des règles formulées dans la loi du 19 décembre 1900 - à la veille de la guerre de 1939. Cette institution subit une éclipse comme toutes les Assemblées élues pendant la période du Gouvernement de Vichy : après le 8 novembre 1942, elle reprend vie pendant quelque temps.

Elle est remplacée, en 1945, en vertu de l'ordonnance du 13 septembre de la même année, par une Assemblée financière unique composée de 37 membres, appartenant aux Commissions des Finances des Conseils généraux départementaux. Essentiellement transitoire, cette Assemblée financière où la représentation musulmane était de 2/5 comme dans les Conseils généraux, fut surtout créée afin d'assurer le vote du budget de 1946 en attendant que le Parlement se soit prononce sur une organisation définitive de l'Algérie.



LES REFORMES EN FAVEUR DES MUSULMANS

Sollicitées surtout par les « intellectuels », les réformes ont toujours été l'un des plus graves sujets de méditation et de préoccupation pour les hautes autorités, de la Métropole et de l'Algérie, soucieuses de la mission tutélaire dévolue à la France dans son Empire et en particulier dans la pièce maîtresse de cet Empire&nbpsp ;: l'Algérie. Elles ont vu le jour par l'ordonnance du 7 Mars.

Régime politique des Musulmans.

Quel était le régime politique des musulmans antérieurement à cette ordonnance ?

La première possibilité offerte aux Musulmans algériens de passer de la catégorie de sujet à celle de citoyen en se faisant naturaliser leur avait été accordée par le sénatus-consulte du 14 juillet 1865 (DA n°16) les institutions algériennes (1) : 1830-1870 n°16 - 1er août 1948

Plus tard, le législateur rendit plus facile pour certaines catégories de Musulmans l'accession à la citoyenneté par la loi du 4 février 1919. Il faut reconnaître, cependant, que la politique d'assimilation par abandon du statut musulman a fait faillite. Le nombre de naturalisés depuis 1865 est minime, car le Musulman considère comme une véritable abjuration le fait de perdre volontairement son statut pour se placer sous le régime du code civil français. C'est sur ce point que porte l'innovation de l'ordonnance du 7 mars 1944 qui, tout en conservant au Musulman son statut dans la cité française, proclame dans son article 1er l'égalité des droits et des devoirs entre tous les Français musulmans et non musulmans.

Représentation des populations.

La représentation des Algériens est assurée par les organes suivants:

  • Sur le plan national : deux collèges (1er collège comprenant à la fois les Français non musulmans et certaines catégories de Musulmans, le 2e collège ne comportant que des Musulmans) élisent les parlementaires dans les conditions suivantes :
    • Le décret du 17 août 1945, pris en application de l'ordonnance de même date, avait fixé pour les Musulmans composant le 2e collège l'élection de 13 représentants comme pour le 1er collège.
    • Cette disposition a été maintenue par la loi du 5 octobre 1946, le nombre de représentants à l'Assemblée nationale dans chaque collège étant porté à 15.
    • Le décret du 8 novembre 1946, pris en application de la loi du 31 octobre 1946, et qui prévoit la représentation de l'Algérie au sein du Conseil de la République par 14 conseillers (7 pour chaque collège), s'inspire du même principe d'égalité.
    • Les lois du 27 octobre 1946, 7 janvier et 4 septembre 1947, et le décret du 15 novembre 1947 fixent la représentation de l'Algérie à l'Assemblée de l'Union Française.
  • Sur le plan local (Conseils généraux et Conseils municipaux), la représentation de la population musulmane a été fixée aux 2/5 de l'effectif total de ces assemblées par l'ordonnance du 7 mars 1944.

Telles étaient l'organisation administrative de l'Algérie et la condition des populations musulmanes lorsque le problème du Statut de l'Algérie fut abordé au cours de l'été 1946. Après avoir âprement discuté cette question l'Assemblée fit « confiance au Gouvernement pour déposer dans le plus bref délai un projet de loi organisant le Statut de l'Algérie ».

Ce fut en juillet 1947 que le problème se posa de nouveau lorsque le Gouvernement eut mis au point son projet et différents groupes parlementaires leurs propositions de loi.

Après délibération d l'Assemblée nationale et du Conseil de la République, puis adoption par l'Assemblée nationale, la loi du 20 septembre 1947, portant statut organique de l'Algérie, fut promulguée et publiée le 21 septembre 1947 au « Journal Officiel de la République Française » et le 3 octobre 1947 au « Journal Officiel de l'Algérie ».